Les rebelles touaregs du MNLA et l'organisation islamiste Ansar Dine ont accepté d'unir leurs forces et de créer un Etat islamique indépendant dans le nord du Mali. Une alliance qui complique encore plus la tâche des autorités de transition maliennes et de la Cédéao. Rapprochés avant tout par leur opposition commune aux autorités maliennes, et réunis par l'avancée qui leur a permis, à la faveur du putsch, de conquérir tout le Nord du pays, la rébellion touarègue et le mouvement islamiste Ansar Dine ont annoncé samedi leur fusion. Et ils ont proclamé un "Etat islamique" dans la région. Cette union, difficilement obtenue après des semaines d'âpres discussions entre deux mouvements longtemps séparés par leurs objectifs et leurs idéologies, marque un tournant dans l'immense Nord malien, qui a échappé au pouvoir central de Bamako depuis fin mars. A Gao, l'une des grandes villes du nord malien, où des responsables des deux mouvements menaient leurs discussions, comme à Tombouctou, la conclusion de cet accord a été accueillie par de nombreux coups de feu en l'air. Le protocole d'accord diffusé auprès des journalistes étrangers marque par deux points cruciaux le rapprochement stratégique d'Ansar Dine et du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) : "Nous sommes tous pour l'indépendance de l'Azawad", indique-t-il, avant d'ajouter : "nous acceptons tous l'islam comme religion", le Coran et la Sunna étant considérés comme "la source du droit". Contacts secrets Après les rébellions touarègues des années 1990 et 2000, le MNLA, mouvement indépendantiste qui affichait une idéologie laïque, avait lancé mi-janvier l'offensive contre l'armée malienne, qui s'est amplifiée avec l'entrée en scène d'Ansar Dine, prônant de son côté l'imposition de la charia dans tout le Mali. Ansar Dine, dirigé par l'ex-chef rebelle touareg Iyad Ag Ghaly, a été appuyé sur le terrain par les jihadistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). A eux deux, Ansar Dine et Aqmi sont devenus dominants - aux dépens du MNLA - dans le Nord, tombé entièrement aux mains des groupes armés à la faveur du putsch du 22 mars à Bamako. L'accord MNLA/Ansar Dine et l'incertitude autour de la place d'Aqmi dans "l'Azawad" créent une nouvelle donne pour les autorités de transition de Bamako et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Aqmi opère depuis plusieurs années dans toute la bande sahélo-saharienne, y commettant des rapts, en particulier d'Occidentaux, et l'Afrique de l'Ouest comme le reste de la communauté internationale redoutent désormais une "afghanisation" du nord du Mali. Dans un message rendu public cette semaine, le chef d'Aqmi, Abdelmalek Droukdel, dit Abou Moussaab Abdelouadoud, a conseillé à ses combattants du nord du Mali d'imposer "graduellement" la charia pour y réussir la création d'un Etat islamique. Les autorités maliennes de transition ne cessent de proclamer leur volonté de restaurer l'intégité territoriale du Mali. Mais elles semblent pour l'heure impuissantes, d'autant qu'elles ont peiné jusque-là à s'imposer à Bamako même face à l'ex-junte du capitaine Amadou Haya Sanogo, qui avait renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré. Face à cette incapacité du pouvoir malien à reprendre le contrôle du nord du pays, le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, a fait savoir récemment que des "contacts" avaient été établis avec notamment le MNLA et Ansar Dine.