L'Iran s'est engagé dans des manœuvres tous azimuts pour tenter de contrer l'embargo européen sur l'assurance des navires transportant du brut iranien, aussi dangereux pour ses exportations que l'embargo pétrolier lui-même. Renforçant ses sanctions contre le programme nucléaire controversé de Téhéran, l'Union européenne a décrété le 1er juillet un embargo total sur l'achat de pétrole iranien mais elle a également interdit aux assureurs et réassureurs européens, qui contrôlent 90% de l'assurance maritime mondiale, de garantir tout navire transportant du brut iranien. Résultat : l'Iran et ses clients non-européens, notamment en Asie qui absorbe 70% du brut iranien, se sont lancés à la recherche de solutions pour maintenir les livraisons coûte que coûte, alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que les nouvelles sanctions pourraient faire chuter les exportations iraniennes de 40%. Le Japon a adopté une loi permettant à l'Etat de se substituer aux réassureurs européens pour garantir, à hauteur de 7,6 milliards de dollars, les pétroliers transportant du brut iranien. Mais les autres grands clients de l'Iran n'ont pas souhaité s'engager dans cette voie, obligeant Téhéran à proposer des alternatives. La Chine et l'Inde, ses deux principaux acheteurs, ont accepté une offre de l'Iran de transporter son brut avec sa propre flotte assurée par ses soins, et la Corée du sud, qui a suspendu ses importations le 1er juillet, n'exclut pas de suivre. Mais cette solution se heurte à plusieurs obstacles, au-delà des différends commerciaux sur le prix du transport qui ont notamment éclaté avec la Chine, selon une source diplomatique. La flotte de la National Iranian Tanker Company (NITC), une quarantaine de pétroliers de 100 000 à 300 000 tonnes, est insuffisante pour transporter à elle seule vers des destinations lointaines les plus de 2 millions de barils (environ 300 000 tonnes) exportés quotidiennement par le deuxième producteur de l'OPEP avant les sanctions, relève un expert européen. D'autant qu'un nombre important de ces navires étaient utilisés en juin pour stocker au large des côtes iraniennes le brut que Téhéran n'arrive plus à vendre du fait de ces sanctions, selon les milieux spécialisés. L'Iran a annoncé un plan pour développer d'urgence ses capacités de stockage à terre aujourd'hui saturées, faisant appel notamment à des sociétés privées. Il a également commandé douze supertankers supplémentaires à la Chine, et devrait recevoir le premier en décembre. Mais ces solutions ne règlent pas le problème à court terme, relève le même expert qui estime que l'embargo européen sur la réassurance des pétroliers a actuellement autant d'impact sur les exportations iraniennes que celui sur le brut lui-même. Par ailleurs, des compagnies iraniennes assurent bien désormais les pétroliers de la NITC mais elles sont peu capitalisées et l'Etat ne semble pas s'être pour l'instant officiellement engagé à les soutenir en cas de catastrophe pouvant se chiffrer en milliards de dollars, ce qui laisse un doute sur leur solvabilité, note un analyste occidental à Téhéran. Et elles pourraient aussi avoir des difficultés pour indemniser des dégâts à l'étranger du fait de l'embargo bancaire contre l'Iran, ajoute-t-il. Pour contourner les sanctions, la NITC aurait tenté ces dernières semaines de camoufler certains de ses navires en changeant leur nom, celui de la compagnie propriétaire et leur pays d'immatriculation, selon les milieux spécialisés. Un parlementaire américain a accusé la semaine dernière la Tanzanie d'avoir ré immatriculé six tankers iraniens, provoquant une enquête du gouvernement tanzanien qui s'est déclaré prêt à annuler l'opération. Téhéran a également annoncé en mai que 20% des exportations pétrolières, jusqu'à présent monopole de la compagnie nationale NIOC, pourraient être confiées à des exportateurs privés : un moyen d'écouler le pétrole iranien plus discrètement via de petites opérations capables de déjouer les diverses sanctions occidentales. Il est plus facile d'assurer de petites cargaisons que des supertankers transportant 300 000 tonnes de but, relève le même expert européen.