A la veille d'un sommet européen crucial, Silvio Berlusconi n'était toujours pas parvenu, hier, à convaincre son allié de la Ligue du Nord de réformer les retraites pour apporter une réponse convaincante à Bruxelles, faisant planer le spectre d'une crise politique. Mis au pied du mur dimanche à Bruxelles par ses partenaires européens qui lui réclament des engagements fermes en matière de réformes structurelles et de réduction de la dette colossale du pays (120% du PIB), le chef du gouvernement italien avait promis de réformer les retraites en relevant l'âge de départ. Mais son allié clé de la Ligue du Nord, qui s'est opposé à toute intervention sur ce front ces derniers mois, campe sur ses positions et un conseil des ministres extraordinaire convoqué lundi soir s'est achevé sans qu'aucune décision ne soit prise. Les négociations se poursuivaient, hier, entre Berlusconi et le parti populiste mais l'hypothèse d'une chute du gouvernement n'était pas écartée. En 1994, la Ligue n'avait pas hésité à faire tomber le premier gouvernement Berlusconi mais depuis 10 ans, leur alliance a tenu contre vents et marées. "Je crois que cette hypothèse existe", a répondu le ministre des Infrastructures et des Transports, Altero Matteoli, interrogé sur la possibilité d'un tel scénario, tout en assurant que le gouvernement "négocie" et qu'il y a des "marges de manœuvre". Afin de ne pas mécontenter sa base, qui remet en question son alliance avec Berlusconi, Umberto Bossi, le chef de la Ligue du Nord, oppose son veto à une hausse de l'âge de départ de 65 à 67 ans dans le cadre des "pensions de vieillesse" et à toute intervention majeure sur les "pensions d'ancienneté". Ce système, qui permet actuellement de partir en retraite à 60 ans à condition d'avoir cotisé 36 ans, bénéficie en effet en majeure partie aux salariés du nord industriel, fief électoral du parti. Pour la Ligue, les "retraités ont déjà donné", le système italien ayant déjà été réformé en profondeur ces dernières années avec la hausse progressive de l'âge de la retraites des femmes de 60 à 65 ans pour l'aligner sur celui des hommes et le relèvement progressif à partir de 2013 de l'âge de départ en fonction de l'augmentation de l'espérance de vie. Les divisions au sein de la majorité ont empêché en outre le gouvernement d'adopter un ensemble de mesures destinées à relancer la croissance promis depuis cet été. Aucun nouveau conseil des ministres n'ayant été convoqué pour le moment, Silvio Berlusconi pourrait seulement présenter, aujourd'hui, à ses partenaires européens une "feuille de route" avec des projets de réformes, note-t-on de source gouvernementale. Malgré l'adoption cet été de mesures d'austérité draconiennes censées permettre au pays de parvenir à l'équilibre budgétaire dès 2013, l'Italie ne parvient toujours pas à rassurer les marchés qui doutent de la crédibilité du gouvernement et craignent qu'il n'atteigne pas ses objectifs de réduction du déficit en raison de sombres perspectives de croissance. Outre les retraites, l'Europe exige donc des réformes structurelles du marché du travail ou du cadre législatif pour les entreprises afin de renforcer le potentiel de croissance et éviter que l'Italie ne soit la prochaine victime de la crise de la dette, ce qui mettrait en péril l'ensemble de la zone euro. Signe que les investisseurs sont toujours très méfiants, les taux obligataires italiens s'inscrivaient en fin de matinée à 5,954%, juste en dessous des niveaux records atteints en août à plus de 6%. Parallèlement, l'UE réfléchit, selon des sources diplomatiques, à l'option de soutenir la péninsule en rachetant, via son Fonds de secours, de la dette italienne sur le marché pour que le pays puisse se financer à des taux raisonnables, une tâche qui incombe actuellement à la BCE.