Les derniers employés sud-coréens du site industriel intercoréen de Kaesong devaient rentrer chez eux hier, un départ inédit qui fait planer la menace d'une fermeture définitive du complexe devenu le reliquat d'une diplomatie économique sacrifiée aux tensions militaires. Séoul a décidé d'évacuer Kaesong, situé en territoire nord-coréen à 10 kilomètres de la frontière, après le rejet par la Corée du Nord d'une offre de dialogue destinée à sortir de l'impasse et à sauver des dizaines de milliers d'emplois. Un premier contingent de 126 personnes, dont un Chinois, a franchi samedi le point de contrôle de Paju, sur la ligne de démarcation entre les deux Corées, à bord de véhicules chargés d'équipements divers. La cinquantaine de personnes encore présentes sur ce site (principalement des fonctionnaires qui le gèrent ainsi que des ingénieurs en télécoms et en électricité) devaient rentrer hier, mais leur retour était retardé par des discussions de dernière minute sur des questions administratives, selon le ministère de l'Unification. Nous avons notifié à la Corée du Nord le retour prévu de 50 personnes aujourd'hui (lundi) mais nous n'avons toujours pas reçu son accord, a indiqué le porte-parole du ministère, Kim Hyun-Seok. Samedi, le feu vert des Nord-Coréens leur était parvenu 30 minutes avant l'heure prévue du départ. Le Nord a une nouvelle fois, hier, imputé la responsabilité de la Crise à la Corée du Sud en la mettant en garde contre des mesures décisives et cruciales s'il continue d'essayer d'aggraver la situation. Après le gel des relations bilatérales en 2010, Kaesong est toujours resté ouvert, à de rares et brèves exceptions près. Mais depuis le 3 avril, le Nord interdit aux Sud-Coréens l'accès à ce complexe, pourtant source essentielle de devises pour le régime isolé de Kim Jong-Un. Le 8 avril, il en a retiré ses 53.000 employés à un moment où les tensions étaient très vives sur la péninsule et où Pyongyang multipliait les menaces d'attaques nucléaires contre la Corée du Sud et son allié clé, les Etats-Unis. Le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Yun Byung-Se a assuré lundi que la fenêtre de dialogue restait ouverte au sujet de Kaesong mais il faudra faire vite, nombre d'observateurs considérant que Kaesong risque de ne pas se relever d'un abandon prolongé des machines et de la perte des clients. Une fois que le complexe sera mort, le Nord va évidemment y redéployer ses troupes et on sera de retour à la situation militaire qui prévalait avant la création de Kaesong, avec des batteries d'artillerie menaçant Séoul, estime Yang Moo-Jin, professeur à l'université des études nord-coréennes de Séoul. Le site est né dans le sillage de la diplomatie du rayon de soleil, menée par la Corée du Sud de 1998 à 2008 aux fins d'encourager les contacts entre les deux frères ennemis qui restent techniquement en guerre puisque la Guerre de Corée (1950-53) s'est terminée par un armistice et non par un traité de paix. Pyongyang s'est engagé dans une logique de confrontation avec Séoul et Washington après le vote à l'ONU d'un nouveau train de sanctions répondant au troisième essai nucléaire effectué par la Corée du Nord en février dernier en dépit de ses obligations internationales. Kaesong reste ainsi fermé et menacé de faillite alors que, avec un chiffre d'affaires de 469,5 millions de dollars US en 2012 (360 millions d'euros), il constitue une manne en termes d'emploi, d'impôts et d'apport en devises étrangères pour la Corée du Nord où tout manque. La Corée du Nord connaît des pénuries alimentaires chroniques en raison d'une très mauvaise gestion agricole, des intempéries, d'un ralentissement de l'aide internationale et des importantes dépenses militaires. Au milieu des années 90, une famine avait entraîné la mort de jusqu'à deux millions de personnes, selon les ONG et l'ONU.