Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a rejeté de facto, hier, la proposition franco-allemande de gouvernement de la zone euro, piloté par les Etats-Unis, en estimant que cette fonction revenait à ses services. La Commission européenne est le gouvernement économique de l'Union, pour cela nous n'avons assurément pas besoin de davantage d'institutions, a-t-il déclaré devant le Parlement européen à Strasbourg. En août, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel avaient proposé la constitution d'un gouvernement économique de la zone euro pour aider au pilotage des politiques nationales. Ils ont proposé que le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, en prenne la tête. Ce qui est mal perçu par la Commission. L'exécutif européen a le sentiment d'être marginalisé par ce projet. Pour gérer les affaires économiques européennes, nous avons besoin plus que jamais de l'autorité indépendante de la Commission. Les gouvernements ne peuvent le faire seuls. Pas plus que cela peut être réalisé par des négociations entre gouvernements, a martelé M. Barroso. La France et l'Allemagne souhaitent que M. Van Rompuy, qui préside déjà les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne, préside également ceux des dirigeants des 17 pays de la zone euro, dont les réunions seraient pérennisées à raison de deux fois par an. Il est aussi prévu que cette présidence de la zone euro soit dotée d'une forme de secrétariat permanent. En outre, M. Van Rompuy pourrait aussi assumer en même temps la présidence du forum des ministres des Finances de l'Union monétaire, actuellement assurée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, ce dernier devant a priori s'effacer en juin 2012. Dans un tel scénario, M. Van Rompuy, un ancien Premier ministre belge porté à la présidence du Conseil européen grâce aux soutien de la France et de l'Allemagne, deviendrait une sorte de Monsieur euro. La Commission voit cette évolution d'un mauvais oeil. Et les relations entre M. Barroso et Mme Merkel en particulier ne sont pas au beau fixe, Berlin se plaignant régulièrement en privé de l'exécutif européen. Si l'Allemagne ou la France cherchent à promouvoir M. Van Rompuy aux dépens de M. Barroso, c'est parce que la président de la Commission n'est pas la marionnette des Etats, contrairement au portrait qui est parfois fait de lui, et qu'il résiste justement aux capitales, assure un membre de son entourage. La Commission plaide elle pour qu'un commissaire européen prenne la présidence de l'Eurogroupe des ministres. Bruxelles est soutenue sur ce point par de nombreux parlementaires européens, partisans de la méthode communautaire dans l'UE par opposition à la méthode inter-gouvernementale, mais aussi des petits pays comme les Pays-Bas qui redoutent la main mise des grands sur la conduite des affaires économiques de l'Union monétaire. La Grèce restera dans l'euro malgré la crise La Grèce restera dans la zone euro malgré la crise de la dette dans laquelle elle se débat, a assuré, hier, Barroso, devant le Parlement européen, cherchant à couper court aux rumeurs récurrentes sur une sortie inévitable du pays. Les pays européens continueront de se montrer solidaires avec Athènes, a-t-il insisté. La Grèce doit répondre à ses engagements pleinement et dans les temps en matière de réduction du déficit national, a-t-il souligné. En contre-partie, les Européens sont résolus à continuer de soutenir les pays en proie à la crise jusqu'à ce qu'ils aient retrouvé l'accès au marché, a-t-il dit. L'aide à la Grèce n'est pas un sprint mais un marathon, a-t-il estimé. La crise de la dette est le plus grand défi de l'histoire de l'Union européenne, a aussi estimé M. Barroso. Nous sommes confrontés à une crise financière, économique et sociale. C'est une crise de confiance comme jamais depuis des décennies. Tant à l'égard de nos gouvernements, de nos dirigeants et de l'Europe elle-même, que de notre capacité à trouver des solutions, a-t-il dit. L'Europe n'a pas répondu aux défis de la compétitivité. Certains de nos Etats-membres ont vécu au-dessus de leurs moyens. Dans les marchés financiers, il y a eu des comportements inadmissibles. Et nous avons laissé se creuser des déséquilibres entre nos ?tats membres, a-t-il regretté. Et les séismes qui secouent l'ordre international, les pressions qu'exerce la mondialisation ont encore aggravé la situation, a-t-il constaté. José Manuel Barroso favorable à une taxe financière Le président de la Commission européenne s'est prononcé, hier, en faveur de la création d'euro-obligations à terme dans la zone euro, qui se débat dans la crise de la dette. Dans son discours sur "l'état de l'Union", José Manuel Barroso a officialisé une proposition de taxe sur les transactions financières en Europe. "Une fois que la zone euro sera dotée des instruments nécessaires pour assurer tant l'intégration que la discipline économique, l'émission de dette commune sera considérée comme un pas naturel et avantageux pour tous", a déclaré M. Barroso devant le Parlement européen à Strasbourg. Il a toutefois posé comme "condition que de telles euro-obligations soient des 'obligations de stabilité'", autrement dit que l'Union monétaire soit dotée d'un mécanisme strict de surveillance de la discipline budgétaire des différents pays de la zone euro. L'Allemagne a déjà à plusieurs reprises exprimé son opposition à un tel système de mutualisation des dettes des pays de la zone euro, y voyant un encouragement au laxisme budgétaire. La France a une position plus ouverte sur la question, même si elle exclut les euro-obligations dans l'immédiat. Plus de 4000 milliards d'euros M. Barroso a aussi confirmé que la Commission avait adopté une proposition de taxe sur les transactions financières censée rapporter jusqu'à 55 milliards d'euros par an. "Au cours des trois dernières années, les Etats membres ont accordé des aides et fourni des garanties au secteur financier à hauteur de 4600 milliards d'euros. Il est temps que le secteur financier apporte sa contribution à la société", a-t-il affirmé.