Les Etats-Unis mettent en cause la clause de l'engagement unique - un accord ne peut être trouvé qu'en cas de consensus sur tous les sujets - et évoquent des accords limités. Pour l'Inde, Doha n'est pas un buffet où l'on se sert à sa guise. Le Cycle de Doha est-il mort? Au lendemain de l'échec de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève, visant à libéraliser le commerce des produits agricoles et industriels, les délégués souhaitent à l'unanimité un retour rapide à la table des négociations. Il n'est pas question de jeter les acquis de neuf jours de négociations. Toutefois, plusieurs d'entre eux, les Etats-Unis en premier, estiment qu'une nouvelle architecture des négociations est nécessaire si l'on veut aboutir à un accord. Les regards sont désormais tournés vers Pascal Lamy, directeur de l'OMC, qui devra reprendre l'initiative. "Je vais continuer à m'investir pour un meilleur système commercial mondial. Je vais essayer de remettre tout ça sur les rails." Accord sur le coton? "Nous devons prendre du recul et voir s'il ne faut pas simplifier le Cycle de Doha, avait déclaré mercredi dernier la cheffe négociatrice américaine Susan Schwab. Devons-nous nous entendre sur tous les sujets en même temps? Ne pourrions-nous pas signer des accords dans les domaines où le consensus est déjà acquis?". L'Américaine met le doigt sur la clause d'engagement unique du Cycle de Doha selon laquelle il n'y a pas d'accord tant qu'il n'y a pas de consensus dans tous les sujets de négociations. Selon Susan Schwab, des compromis existent déjà dans plusieurs domaines, notamment sur l'élimination des subventions à l'exportation agricoles en 2013 ou la facilitation du commerce. Des pays pourraient déjà en profiter en attendant que d'autres accords voient le jour, selon elle. Le coton, sujet jugé primordial pour les producteurs africains, pourrait faire l'objet d'un tel accord. "Les Etats-Unis ont proposé un arrangement bilatéral avec l'Afrique et nous sommes preneurs même si nous préférons signer sous l'égide de l'OMC", a expliqué le ministre du Commerce du Lesotho Popane Lebesa. L'Union européenne (UE) ne repousse pas l'idée de revoir le concept d'engagement unique. "La question est cependant très difficile et elle implique qu'on reformule le Cycle de Doha", expliquait Peter Power, porte-parole de Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce. Dans l'immédiat, l'UE veut favoriser la reprise des négociations cet automne en vue de consolider les acquis de la conférence de Genève. Doha n'est pas "un buffet" En revanche, l'Inde est opposée à renoncer à la clause d'engagement unique. "Le Cycle de Doha n'est pas un buffet où l'on se sert à sa guise", a déclaré le ministre Kamal Nath. Il espère aussi que les négociations reprendront rapidement après l'échec de la semaine dernière. Pascal Lamy n'a pas donné d'indication sur la marche à suivre. Par contre, il n'a pas caché son regret que les sujets déjà agréés par les 153 membres de l'OMC n'aient pas été adoptés tant que l'ensemble des sujets du cycle n'étaient pas bouclés. Et d'ajouter: "Prenez l'élimination des subventions à l'exportation, qui sont sur la table depuis près de trois ans. Comme on n'a pas fini le round, ça reste sur la table et n'entre pas en vigueur." L'idée d'accords limités n'est pas nouvelle. Fin 2003, Pascal Lamy, alors commissaire européen au Commerce, défendait déjà le concept d'accords plurilatéraux, c'est-à-dire entre un groupe restreint de pays. Certains pays sont objectivement prêts à aller plus loin dans la libéralisation des marchés que d'autres, qui sont plus récalcitrants. Dans ce contexte, une OMC à deux vitesses pourrait alors être la solution pour faire avancer le Cycle de Doha. "Il faut sans doute se reposer la question d'une organisation du débat entre 153 pays sur tous les sujets commerciaux. C'est devenu impossible", avait estimé cette fin de semaine la secrétaire d'Etat française au Commerce, Anne-Marie Idrac.