Les dirigeants des pays émergents des Brics se réunissent demain à New Delhi pour leur quatrième sommet avec l'ambition délicate de transformer leur force économique croissante en influence diplomatique. Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du sud représentent 40% de la population mondiale et comptent pour 18% du Produit intérieur brut (PIB) de la planète mais leur bloc se heurte à des questions persistantes sur son unité face à des questions internationales. "Le concept des Brics représente, par dessus tout, le désir de ses membres d'apporter de la diversité à l'ordre mondial", jugeait dans un récent éditorial Brahma Chellaney, du Centre de recherche politique à New Delhi. "Mais l'incertitude plane sur une évolution vers un club cohérent avec des objectifs définis et des mécanismes institutionnels", relevait-il. Né en 2001 de la plume d'un économiste de la banque d'investissement Goldman Sachs, le terme Brics désigne cinq pays ayant pour principale caractéristique commune de connaître une forte croissance. Le problème, soulignent les analystes, repose sur la pluralité même des Brics dont les relations sont parfois émaillées de rivalités. Ce bloc réunit en son sein deux pays autoritaires, la Chine et la Russie, et trois démocraties, avec des profils économiques différents. Les changements de présidence à la tête du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pouvaient être l'occasion de montrer leur unité en plaidant pour un candidat commun, l'ouverture aux pays émergents des grandes institutions financières et économiques figurant parmi les priorités des Brics. Mais ils ont choisi de ne pas défier collectivement la prédominance américaine et européenne. Les Brics ne se sont pas opposés à la nomination de la Française Christine Lagarde à la tête du FMI l'an dernier et ils n'ont pas non plus l'intention de soutenir un candidat commun à la tête de la Banque mondiale. Ces pays souhaitent simplement une procédure "ouverte et sur la base du mérite", a déclaré, avant-hier, le secrétaire aux Affaires économiques du ministère indien des Affaires étrangères, Sudhir Vyas. Deux représentants de pays émergents (le Colombien José Antonio Ocampo et la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala) et un Américain, Jim Yong Kim, sont en lice pour succéder à l'Américain Robert Zoellick à la tête de cette institution d'aide au développement. Lors du sommet de New Delhi, les cinq pays débattront de la création de leurs premières institutions pour tenter de cimenter leurs relations. Un secrétariat commun reste encore une idée improbable mais les dirigeants devraient discuter de la création d'une banque d'investissement pour financer des projets d'infrastructure et de développement, une idée déjà débattue sous le nom de "South-South Bank" ou "Brics Bank". Le ministre brésilien de l'Industrie et du Commerce, Fernando Pimentel, a indiqué, vendredi, que son pays, "très intéressé, soutenait la création d'une telle banque, même si cette proposition encouragée par l'Inde était encore à l'état embryonnaire. La portée du sommet devrait toutefois rester modeste. Seuls deux accords ont déjà été évoqués et ils portent sont des sujets peu cruciaux, tels les facilités de crédit pour les exportateurs." La Brésilienne Dilma Rousseff, le Russe Dimitri Medvedev, le Chinois Hu Jintao et le Sud-Africain Jacob Zuma, ainsi que le Premier ministre indien, Manmohan Singh, devraient profiter du sommet pour s'entretenir en privé. Le sommet s'achèvera par "une déclaration de Delhi" résumant leurs vues et qui pourrait inclure une déclaration sur le conflit en Syrie, la crise iranienne ou les problèmes de la dette en Europe. Mais selon D.H. Pai Panandiker, le président d'un groupe de réflexion à New Delhi, RPG Foundation, les Brics devraient surtout se concentrer sur la hausse de leurs échanges commerciaux, un sujet ayant l'heur d'éviter les polémiques.