Le chef des observateurs en Syrie, chargé de veiller à l'application du plan arabe de sortie de crise, a présenté, hier, son premier rapport à la Ligue arabe sur sa mission dans un pays où les violences ont encore fait des dizaines de morts ces derniers jours. Le comité ministériel de la Ligue arabe en charge du dossier syrien devait se réunir au Caire, au siège de l'institution panarabe, afin d'auditionner le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi, à la tête des 163 observateurs actuellement en Syrie. Ce premier rapport intervient alors que les appels se multiplient pour que le dossier syrien soit transféré à l'ONU. L'opposition syrienne a ainsi accusé les observateurs d'être "manipulés" par le régime et la Ligue de s'être montrée incapable de faire cesser les violences. Les premiers observateurs ont entamé leur mission le 26 décembre à Damas, tandis que la dernière délégation en date est arrivée, avant-hier, en provenance de Jordanie, pour surveiller l'application du plan arabe de sortie de crise prévoyant en premier lieu l'arrêt des violences. La Syrie est en proie depuis la mi-mars à un mouvement de contestation réprimé dans le sang, qui tend à se transformer en conflit armé entre l'armée à des soldats dissidents ayant notamment rejoint l'"Armée syrienne libre", une force d'opposition armée. Dans la nuit d'avant-hier à hier, de violents affrontements ont opposé des soldats et des déserteurs dans le village de Basr al-Harir, dans la province de Deraa (sud), faisant 11 morts dans les rangs de l'armée régulière, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le général Dabi, dont la nomination fait polémique car il a dirigé un temps les forces nordistes pendant la guerre civile avec le Sud, avant d'être impliqué dans le conflit au Darfour, a estimé dans le journal britannique The Observer qu'il était trop tôt pour juger sa mission. "C'est la première fois que la Ligue organise une telle mission. Et elle vient juste de commencer, donc je n'ai pas encore eu le temps de me faire une opinion", a-t-il déclaré. La Ligue arabe a récemment reconnu des "erreurs" mais a défendu la mission, assurant qu'elle avait permis la libération de détenus et le retrait des chars des villes, des affirmations contestées par les militants pro-démocratie. L'opposition syrienne a pour sa part qualifié cette mission d'"échec" et appelé l'ONU à intervenir, estimant que la politique "molle" de la Ligue à l'égard du régime avait conduit "à une hausse des morts dans la répression". Amnesty International a souhaité que le rapport du général Dabi montre clairement les "graves violations des droits de l'Homme" qui se poursuivent en Syrie. Selon un bilan de l'organisation vendredi, au moins 134 civils, et peut-être beaucoup plus, ont été tués depuis le 26 décembre. Avant-hier, des milliers de Syriens ont participé aux funérailles des 26 victimes de l'attentat perpétré la veille à Damas, une attaque "terroriste" selon les autorités qui ont promis de répliquer d'"une main de fer", tandis que l'opposition pointait le régime du doigt. Quelques jours avant l'arrivée des observateurs, un double attentat à la voiture piégée avait fait 44 morts et 150 blessés le 23 décembre. Dans le même temps, en signe des liens solides entre Damas et Moscou, une flotte russe composée de navires de guerre, de sous-marins, d'avions de combats, d'hélicoptères et plusieurs systèmes de missiles anti-aériens, a accosté dans la base navale de Tartous en Syrie, a annoncé la presse syrienne. La Ligue arabe ne compte pas retirer ses observateurs Un responsable de la Ligue arabe a affirmé que l'organisation panarabe n'envisageait pas de retirer les observateurs arabes chargés d'évaluer la situation en Syrie, où le régime tente d'étouffer dans le sang la contestation. Sur le terrain, au moins 29 personnes sont mortes, avant-hier. "Aucun projet de retrait des observateurs n'est à l'ordre du jour de la réunion du comité ministériel arabe sur la Syrie", a déclaré le secrétaire général adjoint de la Ligue Adnan Issa, alors que de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'échec de la mission arabe. "Nous ne parlons pas de retrait mais du renforcement de cette mission", a encore dit M. Issa, précisant que le nombre des observateurs actuellement en Syrie s'élevait à 153, auquel s'ajouteraient dix autres arrivés, avant-hier, en provenance de Jordanie. "Les pays arabes veulent que les observateurs poursuivent leur mission et que celle-ci soit renforcée sur le plan logistique", a également déclaré le responsable arabe. "Perdre son temps" Le Premier ministre qatari, le cheikh Hamad ben Djassim al Thani, qui dirige la commission de la Ligue arabe sur la Syrie, a toutefois déclaré sur la chaîne Al Djazera qu'il ne servait à rien de rester "perdre son temps" en Syrie dans la mesure où Damas ne respectait pas ses engagements. L'armée syrienne, a-t-il dit, n'a pas quitté les villes et les tueries n'ont pas cessé depuis l'arrivée des observateurs, le 26 décembre. Hier, les ministres des affaires étrangères de la Ligue arabe devaient se pencher, notamment, sur le rapport préliminaire des observateurs et sur les mesures envisagées pour leur permettre d'opérer plus indépendamment des autorités syriennes. L'équipe d'observateurs de la Ligue arabe se trouve en Syrie depuis le 26 décembre pour déterminer si le régime du président Bachar al-Assad respecte ses engagements dans le plan de sortie de crise, notamment l'arrêt des violences, la libération des manifestants arrêtés, le retrait de l'armée des villes. Violents affrontements entre soldats et déserteurs Des affrontements ont opposé dans la nuit d'avant-hier à hier, des soldats et des déserteurs syriens, faisant onze morts dans les rangs de l'armée régulière, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). La Ligue arabe a par ailleurs annoncé qu'elle ne retirera pas ses observateurs. Les violences ont eu lieu à Basr al-Harir, dans la province de Deraa (sud). En plus des onze soldats tués, vingt autres ont été blessés et neuf ont déserté, a précisé l'OSDH, basé en Grande-Bretagne. A Daël, également dans la province de Deraa, d'autres affrontements se déroulaient, hier, entre déserteurs et soldats armés de mitrailleuses lourdes, a précisé l'OSDH.