L'UE a confirmé l'entrée en vigueur de son embargo pétrolier contre l'Iran au 1er juillet, en l'absence de progrès sur le programme nucléaire iranien, deux jours avant une réunion cruciale à Istanbul des experts des grandes puissances avec leurs homologues iraniens. Lors d'une réunion à Luxembourg, les ministres européens des Affaires étrangères ont, dans un communiqué, confirmé qu'elles (ces mesures) resteraient telles qu'approuvées en janvier. L'Union européenne avait alors décrété un embargo sur les nouveaux contrats de livraison de produits pétroliers en provenance d'Iran, applicable immédiatement, et fixé un délai de six mois, jusqu'au 1er juillet, pour arrêter les contrats existants. Il s'agissait de donner aux principaux pays concernés --Grèce, Espagne, et Italie, le temps de se retourner pour trouver d'autres fournisseurs. Les contrats d'importation de pétrole iranien conclus avant le 23 janvier devront être rompus d'ici au 1er juillet, a précisé lundi l'UE. A partir de la même date, les assureurs européens ne pourront plus couvrir le transport de pétrole iranien. Ces mesures entrent pleinement en vigueur au 1er juillet, soit deux jours avant une nouvelle réunion sur le dossier nucléaire iranien, le 3 juillet à Istanbul, entre le groupe des 3+3 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU -Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni- et l'Allemagne), s'est félicité le chef de la diplomatie britannique, William Hague. A ce jour, nous n'avons toujours pas vu de succès dans les négociations malgré nos efforts à Bagdad et à Moscou, et il n'est pas encore trop tard pour l'Iran pour trouver une réponse plus prometteuse à l'offre des 3+3, a-t-il dit. Après un constat de profondes divergences à l'issue de deux jours de négociations tendues la semaine dernière à Moscou, la poursuite des négociations entre Téhéran et les grandes puissances pour désamorcer la crise du nucléaire iranien s'annonce difficile. Les grandes puissances soupçonnent le programme nucléaire iranien d'avoir des visées militaires (ce que Téhéran dément) et réclament l'arrêt de ses activités d'enrichissement d'uranium. A Moscou, les 3+3 ont réussi à éviter une rupture totale du processus diplomatique en se mettant d'accord sur une nouvelle réunion au niveau des experts le 3 juillet. Cette réunion sera cruciale pour décider de la suite du processus. Pour la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, le choix est dans les mains de l'Iran, le but de ces sanctions étant pour l'Iran de comprendre que la communauté internationale prend l'affaire au sérieux. Il est important que les responsables iraniens comprennent la détermination de la communauté internationale à ce sujet, et que nous continuions à intensifier la pression économique au cas où l'Iran ne se montrait pas coopératif sur son programme nucléaire controversé, a souligné William Hague. Nous allons intensifier nos sanctions dans les mois prochains s'il n'y a pas de progrès dans ces négociations, a-t-il promis. L'Iran déjà très affecté par les sanctions Les sanctions pétrolières européennes qui entrent officiellement en vigueur à partir de dimanche, doublées des pressions américaines pour inciter les acheteurs de brut iranien à réduire leurs importations, pèsent déjà lourdement sur l'Iran. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les exportations pétrolières iraniennes ont chuté de 40% ces six derniers mois, à 1,5 million de barils (Mb/j) par jour. D'après des analystes basés à Téhéran, l'Iran stocke une partie de son brut à bord de pétroliers pour éviter d'être obligé de réduire sa production. Jusqu'à 42 millions de barils sont ainsi stockés, indique l'AIE, qui table sur la poursuite de la baisse des exportations au second semestre. L'Iran dément en bloc ces informations, annonçant au contraire une hausse de sa production à près de 3,8 Mb/j et des exportations stables à plus de 2,1 Mb/j.Le ministre iranien du Pétrole, Rostam Ghassemi, a ainsi affirmé mardi que les exportations (de l'Iran) n'ont pas beaucoup baissé, dans une interview au quotidien Shargh. L'UE, qui absorbait 20% des exportations iraniennes (600 000 b/j), a décidé en janvier un embargo total au 1er juillet, que la plupart des pays ont déjà mis en oeuvre. Les majors européens comme Shell ou Total ont arrêté leurs achats. L'Espagne et la Grèce ont cessé leurs importations en avril, et l'Italie, premier importateur européen de brut iranien (180 000 b/j) devrait suivre dans les mois qui viennent. Les fortes pressions de Washington, menaçant de boycotter les sociétés impliquées dans le commerce du pétrole iranien, ont poussé plusieurs autres clients à réduire leurs achats pour échapper aux sanctions. Cinquième acheteur de brut iranien, la Turquie qui avait jusqu'à présent refusé d'appliquer les sanctions économiques occidentales a annoncé pour sa part une baisse de 20% des ses importations. L'Asie grande consommatrice, affectée La situation est variable en Asie, qui absorbe 70% des exportations iraniennes. L'Inde, deuxième client de l'Iran, a annoncé une réduction de 11% de ses achats en 2012, et la Corée du sud, troisième acheteur, a baissé de 40% ses importations depuis le début de l'année. Le Japon, quatrième client de l'Iran, a baissé de 65% ses achats en avril par rapport à l'année passée. Seule la Chine, principal partenaire économique de l'Iran et premier acheteur de son pétrole, a augmenté ses importations après une baisse au début de l'année. Les dirigeants iraniens ont affirmé avoir trouvé des acheteurs de substitution, mais sans dire lesquels. Les sanctions pétrolières sont venues s'ajouter à un embargo bancaire qui perturbe depuis 18 mois le rapatriement par Téhéran de ses pétrodollars, plus de 100 milliards en 2011. Pour écouler son brut, l'Iran accepte désormais des paiements en monnaie locale voire sous forme de troc. Outre des rabais pouvant aller de 10 à 20 dollars par baril, selon un responsable pétrolier européen, Téhéran aurait également proposé des livraisons à paiement différé, notamment au Pakistan. Il aurait même fait du port-à-port en Asie pour écouler des cargaisons, selon des informations circulant dans les milieux pétroliers. Parallèlement à cet embargo, les assureurs européens (qui contrôlent 90% de l'assurance maritime mondiale) vont cesser le 1er juillet de couvrir les pétroliers transportant du brut iranien, obligeant les pays acheteurs à mettre en place une garantie souveraine pour couvrir les risques d'accidents et marées noires, comme vient de le faire le Japon. Cette situation est d'autant plus dommageable pour Téhéran que les cours du brut sont tombés en juin à moins de 90 dollars le baril, alors l'Iran tablait sur une hausse au-delà de 150 dollars du fait de l'embargo européen. L'accroissement de la production par d'autres pays, Arabie saoudite en tête, a permis d'éviter que la mise en place progressive de l'embargo ne déstabilise les marchés, constate un expert européen à Téhéran. Entre la baisse des exportations, les rabais, les paiements en monnaies locales et les difficultés de rapatriement des devises, les sanctions commencent à coûter cher à l'Iran, souligne-t-il. La Corée du Sud contrainte d'arrêter d'importer du pétrole d'Iran La Corée du Sud a indiqué, hier, qu'elle allait être obligée de renoncer à ses importations de pétrole d'Iran à partir de juillet, en raison des sanctions mises en œuvre par l'Union européenne pour forcer Téhéran à abandonner son programme nucléaire.Les importations vont être suspendues car l'Union européenne va interdire aux entreprises européennes d'assurer les pétroliers transportant du brut iranien où que ce soit dans le monde, à partir du 1er juillet, a rappelé le ministère sud-coréen de l'Economie. La Corée du Sud dépend des compagnies européennes pour ce type d'assurance. Une rencontre des ministres européens, avant-hier, s'est achevée sans aucune indication sur une éventuelle exemption dont pourrait bénéficié la Corée du Sud, qui l'avait demandée, a ajouté le ministère. Les importations iraniennes de pétrole représentent à présent 9,4% des besoins pétroliers de la Corée du Sud, soit 87,2 millions de barils. Le pays importe tout son pétrole et avait affirmé en janvier qu'il ne pouvait pas se permettre de perdre cet important approvisionnement en brut. Séoul, qui a déjà significativement réduit ses importations de brut iranien, s'est vu exempté en juin des sanctions économiques décidées par les Etats-Unis. Le ministère de l'Economie a indiqué, hier, qu'il allait s'efforcer de trouver d'autres sources d'approvisionnement et noté que ses importations irakiennes, et d'autres pays, avaient déjà augmenté. Enfin, le gouvernement sud-coréen veut tenter de minimiser les effets des sanctions sur ses exportations vers l'Iran, troisième marché pour la Corée au Moyen-Orient.