La banque centrale américaine (Fed) a franchi une nouvelle étape dans sa politique de transparence en annonçant, avant-hier, la publication prochaine de prévisions sur l'évolution de son taux directeur, alors que ses dirigeants restent très partagés sur la politique à suivre. Ces prévisions sur le taux que les membres du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) jugeraient "approprié au quatrième trimestre de l'année en cours, et des quelques années suivantes, ainsi qu'à long terme" seront publiées quatre fois par an, à compter du 25 janvier. Elles seront intégrées aux prévisions économiques (croissance, chômage et inflation) des dirigeants de la Réserve fédérale que la banque centrale publie désormais en janvier, avril, juin et novembre, indique la Fed dans les minutes du dernier FOMC, ayant eu lieu le 13 décembre. Le taux directeur de la Fed fixe le taux d'intérêt sur le marché interbancaire au jour le jour. Il est quasi nul depuis trois ans, et le FOMC promet depuis août qu'il restera "exceptionnellement bas [...] au moins jusque mi-2013". Selon la Fed, la nouvelle mouture des prévisions indiquera également le "moment probable" auquel les dirigeants de la banque centrale estiment qu'aura lieu le premier relèvement de ce taux, et "fournira des renseignements qualitatifs sur les attentes des membres du FOMC en ce qui concerne le compte de bilan de la Réserve fédérale". Ce compte a plus que triplé depuis la panique financière de 2008 sous l'effet des rachats de titres financiers réalisés par la banque centrale pour soutenir le marché du logement et faire baisser les taux d'intérêts à long terme. La Fed dit vouloir aider "le public à mieux comprendre les décisions du FOMC". Paul Edelstein, économiste du cabinet IHS Global Insight, voit là "un bond de géant pour la Fed en matière de communication". Incertitudes Rappelant que l'engagement à maintenir le taux directeur quasi-nul jusque mi-2013 est fortement contesté au sein même de la Fed, l'économiste estime que la banque centrale cherche à "réduire l'incertitude ayant trait à l'évolution de la politique monétaire, que beaucoup considèrent comme une entrave à un rétablissement complet de l'économie" américaine. Le 13 décembre, le FOMC avait constaté que la reprise économique des Etats-Unis se poursuivait à un rythme modéré en dépit du ralentissement en Chine et en Europe. Tablant sur une croissance économique lente pour les quelques trimestres à venir et menacée par d'éventuels chocs extérieurs, le Comité avait alors indiqué être prêt à assouplir encore sa politique monétaire ultra-accommodante si besoin était. Mais les minutes révèlent que les membres du FOMC restent très partagés sur le cap à suivre, entre ceux qui souhaiteraient voir la Fed en faire davantage tout de suite, ceux pour qui elle va devoir injecter de nouveau des liquidités dans le circuit financier sous peu et ceux qui s'opposent résolument à une telle pratique, qu'ils qualifient de funeste au vu des sommes déjà injectées. En poste depuis 2006, le président de la Fed, Ben Bernanke, a profondément bouleversé les habitudes à la banque centrale, en amenant la Fed à communiquer énormément sur son action. Sous son impulsion, le FOMC publie depuis 2009 un objectif implicite d'inflation et de chômage à long terme. Depuis 2011, il a entrepris de donner quatre conférences de presse par an pour expliquer le plus clairement possible les décisions du Comité.