La pièce "Arfia fi samt El-leil" (Arfia dans le silence de la nuit), produite par le Théâtre régional de Bejaia, a constitué l'un des moments forts des 4èmes Journées théâtrales maghrébines qui se tiennent depuis deux jours à Batna. Le remarquable jeu en solo de la comédienne Djouhra Deraghla a été chaleureusement ovationné par l'assistance qui a apprécié le caractère audacieux de cette pièce qui met à bas les tabous en abordant avec intelligence le drame du viol des femmes par des groupes terroristes au cours de la décennie noire. Souillée dans son honneur dans la nuit de la fête de l'Aïd El Adha, Arfia est le symbole de la résistance des femmes algériennes face aux forces de l'obscurantisme au cours de cette période tragique de l'histoire de l'Algérie. L'assistance, émue aux larmes, est tenue en haleine durant tout ce spectacle qui raconte l'histoire tragique d'Arfia dont la famille a été exterminée par les hordes terroristes, et son rejet par les habitants de son village qui avaient honte de la compter parmi les leurs et honte de "l'enfant des monstres" qu'elle portait dans son ventre. A la fin du monodrame, toute la salle s'était levée pour applaudir l'actrice et, à travers elle, toutes les femmes violées et contraintes à souffrir en silence, de leur condition, mais également de leur rejet par leur entourage. Hocine El Ouenas, journaliste et féru de théâtre, a affirmé, au terme de cette pièce écrite par Omar Fetmouche, que la réussite de cette "œuvre majeure" tient dans le fait qu'elle a réussi à "ouvrir sans complexe aucun le débat sur une question douloureuse, restée longtemps taboue et passée sous silence". Dans une déclaration, Djouhra Deraghla a affirmé avoir vécu de manière "émotionnelle" son interprétation de cette pièce. "Je me suis évertuée, a-t-elle souligné, à rendre fidèlement toute la souffrance éprouvée par les femmes victimes d'un viol". L'histoire d'Arfia est la "véritable histoire d'une jeune femme prénommée Yasmine, violée puis chassée par les siens de son village, subissant la double punition du viol et du rejet social", dira l'actrice avant d'ajouter que l'accueil du public lui a "apporté plus de force" pour son jeu, et affirmé "s'être sentie dans la peau d'Arfia". Selon Mourad, un spectateur d'une quarantaine d'années rencontré au sortir de la salle, "la pièce a abordé un tabou et a réussi à mettre le doigt sur un drame souvent tu". Les spectacles présentés dans le cadre des Journées maghrébines du théâtre drainent chaque soir depuis le 17 juin dernier, un public nombreux, composé notamment de familles, au Théâtre régional de Batna.