C'est un peu le hasard, beaucoup d'humilité et surtout un talent indéniable qui feront que Hamid Cheriet, ce fils de commerçant aisé d'Ath Yanni, établi à Alger, devienne cette icône de la chanson algérienne. Aujourd'hui. Hamid Ath Larvi comme on l'a toujours appelé dans son village natal est un artiste né pour révolutionner son monde. C'est grâce à son originalité et son audace que la chanson kabyle a réussi à sortir des clichés folkloriques dans lesquels l'avaient confiné ses prédécesseurs. Mis à part l'immense Chérif Kheddam chez qui Hamid Ath Larvi avait étudié le solfège pendant un an, au cinéma Rex à Alger, les autres artistes de l'époque n'avaient pas dans leur registre de quoi influencer musicalement le jeune virtuose qu'il était et qui cachait à ses parents son envie secrète de devenir artiste. Le solfège chez Cherif Kheddam A l'époque, exhiber ses capacités vocales en public était considéré comme un tabou que les conservateurs avaient bien du mal à briser. Ceux qui chantaient étaient aussitôt considérés comme des meddahan. Il était encore adolescent au lycée Emir Abdelkader lorsqu'il avait commencé à monter sur scène, pour accompagner Chérif Kheddam qui lui faisait l'honneur de lui faire confiance. Il faut dire que le chef savait qu'il ne prenait pas n'importe qui dans son groupe. Loin de là même. Car Hamid était considéré par ses camarades du conservatoire comme le plus doué de tous techniquement. Il y avait entre autres, parmi ceux qui ont fait carrière, feu Dalil Omar, Athmani, Slimani, Mouloud Habib et un certain Lounis Aït Menguellat. C'est dire que la concurrence était rude aux côtés de ces futures stars de la chanson kabyle. Bien sûr qu'il n'envisageait sans doute pas de faire une carrière aussi brillante que celle qu'il réalisera quelques années plus tard, mais son sérieux était tel que même s'il ne voulait pas aller vers la chanson, le destin a voulu que la chanson vienne à lui, pour le mener vers la renommée mondiale. Une berceuse qui réveille tout le monde Il était encore étudiant en géologie lorsqu'il avait composé une comptine pour enfant intitulée Arsed ayidhas (viens oh, sommeil), que la célèbre chanteuse Nouara devait interpréter en direct à la radio dans l'émission «Les cinq épreuves». Le hasard a voulu que Nouara fasse faux bond au producteur qui, se rappelant que le jeune Hamid Cheriet avait assisté aux répétitions, l'a presque sommé de remplacer la star au pied levé. Il n'avait pas trop insisté auprès du jeune musicien qui, malgré la pression et le trac, savait tout de même qu'il n'avait pas une voix pire que beaucoup d'autres chanteurs confirmés. Il prit juste le soin de garder l'anonymat pour ne pas heurter la sensibilité de ses parents qu'il croyait hermétiques et non disposés à accepter que leur fils s'exhibe en public. Idir venait de naître dès lors que la Chaîne II commençait à distiller sur ses ondes la voix de ce chanteur qui charmait les familles par cette mélodie nouvelle et sa façon propre de chanter. Paradoxalement, Arsed ayidhas cette berceuse, a fait réveiller tout le monde, à commencer par sa propre maman qui ne cachait pas son faible pour l'auteur de ce tube. Hamid qui n'osait pas dévoiler son secret à sa famille, se contentera de dire que le chanteur dont sa mère était fan était un bon ami. Ce dernier recevra même une invitation à la maison par Nna Taous qui voulait le remercier et l'encourager. Neuf mois caché à deux reprises Elle n'en reviendra pas le jour où elle apprendra que cet Idir dont toutes les femmes parlaient était bien caché, encore une fois, quelque neuf mois chez elle. La première étant bien sûr dans son ventre béni. Hamid pouvait donc se dévoiler au grand jour avec ou sans son ami fictif Idir qui a eu le consentement de ses parents qui suivront l'ascension vertigineuse de leur enfant dont la cote de popularité avait pris de l'ampleur dès la sortie de la chanson phare Avava Inouva de son album éponyme, en 1973. Cette dernière qui a été reprise dans pas moins de soixante-dix-sept pays connaîtra un succès inégalé dans le monde de la chanson internationale. Ce succès planétaire aurait pourtant bien pu tomber dans les oubliettes si un certain Kherroubi, originaire du village d'Agouni Ahmed à Béni Yenni, n'avait pas vu juste en apportant au texte original de cette mélodie ancestrale les couplets qui feront la différence avec la version refusée par beaucoup d'artistes, comme Djamel Allam ou Slimane Metref dit Slimani, originaire d'Agouni Ahmed également, qui l'avait trouvée trop moderne à l'époque. Pour tout l'or du monde Idir en sera l'heureux élu et cette chanson porte-bonheur le propulsera, baraka en main, au rang de star mondiale. Le chanteur aux lunettes noires venait de s'installer de manière éternelle dans le monde de la chanson. Il aura cette singularité d'être un artiste que les intellectuels consultent et écoutent quand il s'exprime. Idir est entré dans la légende depuis et composera plusieurs autres albums dans des registres certes, en peu différents, mais qui seront toujours emprunts de cette candeur qui fera d'Idir un artiste qui appartient à toutes les familles algériennes. On dit qu'avec Mouloud Mammeri et Mohamed Arkoun, Idir est l'un des trois bijoux kabyles en argent dont Ath Yanni ne pourra jamais se séparer pour... tout l'or du monde. N. D. Les frères Zahouane et l'EN de 1982 Ils étaient trois beaux et forts comme les Grecs anciens. Ils étaient inséparables et avaient tous trois une passion commune : le football. Leur nom de famille c'est Zahouane. Hamid milieu et attaquant et Azouaou défenseur. Garges Les Gonesse. Ils sont originaires d'Ath Yenni et avaient cette particularité d'avoir joué dans différents clubs de la deuxième division française, dont Montpellier. Les trois frères venaient souvent en été passer leurs vacances à Ath Yenni et se plaisaient beaucoup à se joindre aux jeunes locaux pour des matches interminables. La qualité de leur jeu avait impressionné plus d'un. Même les responsables de la FAF de l'époque, qui après la qualification de l'EN de pour le Mundial espagnol, avaient réuni au stade du 20-Août un grand nombre de joueurs issus de l'émigration pour une présélection, en vue de renforcer l'EN. Il y avait parmi ces enfants d'émigrés, les Maroc, Djadaoui, Bourebbou, Hamimi... et les trois frères Zahouane qui prétendaient eux aussi à une place parmi les 22 joueurs retenus pour ce Mundial. Le niveau était tellement élevé que les frères Zahouane, pourtant très bons joueurs, n'avaient pas été retenus. Sans doute qu'avec l'équipe actuelle de l'EN, ces enfants d'Ath Yenni auraient joué le cigare au bec. Reportage réalisé par Nacym Djender Vos remarches et suggestions sur : [email protected]