Le groupe industriel Cevital, la première entreprise privée en Algérie, s'est associé, lundi dernier à Munich en Allemagne, à une dizaine d'entreprises, en majorité allemandes, pour la création d'un bureau d'études qui aura la tâche d'élaborer des plans d'investissement du projet pharaonique Desertec. En effet, après avoir investi dans l'agroalimentaire, l'agriculture, la construction, les services et l'industrie, le plus grand groupe algérien entend non seulement se lancer dans les énergies propres, mais il a su comment s'imposer et se distinguer en tant que seule entreprise nord-africaine figurant parmi les signataires du protocole d'accord portant création de ce bureau. De ce fait, il s'agit d'une reconnaissance internationale, et une ferme volonté de la part de ce groupe de relever des défis, et enregistrer des performances exceptionnelles. Aujourd'hui nul ne peut nier que Cevital poursuit un plan d'expansion et d'investissement très ambitieux. Il nourrissait même l'ambition de réaliser un port en eaux profondes dans la région de Cap Djinet. Ce projet gigantesque nécessitera des investissements de plus de 30 milliards de dollars. Il prévoit la construction d'un port en eaux profondes de 20 km de quais, la réalisation d'une zone industrielle intégrée avec pôle pétrochimique, une usine de production de voiture, un complexe d'aluminium, un chantier naval et une unité de fabrication de containers, sans oublier une unité de dessalement d'eau de mer, une centrale électrique et un pôle scientifique. Mais dire qu'il contribuera dans l'élaboration du plan d'investissement portant sur la construction d'un vaste réseau de centrales solaires dans le nord de l'Afrique et au Moyen-Orient pour alimenter l'Europe en énergie d'un coût avoisinant les 400 milliards d'euros, cela ne peut être qu'un des indicateurs fondamentaux de la percée et du poids de Cevital dans l'échiquier économique tant national qu'international. Outre le groupe d'Isaad Rébrab, parmi les signataires figurent les principaux acteurs européens du solaire thermique européen. En tête, les deux géants allemands de l'énergie E.ON et RWE. Il s'agit également de la banque Deutsche Bank, du groupe Siemens (qui à la fois construit des turbines à vapeur géantes pour ce type de centrales et des lignes de transmission électrique), des groupes solaires allemand Solar Millenium (qui projette des centrales thermiques géantes en Californie) et son rival Schott Solar. Il s'agit également de la société d'ingénierie M+W Zander, et la banque allemande HSH Nordbank, mais aussi l'installateur de centrales solaires espagnol Abengoa Solar et le géant suisse ABB, leader mondial des transmissions. L'association européenne du solaire à concentration (ESTELA) est également membre de Desertec. Le bureau d'études en question, qui sera créé d'ici fin octobre, élaborera des plans d'investissement réalisables au cours des trois prochaines années. Le concept de Desertec est plus que séduisant comme l'explique le physicien Gerhard Knies, inspirateur du projet TREC (Trans-Mediterranean Revewable Energy Cooperation) : "Les déserts chauds couvrent environ 36 millions de km2 sur les 149 millions de km2 de terres émergées de la planète. L'énergie solaire frappant chaque année 1 km2 de désert est en moyenne de 2,2 térawattheures (TWh), soit 80 millions de TWh par an. Cela représente une quantité d'énergie si considérable que 1 % de la surface des déserts suffirait pour produire l'électricité nécessaire à l'ensemble de l'humanité." Un projet ambitieux à étudier de près si l'on considère la demande mondiale croissante en énergie. Le Sahara deviendrait dès lors le terrain d'une gigantesque centrale solaire à concentration (CSP) qui alimenterait tout le Maghreb et même l'Europe. Ce plan solaire méditerranéen apporterait à la fois de l'électricité et des ressources financières aux pays d'Afrique du Nord. De plus, cela permettrait de donner à l'Europe une source énergétique susceptible de l'aider à remplir son objectif de 20 % d'électricité propre, contre 8 % aujourd'hui. En outre, cette centrale pourrait couvrir 15 % des besoins en électricité de l'Europe en 2050. il faut dire que le coût de ce projet est estimé, pour rappel, à 400 milliards d'euros. Il est utile de signaler que l'idée du projet Desertec est née au sein d'un réseau mondial de scientifiques, de responsables et d'entrepreneurs, le TREC, qui l'a développée en collaboration avec la branche allemande du Club de Rome. Le Centre allemand de recherche aérospatiale (DLR) a mené des études techniques, financées par le ministère allemand fédéral de l'Environnement. Les études ont montré qu'il suffirait d'installer des champs de collecteurs solaires sur environ 0,3 % des surfaces désertiques du globe pour couvrir l'ensemble des besoins mondiaux en énergie. Quant au transport de cette électricité solaire jusqu'en Europe, la technologie HVDC (High Voltage Direct Current) permet de transporter l'électricité sur des milliers de km en limitant fortement les pertes. Un réseau connectant l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient est tout à fait envisageable techniquement, de plus, la technologie HDVC permet de réaliser des réseaux électriques très stables. Consciente que ses ressources en pétrole et en gaz naturel ne sont pas inépuisables, l'Algérie ambitionne d'exploiter, à une échelle industrielle, le généreux soleil qui inonde son territoire, pour ses propres besoins en énergie mais aussi pour l'exportation vers l'Europe. Il convient de rappeler, dans ce contexte, qu'un projet de production et de transport d'électricité solaire est déjà à l'étude entre l'Algérie et l'Allemagne. D'une puissance de 6 000 Mégawatts, il nécessiterait l'installation d'un câble long de 3 000 km qui, partant de la ville d'Adrar, traversera la Sardaigne, l'Italie du Nord et la Suisse pour atteindre Aachen (Aix-la-Chapelle). Deuxième pays d'Afrique par la taille, dont plus des quatre cinquièmes du territoire sont désertiques, l'Algérie reçoit assez de soleil pour couvrir 60 fois les besoins de l'Europe de l'Ouest, selon le ministère algérien de l'Energie. L'Algérie utilise déjà des panneaux solaires photovoltaïques pour approvisionner en électricité 18 villages isolés du Sahara et des installations similaires devraient alimenter 16 autres localités d'ici 2009. Hamid Mohandi