L'option chinoise envers l'Afrique, a connu ces dernières années un essor vertigineux. Les officiels chinois, se rendent périodiquement en Afrique à l'effet de motivations économiques, c'est-à-dire la volonté de renforcer la présence de ce pays dans le continent, où elle est déjà très importante et obéit à des critères commerciaux et géopolitiques. Ainsi, la scène internationale a concomitamment vu naître la théorie de la Chine comme une menace pour l'Afrique. Une théorie qui laisse entendre que les produits chinois submergent le marché africain et freinent le développement des industries locales. La Chine, sous couvert d'exploiter les ressources pétrolières et minières africaines, les pille en réalité. La Chine ne respecte pas les critères internationaux du travail, exporte en Afrique une main-d'œuvre nombreuse et impose un salaire trop bas aux travailleurs locaux. La Chine a accordé d'importants prêts aux Etats africains, allant à l'encontre des efforts déployés par la communauté internationale pour l'allégement de leur dette, la coopération intéressée que la Chine mène avec des régimes dictatoriaux enfreint les principes de la démocratie et des droits de l'homme, et trahit son cynisme. La coopération sino-africaine s'est par contre fortement développée ces dernières années, ce qui a beaucoup attiré l'attention du monde entier, qui, le plus souvent, rend compte de cette évolution avec objectivité. Un petit nombre de détracteurs, cependant, font entendre des voix discordantes, mettant en garde contre un soi-disant " néocolonialisme " qui menacerait le continent africain, et s'attaquant ainsi de manière voilée aux efforts que déploie Beijing pour resserrer ses liens avec l'Afrique. - Selon un diplomate chinois ayant été en poste dans le continent, ces points de vue négatifs proviennent pour l'essentiel des pays occidentaux. " ils sont populaires dans les médias, les milieux intellectuels, les parlementaires, ainsi que chez certains représentants officiels de leurs gouvernements Ils sont également partagés par des ONG prétendument indépendantes, et en fait subventionnées par différents groupes d'intérêts. Rien d'étonnant à cela, aux yeux des occidentaux, notamment de la France, l'Afrique, leur ancienne colonie, doit demeurer leur " pré-carré ". Toute l'Afrique, y compris son marché et ses ressources, leur appartient. La pénétration chinoise en Afrique est vue d'un mauvais œil, surtout de la part de la France, lorsqu'à la grande surprise, les Africains ont fait respecter leur possession et revendiqué la liberté de choisir leurs partenaires, dont la Chine en particulier. France, Grande-Bretagne et Etats-Unis se sont estimés lésés de leur " propriété ", et ont rendu cette dernière responsable. La Chine est ainsi devenue leur bête noire, et fait depuis l'objet de toutes sortes de diffamations et de diabolisations. La France est plus généralement les grandes puissances mondiales sont à l'assaut des richesses stratégiques dont regorge l'Afrique. Un mouvement en marche en Afrique, qui échappe à la France, selon l'analyse de Patrick Sevaistre, DG, Afrique Initiative SA. Un rapport sur l'action de l'état de l'aide au développement dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) dresse un bilan sans complaisance de toutes les insuffisances de la présence française en Afrique : budget de l'aide gonflé par les annulations des dettes (en dix ans, l'aide bilatérale française a diminué de moitié et est équivalente à celle du Danemark), saupoudrage des moyens ( 90 pays se partagent moins de 10 % de l'enveloppe bilatérale), influence limitée de Bruxelles alors que Paris finance près de 25 % du FED( Fonds Européen de développement), engagements financiers énormes dans la gestion des crises. Partenaire de premier choix de l'économie africaine, la Chine, selon une étude du Centre africain pour le commerce, l'intégration et le développement " les faits et chiffres ", vers les années 2000, les échanges entre la Chine et l'Afrique n'étaient que de 10,6 milliards de dollars US. Aujourd'hui, les données collectées en 2010 montrent que cette somme a déculpé pour atteindre les 124 milliards de dollars US. Selon les estimations les échanges bilatéraux pourraient dépasser les 300 milliards dés 2015. La Chine pèse désormais lourde sur la balance commerciale des pays du Sud, tant pour l'occident. En effet, l'accélération de la croissance des échanges avec l'Afrique a élevé la Chine au rang de principal partenaire commercial du continent, une position antérieurement occupée par les Etats-Unis d'Amérique. Ce statut la Chine le doit à la diversification de ses produits qui comprend la chaîne d'approvisionnement pour construction, les biens de consommation, l'électronique, les véhicules ainsi que les appareils et équipements TIC. Les relations entre la Chine et l'Afrique, de part leur nature, sont fondées sur l'égalité et sur les bénéfices mutuels destinés à assurer la prospérité de 2,3 milliards de personnes, plutôt que sur une " aide " unilatérale, comme l'ont suggéré certaines critiques superficielles. En 2011, le volume des échanges commerciaux entre l'Afrique et la Chine a fortement progressé, atteignant 166,3 milliards de dollars et les exportations africaines vers la Chine ont dépassé 93 milliards de dollars, ce qui représente une hausse considérable. Si l'on regarde maintenant les bénéfices pour l'Afrique, on constate que la Chine fournit au continent des produits et des technologies dont il a grandement besoin, et que parallèlement, elle offre un vaste marché pour l'écoulement des produits d'export africains. Qui plus est, Beijing cherche à aider l'Afrique à renforcer ses capacités productives en oeuvrant à l'amélioration des infrastructures et au renforcement du secteur manufacturier du continent, tout en excluant toute " pratique de spoliation des ressources ". A titre d'exemple, on peut citer les prêts consentis par la Banque d'import-export de Chine. La plupart des quelques 500 projets qu'elle a financé visent à contribuer à la construction d'infrastructures locales, telles que les usines de traitement de l'eau, des systèmes d'irrigation, ou encore des écoles. Ces pratiques sont la concrétisation de la volonté de la Chine de mettre en place une coopération " gagnant-gagnant " avec le continent africain. Pendant ce temps, la Chine devient la puissance du continent, s'intéresse à tous les gisements pétroliers et uranifères de l'hinterland boudés par les majors occidentaux et réanime, en réalité avec les Indiens (Mittal Tata Steel), tous les gisements de fer. Tandis que les Etats-Unis " réinvestissent " en Afrique pour sécuriser leurs approvisionnements énergétiques (25 % en 2025) et contrer la menace terroriste dans la bande sahélienne. Les fonds souverains, arabes et chinois, qui placent les réserves de change de leurs banques centrales, déferlent sur l'Afrique. Que faire pour défendre nos intérêts (français) ? De quels outils disposons-nous pour les défendre sans pour autant, du moins dans l'immédiat, entrer en conflit ouvert avec les Chinois ? S'interroge Patrick Sevaistre. " Il est clair que s'opposer directement à la déferlante chinoise en Afrique n'est déjà plus réaliste. A nous d'en tirer les conséquences quant à notre propre politique vis-à-vis du continent ". Il souligne, que " nous devons à l'instar des Chinois et des Américains, clairement affirmer nos intérêts vis-à-vis de l'Afrique, nous avons besoin d'une nouvelle politique française, plus ambitieuse et s'inscrivant dans la durée, accompagnée enfin, et comme c'est le cas de la Chine et aussi des Etats-Unis, d'un vrai dispositif d'intelligence économique qui, placé au sommet de l'Etat, soit pleinement opérationnel dans ses deux dimensions traditionnelles : renseignement, influence. Force est de constater qu'on en est encore loin aujourd'hui ". Les relations sino-africaines couvrent une histoire d'un demi-siècle. L'époque où la Chine offrait, malgré sa pauvreté, une aide désintéressée à l'Afrique, la soutenait dans sa lutte pour l'indépendance, lui prêtait son concours pour l'établissement d'industries nationales, et où la Chine et l'Afrique défendaient solidairement les droits et les intérêts des pays en développement sur la scène internationale, est inconnue à de nombreux jeunes Africains, dont des dirigeants de la nouvelle génération. Ils ne l'ont pas vécue, et ne peuvent donc pas comprendre à la Chine les buts et quasiment les pratiques des anciens pays colonisateurs occidentaux. Contrairement à la France et aux Etats-Unis, la Chine n'a pas de bases militaires implantées en Afrique. Le plus important pour les peuples africains, c'est que la coopération sino-africaine contribue aujourd'hui à leur réelle indépendance économique, malgré que certains secteurs clés de cette économie sont toujours restés entre les mains des anciens colonisateurs. L'arrivée des pays émergents comme la Chine, l'inde et le Brésil ouvre de nouvelles possibilités aux pays africains. Selon le Dr Cheikh Tidiane Dièye du Cacid, " la crise de 2008 a été déterminante dans l'implantation de la Chine en Afrique ". Les pays émergents comme la Chine moins touchée par l'effondrement des économies, ont su profiter de la situation pour se déployer et investir au niveau des pays de l'Afrique. S'il y a un domaine où la Chine veut cultiver l'égalité, c'est bien au niveau de l'aide publique. D'après les analyses du document " les faits et chiffres ", de la politique économique chinoise en Afrique, l'aide chinoise enregistre une croissance rapide et l'Afrique en reçoit la majeure partie. La Chine jouit d'une bonne réputation auprès des Etats africains car son aide financière est classée en troisième catégorie : les dons (aides à titre gracieux), les prêts sans intérêts et les prêts à taux préférentiels. Donc les institutions mondiales et traditionnelles des bailleurs se heurtent à la concurrence croissante de la Chine en Afrique. Selon ce même document, " à bien des égards, la Chine conteste aujourd'hui la règle du jeu concernant le déploiement et l'utilisation de l'aide étrangère comme outil d'avantage commercial et d'enregistrement national ". Les faits sont plus convaincants que les discours. On ne peut que conseiller à ceux qui offrent une vision déformée des relations sino-africaines, ou qui font preuve de méfiance à l'égard de l'action de la Chine, " de jeter un œil sur l'histoire de la coopération entre la Chine et l'Afrique pour se faire un jugement objectif ". Il apparaît clairement que la Chine est sur son piédestal sur le plan des relations commerciales avec le continent. Elle joue de plus en plus sur le rôle de financier et d'investisseur commercial. Mais parmi les multiples partenaires avec qui l'Afrique entretient des relations, la Chine est celui qu'il faut surveiller afin de déterminer l'incidence coût-bénéfice des opportunités et des défis potentiels de ce partenariat. Et au-delà " des faits et chiffres ", il faut transformer cette nouvelle donne en opportunités pour nos économies " selon Mme Aissaoui Diallo, chargée des programmes de Enda-Cacid.