Tragédie - Le drame des femmes enlevées et violées dans les maquis terroristes, durant «les années de braise», a résonné, hier, sur les planches du Théâtre régional de Béjaïa (TRB), telle une déchirure. Cette résonance a rappelé les tragédies endurées et les destins brisés de toutes celles qui en ont été victimes. En montant Arfia fi samt El-leil (Arfia dans le silence de la nuit), un monodrame joué en solo par la comédienne Soussou, Omar Fetmouche, (auteur et metteur en scène) a tenu, à la veille de la célébration du 8 Mars et du Festival national du théâtre féminin d'Annaba, à rendre hommage à la femme algérienne. M. Fetmouche a aussi voulu briser le silence, autour de cette page sombre, «certes, dépassée, mais dont les stigmates sont encore vivaces», a-t-il dit. «La tendance, le retour de la paix aidant, est à l'oubli. Mais les blessures sont toujours là», a-t-il observé, estimant que «le temps est venu de se tourner vers ces femmes et leurs enfants abandonnés». «C'est un devoir de mémoire», a précisé Omar Fetmouche. Sa chronique le rappelle fort bien, en mettant en évidence le parcours de Arfia, mi-femme, mi-enfant, enlevée, violée, engrossée par des hordes terroristes, mais, ironie perfide de l'histoire, a dû subir la honte, la pleutrerie, les sarcasmes et enfin le rejet de ses congénères, une fois libérée. Une histoire poignante, tirée du réel, rendue encore plus belle par le jeu admirable et la prestation de la comédienne Soussou, une transfuge du théâtre de Batna, qui a littéralement coupé le souffle au public. «Elle a assuré au-delà de toute attente», se réjouit Omar Fetmouche, content de la comédienne qui a donné à la pièce «sa vraie dimension», un réquisitoire dramaturgique, qui, au-delà des faits de la trame, dénonce «les violences infligées aux femmes» et rend aussi hommage, à leur résistance, leur ténacité, et leur courage. La chute du texte, tout en parabole, se referme, en effet, sur la décision de Arfia de mener à terme non seulement sa grossesse, mais d'enfanter à l'intérieur de son village au péril de sa vie, menacée par des habitants honteux, croyant qu'elle est porteuse d'un enfant monstre, effrayés à l'idée du retour et des représailles de ses violeurs et surtout jaloux du petit confort de leurs chaumières. Une pièce forte, bavarde, manifestement relevée par l'accompagnement subtil de sons de guitare sèche, dont la distillation appropriée par la musicienne Rahima Khalfaoui, a ajouté au choc des scènes et des mots. - Notons que cette pièce participera à la 2e édition du Festival national du théâtre féminin prévu du 1er au 7 mars à Annaba. Une dizaine d'œuvres seront présentées en compétition officielle de la seconde édition du Festival national de la production théâtrale féminine, qui se tiendra à Annaba du 1er au 7 mars prochain. Les théâtres régionaux de Guelma, Béjaïa et Batna seront représentés sur la scène du Théâtre régional Azzedine-Medjoubi de Annaba ainsi que six autres coopératives, associations et troupes de théâtre indépendantes, comme le théâtre Mosaïque de Sidi Bel Abbes qui présentera la pièce Maya. Neuf pièces au total seront présentées au jury, présidé par Ibrahim Noual. Le programme de cette édition comprendra aussi des rencontres sur «l'apport féminin en 50 ans de théâtre algérien» et des ateliers sur le conte et l'art de la narration. Après une première édition dédiée à la défunte Aïcha Adjouri, héroïne du film Le vent des Aurès, connue sous son nom d'artiste Keltoum, le second festival rendra hommage à la comédienne Wafia Belaarbi, disparue en 1998. Une exposition de photographies sur l'œuvre de Wafia Belaarbi, membre de la troupe du FLN avant de rejoindre le Théâtre national algérien où elle a joué dans les pièces d'Ould Abderrahmane Kaki et Abdelkader Alloula, est aussi prévue en plus de l'exposition «Femme et théâtre» organisée par le TNA. Considéré comme une opportunité pour promouvoir et évaluer le parcours des femmes du le 4e art, ce festival connaîtra également trois représentations hors compétition dont El Djamilate du Théâtre régional d'Annaba.