L'Iran ne mettra pas à exécution sa menace de fermeture du détroit d'Ormuz sauf «en cas d'attaque militaire occidentale», a estimé, hier, un expert pétrolier, Francis Perrin. «Tout d'abord, je ne crois pas du tout que l'Iran fermerait le détroit d'Ormuz si, comme il est probable, l'Union européenne décidait d'imposer un embargo sur les importations de pétrole iranien», a indiqué dans un entretien à l'APS M. Perrin, directeur de la rédaction de la revue spécialisée Pétrole et gaz arabe (PGA). «A mon avis, le blocage d'Ormuz par l'Iran n'est envisageable que si ce pays est attaqué militairement, et non pas si de nouvelles sanctions économiques lui étaient imposées», a-t-il ajouté. «L'Iran perdrait également, dans cette hypothèse, le soutien de la Russie, de la Chine et de certains autres pays asiatiques, dont il a grandement besoin», observe M. Perrin, également analyste chez «Arab petroleum Research Center» (APRC), basé à Paris. Téhéran a menacé de fermer le détroit d'Ormuz, par où transite 40% du trafic maritime pétrolier mondial, en réponse à d'éventuelles nouvelles sanctions contre ses exportations pétrolières des Etats-Unis et de l'UE. «N'oublions pas non plus que ce n'est pas la première fois que Téhéran agite cette menace et, à ce jour, il ne s'est rien passé de concret. C'est surtout pour les dirigeants de la république islamique d'Iran une arme de dissuasion, même si je ne pense pas qu'elle sera efficace», a-t-il ajouté. Au cas, «improbable», où l'Iran bloquerait le détroit d'Ormuz, la principale conséquence serait la flambée des prix du pétrole qui pourrait dépasser le record historique enregistré en 2008 (presque 150 dollars le baril), prévoit ce spécialiste des marchés pétroliers. «Il y aurait aussi une flambée des primes d'assurance des Tankers dans cette partie du monde, ce qui renchérirait le coût du transport», selon M. Perrin. Mais les conséquences de cette fermeture sur l'approvisionnement mondial «ne seraient pas durables, et ce, pour deux raisons : l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont chacun un oléoduc important qui permet d'éviter ou de contourner le détroit d'Ormuz et le total des capacités de ces pipelines est supérieur à 6 millions de barils par jour, ce qui n'est pas négligeable», commente-t-il. «L'Iran a les moyens de bloquer ou de miner une partie du détroit d'Ormuz, je ne suis pas sûr qu'il puisse le bloquer entièrement, car il ne faut pas oublier le rôle que joue le Sultanat d'Oman dans ce canal, et dont les relations avec les Etats-Unis sont très bonnes», signale-t-il. Et surtout, précise-t-il, « -un blocage d'Ormuz se heurterait à une riposte militaire qui ferait que l'Iran ne serait pas en mesure d'empêcher pendant longtemps le passage des tankers», à travers cette voie d'eau capitale. En cas d'embargo européen sur le pétrole iranien, l'apport de l'Arabie saoudite dans cette crise n'est pas à négliger, selon cet analyste, Ryadh faisant en sorte que les flux pétroliers ne soient pas perturbés. «C'est la stratégie constante de ce pays qui a la volonté et la capacité de l'appliquer puisqu'il dispose de capacités de production inutilisées qu'il peut mobiliser dans un délais rapide», note M. Perrin. Ces capacités disponibles sont évaluées à 2 millions de barils/jour, alors que les volumes de brut iranien importés par l'UE sont de l'ordre de 600 000 barils/jour. «Les dirigeants saoudiens ne seraient d'ailleurs pas mécontents que de nouvelles sanctions soient prises contre l'Iran», a-t-il fait remarquer. L'UE représentait un peu plus de 20% des exportations iraniennes de brut sur les neuf premiers de 2011, a indiqué M.Perrin, citant des chiffres de l'Agence internationale de l'Energie (AIE). De fait, l'Europe est en mesure de se passer du pétrole iranien, selon cet analyste. Mais certains pays membres de l'UE seraient en situation difficile car ils importent beaucoup de brut de ce pays. C'est le cas de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne notamment. Ces trois pays peuvent cependant compter sur les mécanismes de solidarité, qui seront activés au cas où les Etats membres de l'UE feraient face à une baisse significative de leurs approvisionnements pétroliers.