Plusieurs jours après l'embargo décidé par l'Union européenne contre l'Iran, la «guerre des mots» se poursuit. Ainsi, l'Iran veut précéder l'UE et décréter lui-même une interdiction de vendre du pétrole aux pays européens avant que l'embargo européen ne soit appliqué, d'ici le 1er juillet. Selon des sources officielles, la commission énergie du Parlement iranien prépare pour aujourd'hui un projet de loi pour interdire la vente de pétrole aux Européens avec un effet immédiat. Cette réaction de l'Iran risque d'être improductive, puisque les pays européens se sont déjà préparés à ne plus acheter le pétrole iranien ; la quantité de 450 000 barils par jour peut être déjà remplacée par l'Arabie Saoudite, qui s'est engagée à augmenter sa production. Sur les conséquences de l'embargo iranien, le patron de la compagnie pétrolière iranienne, la NIOC, reste sceptique ; il a déclaré hier à la presse iranienne que si les Européens parviennent à trouver une solution, «il n'y aura pas de hausse des prix, sinon il y en aura une, mais elle est très difficile à prédire». L'Union européenne a décidé, le 23 janvier, d'imposer un embargo qui va au-delà des sanctions discutées il y a quelques semaines. En effet, l'UE a décrété une véritable guerre économique à l'Iran pour l'empêcher de poursuivre le financement de son programme nucléaire. En plus de l'interdiction d'achat du pétrole iranien avec l'annulation des contrats existants d'ici le 1er juillet, l'embargo vise aussi le secteur dans son ensemble ; toutes les transactions liées au pétrole sont concernées, ce qui va toucher les investissements et retarder les programmes de développement. Sur le plan financier, l'UE a aussi décidé de geler les avoirs de la Banque centrale iranienne et d'arrêter toute coopération dans le commerce de l'or et des métaux précieux. Même la production de pièces et de billets de banque pour son compte est interdite. La décision de l'embargo pétrolier était attendue. L'Europe avait déjà pris option au début du mois, il fallait juste trouver des alternatives aux achats de brut iranien pour des pays comme la Grèce, l'Espagne et l'Italie. Depuis, les pays concernés ont eu le temps de trouver de nouveaux fournisseurs. Les pays du Golfe, notamment l'Arabie Saoudite, se sont engagés à remplacer le pétrole de Téhéran. Mais l'Iran pourrait trouver de nouveaux débouchés pour son pétrole, y compris en abaissant les prix et en l'orientant vers des pays qui n'adhèrent pas à l'embargo, comme la Chine ou l'Inde. Comme il pourrait choisir la solution du troc. Pour amener les autres pays à adhérer à l'embargo, le président Obama a signé une loi, le 31 décembre dernier, qui l'autorise à geler les avoirs de toute institution financière étrangère qui commercerait avec la Banque centrale iranienne dans le secteur du pétrole. Le but est d'empêcher ainsi l'Iran de vendre son pétrole, qui représente 80% de ses exportations (plus de 71 milliards de dollars en 2010). L'Iran exporte environ 2,5 millions de barils par jour, principalement vers l'Asie (Chine, Japon, Corée du Sud, Inde) et à un degré moindre vers l'Europe (18%). Un embargo réussi pourrait avoir de graves conséquences et déstabiliser le régime. La Russie a dénoncé ces «sanctions unilatérales qui ne font pas avancer les choses». La Russie comme la Chine s'étaient déjà opposées à de nouvelles sanctions après celles qui avaient été décidées au Conseil de sécurité de l'ONU. Depuis 2006, ce dernier a imposé quatre séries de sanctions à l'Iran à cause de son programme nucléaire. Mais avec les décisions prises depuis un mois, la situation va devenir de plus en plus difficile pour Téhéran. A Londres, vendredi, le pétrole était à 111,50 dollars tandis qu'à New York, il était à 99,94 dollars le baril.