Les pays de la zone euro ont entamé, dans la nuit de jeudi à vendredi, une vaste refondation qui, après signature d'un nouveau traité ouvert aux pays n'utilisant pas la monnaie unique, doit les porter vers une plus grande intégration budgétaire. Au terme de leur seizième sommet depuis le début de la crise de la dette, fin 2009, et après plus de 10 heures d'intenses tractations, ils se sont entendus sur ce nouveau "pacte", qui repose notamment sur un contrôle plus strict des budgets nationaux, ainsi que sur une réforme limitée du futur mécanisme européen de stabilité, qui sera désormais épaulé par la BCE. "C'est un sommet qui fera date", a déclaré Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse qui a débuté peu après 5h00. "Nous aurions préféré une réforme des traités à 27, cela n'a pas été possible compte tenu de la position de nos amis britanniques (...) Ce sera donc un traité intergouvernemental à 17, ouvert à ceux qui voudront le rejoindre", a-t-il ajouté. La Grande-Bretagne a d'ores et déjà annoncé ne pas vouloir signer ce traité. Les dirigeants suédois, tchèques et hongrois veulent consulter leur parlement et réservent leur réponse, est-il indiqué dans les conclusions du sommet. Les institutions actuelles de l'Union européenne pourront être utilisées dans ce nouveau traité, qui sera rédigé d'ici mars et ne devra pas obligatoirement faire l'objet d'un référendum dans les pays qui le signeront, selon le texte. Les modalités juridiques précises doivent désormais être discutées mais, sur le fond, ce nouveau traité s'inspirera très largement de la lettre franco-allemande transmise cette semaine à Herman Van Rompuy, ainsi que des propositions de ce dernier. Les pays dont les déficits seront supérieurs à 3% de leur PIB seront visés par des sanctions automatiques qui ne pourront être bloquées que par une majorité qualifiée de pays. Par ailleurs une "règle d'or" budgétaire permettant de maintenir ces déficits sous le seuil de 0,5% du PIB sur la durée du cycle économique devra être intégrée aux législations nationales, sous le contrôle de la Cour de justice européenne. Merkel, Draghi se félicitent La chancelière Angela Merkel, s'est, elle aussi, félicitée de l'issue du sommet. "Je pense qu'après de longues négociations il s'agit d'un résultat très important parce que nous avons appris des erreurs du passé et parce qu'à l'avenir nous aurons des décisions qui nous engageront, plus d'influence de la Commission européenne, plus de communauté et avec cela plus de cohérence", a-t-elle dit avant de quitter le bâtiment du Conseil européen. Elle a, par ailleur confirmé que la date d'entrée en fonction du futur mécanisme européen de stabilité (MES) serait avancée à juillet 2012. Sur proposition du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, les membres de la zone euro ont décidé que la BCE deviendrait l'opérateur de ce mécanisme. "La Banque centrale européenne gèrera le FESF et le MES. Il y a eu une proposition de M. Draghi proposant de mettre les compétences de la banque centrale au service du fonds européen. Nous avons considéré que c'était une très bonne idée (...) C'est un élément de plus qui renforcera la confiance dans ce fonds", a dit Nicolas Sarkozy. Autre nouveauté, le mode de décision du MES inclura une procédure d'urgence selon laquelle la règle de l'unanimité sera substituée par une majorité surqualifiée de 85%. En revanche, le MES ne sera pas doté d'une licence bancaire comme le demandaient une majorité de pays et sa capacité de prêt cumulée avec l'actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF) restera de 500 milliards d'euros. De manière complémentaire, l'ensemble des Etats membres de l'UE se sont entendus pour étudier dans les dix jours la possibilité de prêter 200 milliards d'euros au Fonds monétaire international pour en renforcer les ressources. L'ensemble de ces résultats ont été jugés encourageants par Mario Draghi qui, avant le sommet, avait douché les espoirs des marchés d'une intervention rapide de l'institut de Francfort en soutien aux pays en difficulté. "Cela va être la base d'un bon pacte budgétaire et de plus de discipline en matière de politique économique parmi les membres de la zone euro", a-t-il déclaré après la réunion. Il a toutefois prévenu qu'il attendait désormais que des détails soient fournis dans les prochains jours. La zone euro et ses alliés vont de l'avant sans Londres Les conditions posées par Londres sont "inacceptables", selon Nicolas Sarkozy. L'accord pour renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro sera donc adopté par les 17 membres de l'Union monétaire et six autres pays. Selon une source européenne, parmi les dix pays de l'UE non membres de l'euro, le Royaume-Uni et la Hongrie "ont dit non" à un changement du traité de l'Union européenne (UE), tandis que la Suède et la République tchèque veulent d'abord "consulter leur parlement". Le président français a précisé que "le texte de l'accord intergouvernemental" devrait "être rédigé pour le mois de mars". Paris et Berlin avaient prévenu qu'ils proposeraient leur "pacte budgétaire" pour renforcer les règles et les sanctions à l'ensemble des 27 membres de l'UE, mais que la zone euro irait de l'avant seule en cas d'échec. "Inacceptable" "Pour accepter une réforme des traités à 27, (le premier ministre britannique) David Cameron a demandé, ce que nous avons considéré tous comme inacceptable, un protocole dans le traité permettant d'exonérer le Royaume-Uni d'un certain nombre de réglementations sur les services financiers", a-t-il expliqué. La Grande-Bretagne a cherché à monnayer son feu vert lors du sommet en exigeant de pouvoir être dispensée si nécessaire dans certains domaines du contrôle des autorités de surveillance financière mises en place après la crise partie des Etats-Unis en 2007-2008. Le premier ministre britannique David Cameron a justifié vendredi matin à Bruxelles son refus d'accepter un changement du traité de l'Union européenne. Il a parlé d'"une décision difficile mais bonne", car les intérêts du Royaume-Uni n'étaient pas préservés. La Croatie signe le traité pour devenir le 28e membre de l'UE La Croatie a signé, hier, à Bruxelles un traité qui lui permettra de devenir en juillet 2013 le 28e Etat de l'Union européenne, une fois approuvé par référendum par son peuple et ratifié par les 27 Etats. Tout juste sortis d'une longue nuit de négociations à Bruxelles, les dirigeants européens, en l'absence remarquée du président français Nicolas Sarkozy, ont paraphé le traité d'adhésion avec la Première ministre croate sortante Jadranka Kosor et le président Ivo Josipovic, qui clôt six ans de négociations d'adhésion. La France a été représentée par son ministre des Affaires européennes Jean Léonetti. Vous êtes chaleureusement bienvenus dans la famille européenne, a déclaré à l'intention des dirigeants croates le président de l'UE, Herman Van Rompuy, tout en relevant que ce n'était pas encore le bout du chemin pour la Croatie. Avant la date d'accession, les réformes devront continuer, a-t-il souligné. Nous assistons à un événement historique qui, mesuré à l'aune de son importance pour le peuple croate, n'a d'égal que la déclaration d'indépendance de notre pays, s'est réjoui le président croate. La chef du gouvernement croate devait ensuite participer pour la première fois à un sommet européen, en tant qu'observateur. Tirant les conséquences de l'adhésion trop hâtive de la Bulgarie et de la Roumanie, l'UE met cette fois en place un système de surveillance pour s'assurer que Zagreb poursuivra ses efforts de réforme d'ici à juillet 2013. La Commission européenne rendra des rapports sur la mise en œuvre des réformes du système judiciaire, la concurrence, et la lutte contre le crime organisé et la corruption. Si Zagreb venait à relâcher ses efforts, l'exécutif européen pourra lui adresser des lettres d'avertissement, qui pourraient être suivies d'éventuelles sanctions décidées par les 27 (par exemple le gel de fonds européens). Après la Slovénie en 2004, la Croatie est la seconde des six anciennes républiques yougoslaves à adhérer à l'UE, une perspective promise à l'ensemble des pays des Balkans occidentaux. La Pologne opposée à une Europe à plusieurs vitesses Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, s'est dit opposé, avant-hier, à une Europe à plusieurs vitesses, affirmant que l'Europe, c'est 27 Etats membres, pas 17 ou 17 plus, comme l'envisagent la France et l'Allemagne. La crise scelle notre cercueil si nous choisissons d'aliéner l'Europe à 27, a déclaré M. Tusk devant le congrès des partis européens de droite (PPE) à Marseille (sud-est) à quelques heures de l'ouverture du sommet de Bruxelles. Il ne suffit pas de répéter constamment que la communauté européenne doit rester unie. Cela doit être suivie de décisions qui n'excluent personne et ne créent pas une Europe à deux vitesses, a-t-il ajouté. Toute alternative à une UE à 27 sera fatale à l'Europe, a martelé M. Tusk, dont le pays n'est pas membre de la zone euro. Ceux qui veulent construire un club exclusif oublient toutes les opportunités d'une Europe plus large. Nous sauvegarderons les intérêts nationaux en renforçant l'Union à 27. C'est la clé, a-t-il estimé. De son côté, Bucarest a également refusé de voir s'instaurer une UE avec deux catégories d'Etats membres. La Roumanie ne peut pas accepter une Union européenne avec deux catégories d'Etats membres, a affirmé, avant-hier, le président roumain Traian Basescu en référence aux projets envisagés par la France et l'Allemagne pour la zone euro. N'importe quelle décision de la zone euro affecte la vie des citoyens roumains, a-t-il affirmé devant le congrès des partis européens de droite (PPE) à Marseille (sud-est) à quelques heures de l'ouverture du sommet de Bruxelles. La France et l'Allemagne doivent soumettre à leurs partenaires des 27 un projet commun de révision des traités européens qui renforce considérablement la discipline budgétaire imposées aux Etats. Mais les Européens sont divisés, tant sur les solutions à la crise que sur les modalités de leur mise en œuvre. Par conséquent, beaucoup de responsables européens suggèrent que les pays de la zone euro scellent un accord seulement entre eux, à 17, et renoncent à une réforme du traité à 27, au risque de creuser les divisions entre Européens.