En économie comme en politique, les crises sont aussi fréquentes et peuvent apparaître à n'importe quel moment, notamment dans le système capitaliste qui connaît ce genre de situation et plus particulièrement dans le secteur financier. Dans ce contexte, la crise des prêts hypothécaires "subprime" s'amplifie dans le secteur financier aux Etats-Unis, la faillite de certains organismes financiers faisant craindre aux investisseurs un effet boule de neige. En quelques jours, American Home Mortage Investment Corp., un organisme de refinancement de prêts hypothécaires aux Etats-Unis, s'est ainsi retrouvé ruiné. En fait, après avoir annoncé mardi dernier qu'il était en défaut de paiement, il a licencié vendredi plus de 6 000 de ses 7 000 employés et son titre ne vaut pratiquement plus rien en Bourse. Des institutions célèbres de Wall Street, comme la banque d'investissement Bear Stearns sont aussi touchées. Deux de ses fonds spéculatifs (hedge funds) engagés sur le marché des surprime ont été quasiment ruinés et un troisième connaîtrait, selon des rumeurs de marché, de graves difficultés. Vendredi, Bear Stearns a vu son action perdre 6,30%, portant son recul à plus de 31% sur les trois derniers mois, après que l'agence de notation financière Standard and Poor's eut publié une note assez critique de la situation de la banque. "Nous pensons que la réputation de Bear Stearns a souffert des problèmes largement évoqués de ses fonds spéculatifs, qui font de la banque une cible potentielle de plaintes d'investisseurs ayant subi des pertes importantes", a estimé Standard and Poor's. Un investisseur a déjà porté plainte contre Bear Stearns et les cabinets d'avocats américains tentent de lancer des procédures en nom collectif qui pourraient coûter très cher si elles aboutissaient. C'est l'appât du gain facile qui se retourne aujourd'hui contre ces institutions. Lors du boom immobilier des années 2000-2005, de nombreux prêts hypothécaires ont été consentis à des ménages à risque, dits "subprime", dont le profil financier n'était pas assez solide. Ces prêts ont ensuite été "titrisés", c'est à dire transformés en titres financiers qui ont servi de socle à toute une gamme de produits dérivés appelés CDO (Collateralized debt obligations). Avec l'augmentation des taux d'intérêt, ces emprunteurs se sont retrouvés dans l'impossibilité de rembourser, et aussi de refinancer leur prêt du fait de la baisse du prix de leur logement. Leurs défauts de paiement a déclenché un effet domino remontant jusqu'au sommet de la pyramide financière. "Les informations sur tel fonds spéculatif ou telle banque essuyant de lourdes pertes en raison de leur exposition au marché des subprime a créé la désagréable impression des premiers remous d'une contagion financière et d'un mouvement de panique", a constaté la banque d'affaires Lehman Brothers dans sa note hebdomadaire. Mais la banque de Wall Street constate aussi des signes rassurants. "Le fait qu'un gros fonds spéculatif ait repris le portefeuille d'un plus petit qui était en train de se noyer laisse supposer que le mouvement d'autocorrection des marchés -la baisse des prix faisant souffrir certains mais créant des opportunités pour d'autres -fonctionne toujours aussi bien". Elle rejoint ainsi les commentaires lénifiants des responsables économiques mondiaux qui assurent depuis plusieurs jours que la crise devrait être contenue. L'économiste Nouriel Roubini n'est toutefois pas complètement de cet avis et estime que contrairement aux précédentes crises sur les marchés financiers depuis 2001, celle-ci pourrait être plus durable. Il souligne que les taux directeurs des banques centrales sont plus élevés, que l'économie américaine est passablement déprimée, que l'endettement des ménages est fort et que la bulle immobilière pourrait maintenant exploser dans d'autres pays que les Etats-Unis. "Les épisodes de risque systémique arrivent souvent par le biais de mille petites coupures plutôt que par un seul coup", estime-t-il.