La Banque centrale européenne (BCE) a légèrement abaissé, hier, sa prévision de croissance pour la zone euro l'an prochain mais maintenu ses prévisions d'inflation pour 2012 et 2013, par rapport à ses précédentes prévisions en mars. L'institution table dorénavant sur une croissance de 1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2013, inférieure aux 1,1% prévus en mars. Elle mise toujours sur un recul de 0,1% du PIB cette année, comme en mars. L'inflation devrait s'établir à 2,4% cette année et 1,6% l'an prochain, des chiffres là aussi inchangés par rapport à mars. Le président de l'institution Mario Draghi a estimé lors d'une conférence de presse à Francfort (ouest) que "la croissance économique (demeurait) faible, avec une incertitude élevée, donnant lieu à des risques accrus". "Nous continuons à attendre que la zone euro se reprenne graduellement", a-t-il ajouté, tout en mettant en garde contre "les tensions persistantes", par exemple la réticence des banques à accorder des crédits, et les réajustements que celles-ci opèrent dans leurs bilans. Bruxelles veut éviter que les Etats paient la facture En pleine crise du secteur bancaire espagnol, la Commission européenne a présenté, hier, un plan de gestion des crises pour qu'à l'avenir les pouvoirs publics ne soient plus amenés à renflouer les banques, premier pas vers l'"union bancaire" qu'elle appelle de ses vœux. "Nous ne voulons plus que les contribuables paient, les banques doivent payer pour les banques", a insisté le commissaire européen aux Services financiers, Michel Barnier en présentant une proposition législative en ce sens au cours d'une conférence de presse. Il s'agit de "casser le lien entre les crises bancaires et les finances publiques", a-t-il expliqué. Au moment où l'Espagne vient de lancer un appel à l'aide à l'Europe pour recapitaliser ses banques après la demande d'aide publique historique de 23,5 milliards de Bankia, troisième banque du pays, "la difficulté est de faire en même temps deux choses nécessaires: prendre des mesures d'urgence (...) et préparer l'avenir", a reconnu M. Barnier. Les propositions présentées, hier, s'inscrivent clairement dans le moyen terme, et découlent d'ailleurs d'une demande du G20 datant de 2009. Il s'agit d'éviter de nouvelles crises comme celle de Bankia, mais aussi celles qu'on a vues dans le passé avec les banques Fortis, Northern Rock, Lehman Brothers ou encore Dexia, a énuméré M. Barnier. C'est aussi un premier pas vers l'"union bancaire" dont la Commission européenne souhaite l'avènement à plus ou moins long terme, avec une supervision plus européenne et un mécanisme commun de garantie des dépôts. Le cadre prévoit trois étapes: dans un premier temps, au stade de la prévention, les banques d'une part et les autorités chargées de la résolution des crises bancaires d'autre part auront notamment l'obligation de mettre en place des plans de résolution et de redressement. Dans une deuxième phase, si une banque risque de ne plus respecter ses exigences de fonds propres, les autorités de surveillance pourront intervenir, par exemple en exigeant qu'elle mette en œuvre les mesures prévues par son plan de redressement ou en nommant un administrateur spécial pour une durée limitée. Enfin, dans un troisième temps, si les mesures prises jusque-là ne permettent pas d'empêcher que la banque fasse défaut ou menace de faire défaut, quatre instruments pourront être utilisés. Les autorités pourront vendre à une autre banque tout ou partie de la banque défaillante; un établissement relais pourra être créé pour regrouper les actifs sains avant qu'ils soient cédés à une autre entité; les actifs douteux pourront être placés dans une "bad bank"; et enfin un "bail-in" ou renflouement interne pourra être mis en œuvre. Par opposition au "bail-out", soit le sauvetage par des fonds publics, le "bail-in" consistera à recapitaliser la banque en annulant ou diluant ses actions, en réduisant les créances détenues sur elles ou en les convertissant en actions. Ce sont donc les créanciers et actionnaires qui seront mis à contribution. Le "bail-in" n'entrera pas en vigueur avant 2018, le temps de permettre au marché de s'y préparer, selon des documents de la Commission diffusés la veille. Pour fonctionner, ce système nécessitera la création de fonds de résolution financés par les banques, dont le montant devra atteindre 1% des dépôts couverts dans un délai de 10 ans. Les Etats pourront aussi fusionner ces fonds avec les systèmes de garantie de dépôts. Dans le cas des banques européennes ou des groupes transnationaux, des "collèges d'autorité de résolution" seront constitués et supervisés par l'Autorité bancaire européenne (EBA) qui assurera "une médiation contraignante si nécessaire". M. Barnier a estimé qu'il faudrait "une année, si nous allons vite" pour que cette proposition législative soit approuvée par les Etats et le Parlement européen. Et rien ne les empêche d'être plus ambitieux, en prévoyant une mutualisation au niveau européen de la garantie des dépôts. "Aucune porte n'est fermée", a-t-il insisté. Madrid décidera d'ici 15 jours pour recapitaliser ses banques L'Espagne prendra une décision dans les quinze jours sur la recapitalisation de ses banques et par extension sur un éventuel appel à l'aide internationale, a fait savoir, hier, le ministre espagnol des Finances Luis De Guindos, lors d'une déclaration au Parlement européen. Le gouvernement prendra les décisions sur la recapitalisation des banques dans les 15 jours, a-t-il déclaré, en faisant référence au délai d'ici lequel Madrid devrait disposer des informations du Fonds monétaire international (FMI) et des rapports d'audit concernant les banques espagnoles. Le problème des banques espagnoles est limité à certaines entités clairement identifiées par Madrid. A partir de cela, le gouvernement prendra les décisions qu'il devra prendre, a-t-il affirmé lors d'une brève visite à Bruxelles, avant de s'envoler pour Paris. En attendant, il n'y a pas de (discussions) pour fournir une aide (aux banques espagnoles), a-t-il confié, en marge de son intervention au Parlement européen, selon des propos rapportés par l'agence Dow Jones Newswires. L'Espagne a lancé la veille un appel à l'aide à l'Europe, lui demandant de la soutenir via un mécanisme pour recapitaliser ses banques, alors que la tension actuelle lui ferme l'accès aux marchés financiers et la place dans une situation d'extrême difficulté. Une solution serait de demander une aide comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal l'ont fait par le passé mais Madrid s'y refuse, par crainte de se voir imposer un nouveau programme d'austérité par ses bailleurs de fonds internationaux. L'Allemagne pousse dans cette direction tandis que d'autres partenaires européens comme la France et la Commission européenne proposent de recapitaliser les banques espagnoles directement via les fonds de secours de la zone euro, le FESF ou le MES, qui doit être lancé début juillet. Or, pour que cela soit possible, il faudrait une décision à l'unanimité des 17, car les statuts de ces deux fonds ne le prévoient pas pour l'instant . L'Espagne va devoir s'adresser au FESF, estime un proche de Merkel Le chef de file des députés conservateurs allemands, Volker Kauder, a estimé, hier, que l'Espagne devait demander de l'aide au fonds de secours européen FESF, à cause de ses banques. L'Espagne va devoir prendre une décision, et je pense qu'elle doit se placer sous la protection du fonds à cause de ses banques, a dit dans une interview télévisée M. Kauder, un proche de la chancelière Angela Merkel qui dirige le groupe parlementaire des Unions chrétiennes CDU/CSU. Berlin s'était défendu en début de semaine d'exercer la moindre pression sur Madrid pour l'inciter à demander l'aide de ses partenaires européens, estimant que la décision était uniquement du ressort du gouvernement espagnol. Le gouvernement de Mariano Rajoy refuse pour le moment de demander une assistance financière qui serait flanquée de conditions strictes dictées de l'extérieur. Mais il a admis que sa situation financière était critique et appelé l'Europe à soutenir le pays. Berlin reste opposé à une aide directe du FESF ou du MES Le gouvernement allemand reste opposé à ce que les banques de la zone euro en difficulté s'adressent directement aux fonds de sauvetage européen, le FESF puis son successeur le MES, a déclaré, hier, le porte-parole du gouvernement Steffen Seibert. "Les principes sont clairs: la demande doit être effectuée par un gouvernement, le gouvernement est responsable, et il doit accepter des conditions", a-t-il dit. Le mécanisme en vigueur prévoit que les banques en manque de capital s'adressent d'abord à leurs actionnaires, puis au gouvernement de leur pays, et que celui-ci, en dernière instance, se tourne vers le fonds de sauvetage FESF ou, à partir de cet été, son successeur le MES. "Nous avons cet instrument de recapitalisation, à la fin de cet enchaînement" de responsabilité, a expliqué le porte-parole du ministère des Finances Martin Kotthaus. Alors que la fragilité des banques espagnoles met en péril les finances de la quatrième économie de la zone euro, les appels se font de plus en plus pressants pour réclamer une aide directe des mécanismes de sauvetage aux instituts de crédit. Berlin contre une garantie européenne des dépôts bancaires dans l'immédiat Le gouvernement allemand estime qu'il ne peut pas y avoir de mutualisation de la garantie des dépôts bancaires européens tant que des étapes importantes d'intégration n'ont pas été franchies, a déclaré, hier, Steffen Seibert. Nous ne devons pas faire le deuxième pas avant le premier, a-t-il ajouté. L'idée d'une telle garantie commune est partie intégrante d'un projet d'union bancaire mis sur la table par la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), et dont l'Allemagne a déjà fait savoir qu'elle ne pouvait l'envisager qu'au terme d'un processus d'intégration européenne plus poussé. M. Seibert a convenu qu'il y aurait des discussions sur de possibles développements sur le système bancaire de la zone euro entre les partenaires européens. Mais autant l'Allemagne ne semble pas opposée au principe d'une surveillance centralisée des banques de la zone euro, à terme, elle est beaucoup plus circonspecte à l'égard d'une garantie de l'épargne. Plusieurs députés du parti d'Angela Merkel, le CDU conservateur, et des représentants de son partenaire libéral FDP ont émis de grosses réserves ces jours-ci envers une union bancaire, et surtout le principe d'une garantie commune. Pour Christian Lindner, étoile montante du FDP, ce serait une nouvelle possibilité, créative il faut bien l'admettre, de siphonner la solvabilité allemande. La Fédération allemande salue le projet européen La Fédération allemande des banques (BDB) a qualifié de bonne chose le projet de loi européen visant à résoudre les crises bancaires sans faire appel aux pouvoirs publics, selon un communiqué. C'est une bonne chose que la Commission européenne veuille créer un cadre unique pour la gestion des établissements de crédit qui se retrouvent dans ces situations de crise, a réagi le patron du BDB, Michael Kemmer, à l'annonce du projet de loi. M. Kemmer considère qu'il s'agit du seul moyen de protéger la stabilité des marchés financiers des risques résultants d'une telle situation. Les crises affectant les banques doivent être combattues en amont, pour endiguer les risques de contagion du système financier, a-t-il souligné. Face à des marchés financiers internationaux, les législations nationales ne suffisent pas car une crise ne s'arrête pas à la frontière, a-t-il poursuivi. Il a cependant appelé Bruxelles à procéder à une étude des instruments proposés pour gérer les crises. De la prévention au redressement, le cadre envisagé par Bruxelles prévoit trois étapes. Si une banque fait défaut ou menace de faire défaut, plusieurs instruments seront engagés. Pour fonctionner, le système nécessitera notamment la création de fonds de résolution financés par les banques, dont le montant devra atteindre 1% des dépôts couverts dans un délai de 10 ans.