Les islamistes, majoritaires à l'Assemblée constituante égyptienne, ont approuvé tôt , hier,un projet de Constitution sans la participation des libéraux et des chrétiens, aggravant les tensions entre l'opposition et le président Mohamed Morsi. Le projet sera ensuite soumis à un référendum national dans les 30 jours. Selon des experts en droit, ce texte pourrait donner aux dirigeants religieux un droit de regard sur les lois et limiter la liberté d'expression, les droits des femmes et d'autres libertés. L'Assemblée constituante, qui travaille sur le projet de Constitution depuis des mois, a adopté le texte lors d'une séance marathon qui s'est poursuivie après minuit. Les membres ont voté sur chacun des 230 articles du projet. Sur les 85 membres présents à l'Assemblée, il n'y avait aucun copte et seulement quatre femmes, toutes islamistes. Depuis des semaines, les membres progressistes, laïques et coptes, qui formaient déjà une minorité au sein de l'assemblée de 100 membres, boycottent le processus pour protester contre la domination des islamistes. La subite précipitation pour approuver un projet de Constitution est le dernier revirement de la crise qui oppose le président Morsi et ses partisans islamistes, d'une part, à l'opposition majoritairement laïque et progressiste et au système judiciaire, d'autre part. Le vote n'était pas attendu avant deux mois. Mais l'Assemblée a abruptement décidé d'adopter le texte avant le jugement de la Cour suprême constitutionnelle, qui doit se prononcer dimanche sur une éventuelle dissolution de l'Assemblée constituante. "Opération délicate mais nécessaire " selon Mohamed Morsi Afin d'entrer en vigueur, le projet de Constitution devra être adopté dans le cadre d'un référendum populaire, qui devrait avoir lieu "très bientôt", a indiqué le président Morsi jeudi. "Je suis triste de voir que ça arrive alors que l'Egypte est tellement divisée", a déclaré l'un des leaders de l'opposition égyptienne, Mohamed El Baradei, lauréat du prix Nobel de la Paix, lors d'un entretien à la chaîne Al-Nahar. Mais il a prédit que le texte ne ferait pas long feu. "Il fera partie du folklore populaire et se retrouvera dans la poubelle de l'histoire". Le vote de l'Assemblée constituante aggrave les tensions entre l'opposition et le président, qui s'est attribué des pouvoirs quasi absolus la semaine dernière en neutralisant le système judiciaire. Mohamed Morsi a interdit aux tribunaux de dissoudre l'Assemblée constituante et la chambre haute du Parlement et de contester ses propres décisions. Lors d'un entretien télévisé diffusé tard jeudi soir, le président Morsi a défendu ses décrets, affirmant qu'ils représentaient une "opération délicate" mais nécessaire pour permettre à l'Egypte de surmonter la période de transition et mettre fin à l'instabilité, causée selon lui par l'absence de Constitution. "La chose la plus importante dans cette période est que nous finissions la Constitution, afin que nous ayons un Parlement élu en vertu de cette Constitution, un système judiciaire indépendant et un président qui exécute les lois", a-t-il dit. En écoutant le discours, les manifestants qui campent depuis quelques jours sur l'emblématique place Tahrir, au Caire, ont scandé des slogans contre le président et ont brandi leurs chaussures en signe de mépris. Au moins 200.000 personnes s'étaient rassemblées sur la place Tahrir plus tôt cette semaine pour protester contre les décrets adoptés par le président.