L'Etat vient d'annoncer le versement des subventions au profit des producteurs de lait en Algérie après plusieurs mois d'attente. Le Trésor public a débloqué un montant de 4 milliards de dinars qui sera transféré sur un compte spécial ouvert auprès de la Badr en donnant mandat à cette même banque et à la CIPA (Confédération des industriels et producteurs de l'agroalimentaire) de gérer cette opération de distribution de la compensation au profit des producteurs de lait en Algérie. C'est certainement une bonne nouvelle et pour les producteurs et pour les consommateurs. Cependant, est-ce une solution définitive à la crise qui secoue la filière lait surtout quand on sait que le problème est beaucoup plus complexe dans la mesure où la problématique est mondiale. En effet, l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a confirmé début juin ce qui paraissait encore inimaginable voici un an à savoir les prix des produits laitiers atteignent actuellement des niveaux historiques, en hausse de 46 % depuis novembre 2006. Au Sénégal, le sac de 25 kg de lait en poudre se vend donc près de 100 euros, soit une fois et demie le prix du troisième trimestre 2006. Et les importateurs ont du mal à trouver des fournisseurs. La hausse pourrait dès lors se poursuivre, d'autant plus que les stocks disponibles sur le marché sénégalais sont très en deçà des niveaux habituels. Au Mali aussi, les stocks sont bas. Le pays voisin, le Maroc, qui produit annuellement 1,4 milliard de litres de lait, court à son tour un risque de pénurie dès ces mois de juin et juillet. Le prix de la tonne de lait en poudre y est déjà passé de 1 900 à plus de 3 000 € en quelques mois. A l'île Maurice, à cause de ces fluctuations de prix, les importateurs de lait en poudre commandent en moins grandes quantités et n'ont plus de stocks massifs. Comme le gouvernement est réticent à les autoriser à répercuter la hausse sur leur propre prix de vente, certains importateurs ont déjà dû fermer ou licencier une partie de leur personnel. Une situation complexe. Pourtant, depuis douze ans, la production mondiale de lait n'avait cessé d'augmenter, de plus de 20 %. Les principaux producteurs étaient, outre l'Union européenne, l'Inde et la Chine, l'Océanie, le Brésil, l'Argentine et les Etats-Unis. Mais ces derniers mois, production et exportation ont baissé. Les analystes, dont la FAO, convergent sur les causes de cette évolution. D'abord, la sécheresse en Australie (qui entraîne une baisse des exportations de la Nouvelle-Zélande), puis la taxe à l'exportation de 2 000 $ par tonne décidée par l'Argentine, la suspension des exportations indiennes pour satisfaire son marché interne, et enfin la diminution des subventions à la production et à l'exportation du lait des pays européens. L'offre des principaux produits laitiers échangés (la poudre de lait et le beurre) a diminué, alors que la demande mondiale, elle, a augmenté de 5 %. Résultat sur le marché international, la tonne de poudre de lait écrémé européenne qui se vendait 2 615 dollars il y a un an, a atteint les 4 890 dollars début juin. Plusieurs pays africains importateurs ont pris des mesures. Le Maroc a supprimé la taxe à l'importation, Chez nous, l'Etat a décidé de subventionner le lait pour que son prix reste accessible. De son côté, l'Ile Maurice a demandé un apport spécial à l'Inde et confié la commercialisation à une société d'Etat. Mais toutes ces mesures ne valent qu'à court terme, alors que la faiblesse de l'offre risque de durer, tout comme la hausse de la demande. Selon certains spécialistes, dans les pays en développement, on prévoit une hausse de la demande de 25 % d'ici à 2025, principalement en raison de l'urbanisation croissante. En bonne logique, cette hausse des prix devrait favoriser la production locale. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Car une vache laitière africaine produit, par an, environ 13 fois moins que sa collègue européenne et 19 fois moins qu'une vache des Etats-Unis, expliquent les professionnels précisant qu'en Afrique de l'ouest et du centre, la consommation de produits laitiers est satisfaite à plus de 50 % par les importations, cette proportion atteignant plus de 90 % dans les grandes villes. La hausse actuelle pourrait changer la donne, si des investissements étaient réalisés. Mais cela prendra du temps. Pour le moment, le prix du lait est en forte hausse sur le marché mondial. L'offre a baissé et la demande ne cesse d'augmenter. On est même au stade de rupture de stock. Et sans filières locales qui puissent profiter de ce retournement, les pays africains paient le prix fort. Les subventions ne sont donc qu'une solution à très court terme. Il devient urgent pour l'Algérie ainsi que pour d'autres pays africains de mettre sur pied une cellule de réflexion sur les perspectives de développement de l'élevage bovin laitier, la production et le développement "d'autres laits", la recherche d'une meilleure politique d'approvisionnement en matières premières et la recherche du partenariat pour sécuriser les sources d'approvisionnement.