Confronté à des problèmes de retard et de surcoût de la construction de son réacteur EPR en Finlande, le groupe public français Areva a subi, avant-hier, un nouveau coup dur avec l'élimination de l'appel d'offres pour la construction de deux nouvelles tranches de la centrale nucléaire tchèque de Temelin. Areva n'a pas satisfait dans son offre aux exigences légales pour construire ces deux tranches, selon un communiqué de la compagnie d'électricité tchèque CEZ publié à Prague. Le groupe français était en compétition avec l'américain Westinghouse (contrôlé par le japonais Toshiba) et le consortium des russes Atomstroïexport et Gidropress alliés au tchèque Skoda JS (contrôlé par le russe OMZ). Westinghouse offre le réacteur AP1000 alors que le consortium chapeauté par Atomstroïexport propose son MIR-1200. Lors du dépôt des offres, début juillet, les trois candidats avaient assuré que leurs offres remplissaient les critères de sûreté nucléaire passive et active. La décision finale dans cette commande géante d'une valeur évaluée entre 200 et 300 milliards de couronnes (8 à 12 milliards d'euros) est attendue en 2013. Les nouvelles tranches devraient être opérationnelles vers 2025. Areva n'a pas rempli non plus d'autres critères définis, a insisté avant-hier, CEZ (Ceske Energeticke Zavody), détenu à deux tiers par l'Etat tchèque. Il s'agit de raisons commerciales et légales d'un caractère fondamental, selon le géant tchèque qui refuse d'en publier le détail avant de recevoir d'éventuelles objections de la part d'Areva. Le groupe français qui proposait deux réacteurs EPR d'une puissance totale de 3 300 mégawatts, a aussitôt contesté son élimination en assurant qu'il allait faire objection de cette décision selon les règles stipulées dans les conditions de l'appel d'offres. Areva croit fermement avoir satisfait à tous les critères de l'offre et répondra aux questions soulevées par CEZ, a indiqué le groupe dans un communiqué. Nous sommes persuadés que l'offre que nous avons faite à CEZ est la plus compétitive et notre engagement dans le projet d'extension de Temelin reste entier, a-t-il ajouté. Seuls quatre exemplaires du réacteur EPR ont pour l'heure été vendus: deux sont actuellement en construction en Chine, un en France et un en Finlande. L'électricien finlandais TVO a indiqué lundi qu'il réclamait environ 1,8 milliard d'euros au consortium Areva/Siemens dans le cadre du contentieux sur les retards et surcoûts de la construction de ce réacteur. L'EPR en construction depuis 2005 à Olkiluoto (sud-ouest de la Finlande) devait entrer en service en 2009 selon le calendrier initial. Areva et Siemens estiment qu'il ne sera prêt qu'en 2014, tandis que TVO juge ce délai impossible à tenir mais n'a pas d'estimation précise. Areva espère vendre 10 exemplaires supplémentaires de ces réacteurs d'ici 2016, notamment en Inde et au Royaume-Uni. Le groupe nucléaire public français a subi en 2011 une perte nette de 2,424 milliard d'euros, la plus élevée depuis sa création en 2001, contre un bénéfice net de 883 millions en 2010. Cette perte historique a été entre autres due à de lourdes dépréciations liées à la catastrophe de Fukushima, le Japon étant un des principaux clients d'Areva en dehors d'EDF. La centrale de Temelin (sud-ouest de la République tchèque) est aujourd'hui dotée de deux réacteurs VVER à eau sous pression de conception russe, d'une puissance de 1 000 mégawatts chacun, fabriqués par le tchèque Skoda et munis de systèmes de sûreté et de contrôle de Westinghouse. Mise en service en 2000, cette centrale est située à une centaine de km au sud de Prague et à 60 km de la frontière de l'Autriche, anti-nucléaire depuis 1978. La première tranche de Temelin a connu de nombreuses pannes de son circuit secondaire (non-nucléaire) et a dû être fréquemment arrêtée, dans les années qui ont suivi son démarrage. Les deux centrales nucléaires tchèques, Temelin et Dukovany (sud-est), couvrent actuellement un tiers de la production d'électricité du pays. Cette part devrait augmenter à environ 50% après la construction de nouvelles tranches à Temelin.