Un hommage a été rendu samedi dernier, à Paris, à l'écrivain algérien Mouloud Feraoun et à ses cinq compagnons algériens et français, dirigeants des centres sociaux éducatifs d'Algérie, assassinés en1962 par l'OAS, organisation terroriste responsable de plusieurs centaines d'attentats et d'exécutions sommaires en Algérie et en France. Cet hommage, auquel ont participé deux descendants des victimes, Safia Hamoutene, de Ali Hamoutene et Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah Ould Aoudia, venus tous deux apporter leurs témoignages respectifs sur ce crime organisé comme une opération de guerre de grande envergure et qui s'est déroulé à la faveur de la 18eme édition du salon " le Maghreb des livres ". Pour l'histoire, on retiendra qu'à quatre jours seulement du cessez-le-feu, les six dirigeants des CSE étaient réunis au centre social de Château-Royal dans la commune d'El-Biar, lorsqu'un commando de tueurs de l'OAS pénètre dans la salle de réunion et fait sortir les six hommes du bâtiment. Ils seront abattus à l'arme automatique. Les victimes n'étaient pas choisies au hasard. Cette lâche exécution dans l'esprit des tueurs avait valeur de symbole, tous sont inspecteurs des CSE et contribuaient grandement à l'alphabétisation et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes. Ils prenaient également en charge des problèmes sanitaires et sociaux des algériens. Très rapidement les autorités militaires ont accusé les centres sociaux d'être noyautés et annexés par le FLN. ''A cette époque, Alger était devenue la capitale de la douleur. Dit-il Je me souviens de cette journée car il y avait le couvre-feu et c'est la raison pour laquelle les tueurs commençaient leur travail très tôt'', témoignera Jean-Philippe Ould Aoudia. ''En cette journée du 15 mars 1962 et à partir de 6 heures du matin, on a eu 20 crimes, 611 attentats durant tout le mois de mars, et 20 attentats par jour en moyenne. ''C'est dans ce climat de violence extrême que s'est déroulé l'assassinat des six dirigeants des CSE. Ils rêvaient d'une Algérie humaniste aux antipodes de l'idéologie de leurs agresseurs'', a-t-il souligné. Il dira également que cet attentat a été ''mûrement réfléchi et planifié'', relevant que'' déjà durant la Bataille d'Alger, 13% du personnel des centres sociaux allaient faire l'objet d'arrestations et certains, de tortures''. ''Aucun service, aucune administration n'a subi de telles turpitudes de la part de l'armée prétorienne à cette époque et pendant le reste de la guerre d'Algérie'', a affirmé M. Ould-Aoudia. ''La machination contre les centres sociaux est le rôle du 5éme bureau qui diffusait des informations pour manipuler l'opinion et ces centres devenaient suspects aux yeux de toutes les autorités françaises'', a-t-il encore témoigné. Contrôlant difficilement son émotion, Safia Hammoutene, qui se souvient de l'assassinat de son père, a affirmé qu'à l'époque, elle était jeune, ''mais a grandi avec cet attentat'' en mémoire. ''Dans mon histoire, j'ai dû me construire avec, et aujourd'hui, il m'est très difficile d'en parler. Ce fut une catastrophe pour moi, et il m'est très douloureux d'exposer les faits'', a-t-elle rapporté. Jean-Philippe Ould Aoudia, a publié, une enquête sur l'assassinat de Château-Royal dans les éditions Tiresias, et mène une enquête minutieuse pour traquer les assassins de son père et de ses compagnons. Né le 8 mars 1913 à Tizi Hibel, l'écrivain Mouloud Feraoun était élève de l'école normale d'Instituteurs de Bouzaréah à Alger, où il enseigna durant plusieurs années comme instituteur, directeur d'école et de cours complémentaire, avant d'être nommé inspecteur des centres sociaux.