C'est un tournant dans l'histoire de la micro-informatique. Le premier fabricant mondial de PC a annoncé qu'il se désengageait de cette activité. En prenant cette décision, Léo Apotheker, le PDG de HP, prend acte d'une double réalité : le marché a déjà basculé vers les tablettes et HP a raté ce virage. La firme américaine choisit de se concentrer sur les activités dédiées aux entreprises. Le numéro un mondial des PC n'est pas parvenu à développer en même temps ses activités dédiées aux entreprises et celles s'adressant aux particuliers. Léo Apotheker a donc décidé de se séparer de ses ordinateurs, tablettes et Smartphones, "mis K-O. par Apple", selon l'expression d'un analyste américain. Le titre a d'ailleurs perdu plus de 20 % à l'ouverture de Wall Street, avant-hier. Une lourde sanction pour un revirement stratégique majeur et deux annonces que les marchés apprécient généralement peu : HP s'apprête à débourser 10 milliards de dollars pour le rachat d'Autonomy, le leader britannique du logiciel, et a prévu que la scission de son activité PC lui coûterait un milliard de dollars de coûts de restructuration. a l'image de ce qu'IBM a fait il y a six ans, HP choisit de se concentrer sur les activités dédiées aux entreprises (services, serveurs, stockage de données, réseau), tout en conservant l'imagerie et l'impression. Cette concentration sur le monde professionnel apparaît comme "logique" au vu du passé de son PDG. Léo Apotheker a passé plus de vingt ans chez l'éditeur de logiciels allemand SAP, qu'il a dirigé pendant huit ans. Ce sont des métiers qui dégagent des marges très nettement supérieures à celles des ventes de matériel. Ainsi, en 2010, les services aux entreprises ont réalisé 57 milliards de dollars de chiffres d'affaires avec, à la clé, 8,7 milliards de résultat opérationnel. En face, la division PC, tablette et téléphone a affiché un chiffre d'affaires de 40 milliards de chiffres d'affaires mais seulement 2 milliards de résultat. En se recentrant sur les activités "business", Léo Apotheker prend aussi le pari qu'il saura développer les activités de stockage de données et les serveurs. Le patron de HP mise notamment sur l'analyse des données et le cloud computing (les services informatiques à distance) pour se relancer. Ses concurrents auront désormais pour nom IBM, Oracle, Cisco et non plus Apple. UN MODELE INTEGRE Enfin, l'offre de tablettes évoluera encore, poussée par la concurrence entre les grands acteurs du marché, Apple et Google, et leurs "challengers" Microsoft et RIM (BlackBerry). "Pour exister sur le marché grand public de la micro-informatique, il faut être capable de vendre des PC, des tablettes et des smartphones, ajoute Ranjit Atwal, analyste chez Gartner. Les profits viennent de l'écosystème qui en découle, pas des ventes de matériel." C'est le modèle Apple. Après avoir développé son magasin d'applications sur iPhone et iPad, il en a étendu le principe aux Mac. A ce titre, Léo Apotheker a voulu aller trop vite. Il n'a pas laissé le temps à son système d'exploitation WebOS, ni à son magasin d'application, AppCatalog, de se développer. "La transition d'un modèle économique à l'autre n'est pas aisée, et HP a sans doute surestimé la valeur de sa marque auprès des consommateurs", ajoute Ranjit Atwal. Au dernier trimestre, les ventes de PC de HP aux particuliers ont reculé de 10 %, tandis que celles aux entreprises ont progressé de 20 %. CONSECRATION DE L'ECHEC L'avenir de la division PC, téléphones et tablettes (PSG) demeure incertain. Tous les scénarios sont alors possibles. Une scission, avec éventuellement une introduction en Bourse qui en ferait une entreprise indépendante, mais opéable. Un rachat, on sait les ambitions du chinois Lenovo, qui a déjà racheté la division PC d'IBM et veut devenir numéro un mondial. Enfin, l'abandon pur et simple n'étant pas non plus à exclure. Ce scénario étant le pire, alors que HP a déboursé 25 milliards de dollars il y a dix ans pour racheter Compaq et 1,8 milliard l'année dernière pour Palm. Le groupe a aussi investi dans la relance de son logiciel WebOS, et dans la fabrication de Smartphones et de tablettes avec la TouchPad qu'il vient tout juste de commercialiser. "Dans ce domaine, ce n'est pas un sprint, c'est un marathon", expliquait Léo Apotheker dans une interview au Figaro, fin juin. Il semble que le coureur de fond se soit essoufflé dès les premiers kilomètres.