Les divergences entre Paris et Berlin ont persisté, avant-hier, sur les solutions à apporter pour éviter une contagion de la crise de la dette en zone euro via un renforcement de son Fonds de secours de la zone euro, assombrissant une réunion des ministres des Finances de l'Union monétaire à Bruxelles. Les deux capitales sont engagées depuis plusieurs jours dans un bras de fer sur le meilleur moyen d'accroître la force de frappe du Fonds (FESF), un instrument essentiel à l'Union monétaire pour espérer empêcher une contagion de la crise de la dette à des pays comme l'Espagne et l'Italie, dans le viseur des marchés. La France continue de défendre des solutions impliquant la Banque centrale européenne (BCE), malgré l'opposition de l'Allemagne et de l'institut monétaire de Francfort lui-même, a affirmé, avant-hier, un diplomate européen. Selon Paris, la meilleure solution pour endiguer la propagation de la crise, surtout après une future restructuration de la dette grecque, consiste à faire en sorte que la BCE continue comme elle le fait depuis des mois à racheter des obligations d'Etats fragiles sur le marché secondaire, a expliqué cette source. Or la BCE s'y refuse et cette compétence vient pour cette raison d'être transférée au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Si in fine c'est bien le FESF qui devra racheter la dette des Etats fragiles, il faudra le renforcer et, là aussi, la France continue, selon cette source, de pousser des solutions impliquant la BCE: transformer le fonds de secours de la zone euro en établissement bancaire afin qu'il puisse emprunter auprès l'institut monétaire de Francfort. A Berlin, l'opposition à cette solution qui va à l'encontre des traités européens est vive. Plusieurs hauts responsables allemands ont même assuré, depuis la veille, qu'elle n'était plus sur la table. Au contraire, la France continue de la défendre, il y a de grosses discussions, a expliqué le diplomate européen. Comme en écho, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a rappelé la position de Berlin, en marge de la réunion avec ses homologues de la zone euro à Bruxelles. Il est clair qu'on s'en tient à ce qui est autorisé par le traité (de l'UE), à savoir que la Banque centrale (européenne) ne peut être utilisée, a-t-il déclaré. Il a également rappelé que Berlin n'entendait pas augmenter la capacité effective de prêts du Fonds, doté actuellement de 440 milliards d'euros. A Berlin, le vice-chancelier allemand Philipp Rösler s'est lui aussi montré catégorique. En aucun cas nous ne souhaitons qu'une licence bancaire soit donnée au FESF. C'est ce que veulent nos collègues, amis et partenaires en France. Mais c'est hors de question pour nous en tant que gouvernement, et pour la coalition (gouvernementale) tout entière, a affirmé M. Rösler. Ce clivage est l'une des raisons qui a contraint la zone euro à convoquer un sommet supplémentaire de ses dirigeants mercredi prochain au plus tard pour parvenir à un plan complet de réponse à la crise de la dette, après celui d'aujourd'hui, initialement annoncé comme décisif. Mercredi soir, le président français Nicolas Sarkozy s'est rendu en urgence à Francfort, alors que son épouse était sur le point d'accoucher, pour tenter d'aplanir les divergences avec la chancelière allemande Angela Merkel. Mais la réunion s'est mal passée. Tout le monde a été surpris à Francfort mercredi soir de la grande opposition entre la suggestion française et la suggestion allemande sur le FESF, estime un responsable européen sous couvert de l'anonymat. On s'est rendu compte, peut-être trop tard, qu'il y avait du travail à faire pour parvenir à un accord, a-t-il ajouté. Avant-hier, à Bruxelles, le ministre français des Finances, François Baroin a assuré qu'il y avait une volonté de faire des avancées de part et d'autre.