Question de know-how. Comment les systèmes de production d'énergies renouvelables peuvent-ils traverser la dimension de l'imaginaire collectif pour arriver à convaincre le citoyen lambda de leurs bienfaits ? A l'orée de l'existence même de l'humanité, et en dehors de la tradition ancestrale, l'homme, à savoir l'homo sapiens, levait la tête, haut vers le ciel de Dieu, pour tâter, voire scruter le temps, un geste devenu par infraction idéologique et, partant, par mépris aux sociétés contemporaines, un acte purement technique, désigné aujourd'hui par le terme : météo. Pleuvra-t-il demain, ventera-t-il après-demain, neigera-t-il en hiver, gèlera-t-il en ces temps de changements climatiques ? Autant de questions auxquelles ni Zeus, ni Poséidon, ni même Hadès, s'ils venaient à être ressuscités, ne pourront trouver réponse. La planète est en danger de disparition par la force de l'entêtement de ses hommes. Le nucléaire, le gaz de schiste, la pollution atmosphérique et celle de proximité, autant d'agressions que subit de nos jours l'environnement. Faut-il produire de l'énergie- indispensable à l'humanité- pour la faire disparaître ? La réponse est à l'évidence Non ! Un avis détaché de l'argumentaire commercial nous renvoie désormais sur les productions d'énergies dites propres, que le gouvernement algérien a inscrit dans son calepin. Avec le consortium allemand Desertec Industrial Initiave, l'Algérie vient d'emprunter la voie de la sagesse écologique, pour se retourner résolument vers l'exploitation rationnelle des énergies renouvelables, via Desertec project… Juillet 2009 annonce une nouvelle ère pour l'Algérie dans le domaine des énergies renouvelables. Sous l'impulsion du chef de l'Etat, M. Abdelaziz Bouteflika, le gouvernement se lance dans un nouveau challenge. En dépit des richesses énergétiques, notamment fossiles, que recèle le pays dans ses entrailles, l'Etat algérien se focalise sur le "sustainable development", comprendre par là, le développement durable. C'est ainsi que l'idée de l'exploitation rationnelle des énergies propres, dans un pays gracieusement servi par Dame nature, est venue se greffer dans les consciences des plus hautes sphères de l'Etat. Un projet longuement et soigneusement muri est alors envisagé. Pour sa concrétisation, le gouvernement décide de s'attacher les services d'un partenaire de référence, la Fondation Désertec- plus connue sous l'appellation internationale " Clean power from deserts". D'un coût global avoisinant les 400 milliards d'euros et drivé par le consortium Desertec Industial Initiative (DII), un projet titanesque est alors mis sur pied par la firme. Il prévoit l'érection d'un réseau d'immenses installations d'éoliennes, de panneaux solaires et de stations solaires thermiques en Afrique du Nord, notamment dans les déserts du Maghreb et du Moyen-Orient. Un projet, plusieurs ambitions ! Comment optimiser l'exploitation de ces énormes gisements solaires et éoliens qui balayent l'Afrique du Nord ? A cette question en quadrichromie, s'opposent des réponses rationnelles. En un premier temps, la mise en place d'imposantes installations de production d'électricité s'inscrit dans cette optique. Les stations en question, comme on aime les appeler dans le jargon des spécialistes es- matières, seront ensuite reliées aux réseaux électriques des pays du Vieux continent pour atteindre, à moyen terme, un objectif de 15% de la demande européenne. Les marchés locaux ne seront pas en reste, puisqu'en dehors de l'intégration technologique, dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant, ils pourront profiter de cette nouvelle ressource énergétique bénéfique sur tous les plans, notamment écologique. 1 Km 2 =1,5 Mbp/an, où l'inéquation du Km 2 qui équivaut à 1,5 million de barils de pétrole par an ! Un calcul d'approche minutieusement établi par les concepteurs de ce projet a inévitablement abouti à une inéquation mathématique. Chaque km2 de désert reçoit annuellement une énergie solaire équivalente à 1,5 million de barils de pétrole, de quoi alimenter toute la planète en énergie propre et inépuisable. La synthèse des dimensions pharaoniques de ce projet continue de susciter l'intérêt des experts, chercheurs et politiciens. A telle enseigne qu'elle conjecture à l'idée de penser que ce projet pilote s'identifie à un " Plan Marshal bis " susceptible de faire redémarrer l'économie européenne et, partant, rééquilibrer la sacro-sainte balance qui régit actuellement le commerce mondial des hydrocarbures. On appelle cela une révolution ! Et c'est là où se situent toutes les dimensions tant multilatérales que transcontinentales du projet Desertec. Des spécialistes en la matière voient en ce projet, qui prévoit de transformer le Sahara en un " grenier d'énergies propres" du Vieux continent, un réel vecteur de développement socioéconomique durable pour la région du Sud de la Méditerranée. Tant et si bien que cette source d'énergie durable se veut sans conteste un substitutif aussi bien aux énergies fossiles dont la fluctuation des cours est à l'origine de la déstabilisation des économies, qu'au nucléaire qui a fini par montrer ses limites de par sa complexité, notamment, en matière de maintenance et de gestion. Catastrophe sur catastrophe ! Tchernobyl, Fukushima, Marcoule… A qui le tour ? Lors de la visite officielle qu'il a effectuée en Allemagne en 2009, et durant laquelle il a donné son aval pour le projet Desertec dont il a réitéré l'importance, le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, avait réaffirmé le souhait de voir ce projet se concrétiser et répondre ainsi à des besoins technologiques afin d'atténuer la dépendance aux énergies fossiles. Des emplois " verts" à profusion… La mise en œuvre des stratégies du " courant vert " dans la région Mena permettra de créer des centaines de milliers d'emplois, directs et indirects, ainsi que de nouvelles spécialités de formation de techniciens et d'ingénieurs, bref, une véritable bouée de sauvetage et un fer de lance jetés à l'endroit du marché du travail. La Tunisie, par exemple, qui ambitionne depuis mai 2011 d'installer plus de 800 000 panneaux solaires dans le désert tunisien, à l'horizon 2014, à travers le petit développeur Nur Energie, promet de révolutionner le monde du travail. Plus de 20 000 emplois seront créés pour la circonstance, rien que pour la réalisation et la maintenance de cette installation, ce qui sous-tend à conclure que la mise en service de ce projet permettra de capter et de caler des milliers d'emplois permanents. Un vrai don du ciel, proprement réfléchi! Aussi important soit-il, tant pour la Tunisie que pour l'humanité, ce projet ne coûtera que 10 milliards d'euros. Un rapport, "coût de réalisation-rendement", qui se place à la limite du surprenant, surtout quand on sait ce que peuvent générer comme profits et emplois les centaines de milliers de panneaux solaires qui seront dressés. Faut-il encore rappeler que cette centrale solaire qui produira 2 mégawatts d'électricité, soit deux fois plus qu'une centrale nucléaire, sera destinée à alimenter l'Europe. On a souvent dit et rapporté que le soleil de la Tunisie n'est exploité qu'à des desseins purement touristiques? Le soleil est là pour dorer affablement le dos des touristes, c'est une incontournable réalité. Mais les autorités tunisiennes l'ont compris. En quoi une activité commerciale pourrait-elle gêner une autre ? Il y a un seul soleil dans la galaxie, et les autorités tunisiennes ne se trompent pas dans la logique économique du deux en un ! C'est-à-dire tourisme et énergie solaire. De son côté, le Maroc qui a annoncé, au mois de septembre dernier, la construction de cinq parcs solaires à l'horizon 2020, pour seulement neuf milliards de dollars, ambitionne de créer 50 000 emplois dans le secteur des énergies renouvelables sous l'œil bienveillant de l'Agence Marocaine de l'Energie Solaire, la Masen. En revanche, l'Algérie, qui est partie intégrante dans ce méga projet, a mis le paquet et ambitionne de produire quelque 22 000 mégawatts entre 2011 et 2030 dont 10 000 pourraient être dédiés à l'exportation, dans un ambitieux programme de développement des énergies renouvelables piloté par la Société nationale de l'électricité et du gaz, Sonelgaz, pour un coût global de 80 milliards de dollars. Une équation 22 000 Mégawatts = 150 000 emplois générés qui donnera certainement à réfléchir à de nombreuses nations qui hésitent encore à " traire " leur soleil ou leur vent de leur richesse énergétique ! Le lancement d'une entité de fabrication de panneaux solaires à base de silicium à Rouiba, dans la banlieue algéroise, ainsi que d'autres réalisations liées au projet Desertec pourront créer des milliers d'emplois à différents termes, même si au demeurant, du côté des concepteurs des projets d'exploitation de l'énergie propre, l'on préfère passer à l'acte de convaincre. Et c'est dans ce sillage qu'un projet de construction d'une centrale électrique dite " pilote ", alimentée par les énergies renouvelables d'une capacité de 1.000 MW, sera prochainement lancée en Algérie dans le cadre du partenariat entre le groupe Sonelgaz et Desertec industrial initiative (DII), Un frein au réchauffement climatique ? Hormis le soutien de la Commission européenne, le projet Désertec bénéficie de l'aval de la plupart des partis et associations Verts d'Europe, et désigné comme projet porteur d'avenir dans la lutte contre le réchauffement climatique par la 17e Conférence des Nations unies sur le climat qui s'est tenue en décembre dernier à Durban, en Afrique du Sud. Par ailleurs , l'ONG Greenpeace, qui fait de la lutte antinucléaire un cheval de bataille, a fait du projet Desertec un modèle en termes de respect de protection de l'environnement et réduction des émissions des gaz à effet de serre à un niveau largement plus bas, contrairement aux centrales électriques classiques et nucléaires. En effet, une étude a révélé que Desertec réduira de plus de trois millions cinq cents mille tonnes de dioxyde de carbone, ce qui contribuera à réduire un tant soit peu la pollution atmosphérique. Le malheur du nucléaire fait le bonheur du renouvelable ! Un an après l'accident de Fukushima, les centrales nucléaires électriques sont devenues un véritable casse-tête, tant pour les populations que pour les gouvernements. L'annonce par l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse et le Danemark de l'arrêt définitif du nucléaire, à l'horizon 2020, n'a pas laissé indifférents les autres pays, donnant lieu à une vague d'actions similaires visant l'abandon partiel ou totale du nucléaire dans la production de l'électricité. En tout, ce sont trois pays rien qu'en septembre 2012. La France a ouvert le bal en annonçant par son président François Hollande la fermeture de la centrale de Fessenheim d'ici fin 2016, et ce, dans le cadre d'une feuille de route écologique qui a comme objectif de rompre avec le tout nucléaire et le tout pétrole. Le Japon, ébranlé par des mois de protestations, a quant à lui fini par céder à la rue et décida de tourner le dos à l'atome d'ici 2030. De l'autre côté de l'Atlantique, le gouvernement fraîchement élu de la province francophone du Québec a annoncé la fermeture de l'unique centrale. Ces événements sont autant de signes qui révèlent l'inefficacité de l'énergie nucléaire et la fin proche de son ère. Enfin, on peut dire sans qu'on puisse nous le reprocher que ce recul du nucléaire, dû essentiellement aux séquelles de Fukushima et Tchernobyl, plaidera en faveur des énergies alternatives et donnera du vent en poupe aux projets porteurs d'avenir, à l'image du Desertec ou d'autres projets de sa taille qui surgiront dans les années à venir, afin de garantir à toute l'humanité un accès à l'énergie, devenu un préalable pour tout développement. Il faut donc attendre sa concrétisation pour voir les pays encore indécis changer de fusil d'épaule. Berlin, carrefour des énergies des déserts du 7 au 9 novembre 2012 Après les conférences du Caire en 2010 et Barcelone en 2011 qui ont vu respectivement la participation de 300 et 400 délégués de la région MENA et de l'Europe, le consortium DII s'apprête cette année à tenir sa 3e conférence mais cette fois-ci en Allemagne, au siège du ministère fédéral des Affaires étrangères. Les organisateurs de cet événement tablent sur la participation de quelque 500 délégués des milieux politiques, économiques et scientifiques des quatre coins de la planète. Trois jours durant, les participants s'attelleront sur les questions relatives au développement et à la promotion des énergies renouvelables, l'extension des réseaux, ainsi que les possibilités de réduction du coût de sa production ou enfin la création d'un marché intégré pour la région Union européenne, Afrique du Nord et Moyen-Orient. Outre la présence du ministre allemand des Affaires étrangères, cette 3e conférence (DII) recevra un invité de taille, Bertrand Piccard, le pilote du célèbre avion solaire " Solar Impulse ". Ce rendez-vous intervient dans un contexte international marqué par la déclaration du secrétaire général de l'ONU , Ban Ki-moon, en septembre dernier, devant l'Assemblée générale de cette organisation, faisant état de la nomination d'une nouvelle direction pour l'initiative " Energie renouvelable pour tous ", appelant ainsi à davantage d'engagements visant à faciliter l'accès universel à l'énergie renouvelable qui est, selon Ban Ki-moon, l'élément qui établit un lien entre croissance économique, égalité sociale, respect de l'environnement et lutte contre les changements climatiques. Il y a lieu de rappeler que l'initiative industrielle Desertec (DII) a été créée par 13 entreprises allemandes, actuellement elle compte 17 actionnaires. Les membres fondateurs de Dii étaient ABB, Abengoa Solar, Cevital (Algérie), la Fondation Desertec, Deutsche Bank, E.ON, HSH Nordbank, Man Solar Millenium, Munich Re, M+W Zander, RWE, Schott Solar et Siemens RWE, Schott Solar, ou encore l'espagnol Abengoa. En somme, un tel projet en Algérie n'est pas sans balayer d'un revers de la main cette étiquette qui colle aux autorités algériennes, accablées depuis trois décennies pour ne pas avoir exploité les richesses naturelles que recèle le pays à des fins touristiques. Exploité dans la production des énergies propres, il est évident que le soleil ne saurait être que plus rentable. La voie de la révolution verte est désormais balisée, il ne reste plus, aujourd'hui, qu'à actionner le détonateur…