Le temps passe mais rien ne se passe. Et c'est bien ce qui inquiète le directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce. Pascal Lamy aimerait tellement voir le début de la fin du Cycle de Doha qu'il multiplie les aiguillons. Objectif : faire prendre conscience à ses partenaires de la nécessité de ne pas se laisser engluer dans des discussions stériles et de celle d'efforts mutuels à mener afin de sauver le Round de négociations dit de Doha. Lequel aurait déjà dû aboutir en 2004. " En 35 avant Jésus-Christ, Horace, le grand poète lyrique romain, a dit : 'La vie n'accorde rien aux mortels sans beaucoup de travail'. Il en va de même pour nous en 2007 à l'Organisation Mondiale du Commerce. De par la nature même de notre travail, nous sommes appelés à fournir de gros efforts. " Ainsi commence l'avant-propos de Pascal Lamy qui introduit le Rapport annuel 2007 de l'organisation multilatérale. Une invective à peine voilée, destinée à faire passer l'OMC à la vitesse supérieure alors que, écrit le dirigeant, " la décision prise par les Membres en février 2007 de reprendre les négociations commerciales de Doha dans tous les domaines n'a pas encore permis de réaliser la percée nécessaire pour assurer le succès du Cycle ". Certes les pays, notamment développés, devront beaucoup " mettre sur la table " au cours de ces négociations, assurait avec réalisme Pascal Lamy sur une chaîne de télévision française récemment , insistant sur le fait que tous, et notamment les pays en développement, avaient un gain à en espérer. Car " la négociation n'est pas un jeu à somme nulle". Lancées dans la capitale du Qatar il y a six ans, les négociations du cycle de Doha sont pourtant depuis des mois dans une impasse en raison de divergences entre les pays sur les tarifs douaniers et les subventions agricoles. Nonobstant, " la conclusion d'un accord dans le cadre du Cycle de Doha enverrait aux gouvernements, aux agents économiques et au public en général un message de confiance bien nécessaire. Cela montrerait que nous restons attachés à l'ouverture des marchés et aux règles multilatérales et que les fondements de l'économie mondiale sont renforcés ", poursuit Pascal Lamy dans le Rapport. Et, en ces temps de soubresauts sur les places boursières internationales, d'interrogations sur la santé économique et financière de grandes économies mondiales - " les risques qui pèsent sur les marchés financiers et immobiliers et les importants déséquilibres du commerce des marchandises et des services rendent les perspectives pour 2007 plus incertaines et font craindre un ralentissement de l'économie et de l'expansion du commerce l'année prochaine ", souligne le rapport de l'OMC - et de crédibilité en berne pour les organisations économiques internationales, un signe de bonne volonté commune ne serait pas superflu. Ce d'autant plus que le calendrier est très serré. Les discussions doivent reprendre début septembre et l'OMC souhaite parvenir à boucler l'ensemble de la négociation avant la fin de l'année ou au plus tard le printemps 2008. L'idéal étant bien évidemment de conclure le Round avant les élections présidentielles américaines de novembre 2008 qui risquent de compliquer toute concession de la part de Washington. Attendre davantage serait une mauvaise stratégie. De facto, " pour conclure ces négociations dans un proche avenir, comme les Membres se sont engagés à le faire, nous devrons faire dès que possible des progrès importants dans les domaines cruciaux que sont les subventions agricoles et les droits de douane sur les produits agricoles et les produits industriels ", avertit le directeur de l'organisation genevoise. Autant de sujets depuis le départ litigieux et qui auront - il ne faut pas se le cacher - du mal à être résolus en quelques mois. Impossible dès lors de ne pas se demander ce qu'il adviendrait en cas d'échec - une question souvent écartée tant elle en fait pâlir plus d'un. Pascal Lamy prévient : " ce serait une très bonne nouvelle pour tous les partisans de la loi de la jungle et de la loi du plus fort. "Tout le contraire du dessein du GATT et de son successeur, l'OMC. Dans un tel scénario, le cultivé Pascal Lamy pourrait toutefois faire appel à un autre auteur antique : Homère qui décrit le supplice de Sisyphe, condamné à faire rouler un énorme rocher jusqu'en haut d'une montagne, indéfiniment, sans jamais parvenir à le hisser totalement...