La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé, avant-hier, avoir décidé de laisser son principal taux d'intérêt directeur inchangé à 0,5%, son niveau historiquement le plus bas, un arbitrage sans surprise pour les analystes. En effet, les indicateurs récemment publiés pointent tous vers une reprise, bien que faible, de l'économie en zone euro au cours de la deuxième moitié de l'année, permettant à la BCE d'observer une pause dans ses mesures de soutien. "La BCE discutera peut-être de mesures de stimulation supplémentaires mais globalement la nécessité de telles mesures a diminué ce mois-ci", estimait Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg. Après l'amélioration de l'activité privée dans la zone euro en juillet annoncée la semaine dernière, les bonnes nouvelles ont en effet continué d'affluer, même si la prudence reste de mise. Ainsi, le taux de chômage a cessé de progresser en juin (tout en restant au niveau record de 12,1%) et l'indice de confiance des chefs d'entreprises et des consommateurs a continué de s'améliorer en juillet, atteignant son plus haut niveau depuis avril 2012. "Ces données encourageantes" soutiennent les prévisions de l'institution monétaire de Francfort (ouest) d'un redressement économique au cours du second semestre, a estimé Clemente de Lucia, économiste de BNP Paribas. Pour autant, et alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé mercredi qu'elle poursuivait sa politique de soutien exceptionnelle à la croissance, "nous ne nous attendons pas à ce que la BCE s'écarte de sa politique monétaire accommodante", ajoute-t-il, soulignant que "la reprise ne repose pas encore sur des bases solides". "En outre, les pressions de prix et de coûts sont absentes et l'inflation cette année et la prochaine sera bien en deçà de l'objectif de la BCE" de la maintenir proche mais inférieure à 2%. La hausse des prix est restée stable en juillet dans la zone euro, à 1,6%.
La zone euro va mieux mais la prudence reste de mise, selon la BCE La zone euro se porte mieux mais la prudence reste de mise, a souligné le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, répétant que son institution continuerait de maintenir ses taux bas aussi longtemps que nécessaire. Récemment, "les indicateurs de confiance ont montré une amélioration, partant de niveaux bas, et confirmé le scénario d'une stabilisation de l'économie", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse mensuelle de politique monétaire à Francfort (ouest). Toutefois, les ajustements en cours dans plusieurs pays, qui se traduisent par de grosses coupes budgétaires, "vont continuer à peser sur l'activité économique", a-t-il poursuivi, ajoutant que des "risques (continuaient) à peser" sur celle-ci, dont le danger d'une évolution de la demande mondiale et en zone euro inférieure aux attentes. Tant que la situation économique restera fragile, et que les prévisions d'inflation continueront à être modérées, la BCE maintiendra ses taux bas, a promis M. Draghi, répétant sa profession de foi du mois dernier, quand la BCE a rompu avec sa tradition de ne pas se prononcer sur ses décisions futures. Cet engagement ("forward guidance"), sur le modèle de ce que pratiquent les autres grandes banques centrales mondiales, sera "valable jusqu'à nouvel ordre", a précisé jeudi M. Draghi. Les données économiques devront toutefois être "significativement meilleures" avant de tourner casaque, a-t-il dit, prévenant aussi que la "guidance" ne serait pas forcément répétée chaque mois. Cette résolution a toutes les chances d'être mise à mal par la séance de questions des journalistes, souligne Holger Schmieding, économiste à la banque Berenberg.
"De gros progrès" en zone euro Pour l'heure, confortée par le soubresaut observé en zone euro, la BCE a décidé de maintenir son principal taux d'intérêt directeur inchangé à 0,50%, son plus bas niveau historique en vigueur depuis mai. Contrairement au mois dernier, la question d'une baisse de taux n'a pas même été évoquée par le conseil des gouverneurs, a affirmé M. Draghi. Pour lui, les politiques d'ajustement et d'amélioration de la compétitivité menées en zone euro portent leurs fruits. "De manière générale, de gros progrès ont été faits depuis l'an dernier", a-t-il ajouté, estimant que les responsables de la zone euro y avaient une grande part. Le programme de rachat de dette publique de la BCE, l'OMT, qui sans avoir jamais été mis en oeuvre a ramené le calme sur les marchés financiers, n'est pas "la réponse à tous les problèmes", a-t-il souligné. Le patron de la BCE a évoqué la possible publication des comptes-rendus des réunions de son conseil des gouverneurs, une mesure qui permettait une communication plus transparente de l'institution, et suivrait là encore l'exemple d'autres banques centrales. Toute décision devra être prise "de manière véritablement consensuelle" par les 23 membres du conseil des gouverneurs, soit les 17 patrons de banques centrales de la zone euro et les six membres du directoire, a-t-il estimé, précisant que celui-ci soumettrait une proposition aux gouverneurs "à l'automne". La publication de ces comptes rendus (jusqu'ici tenus au secret pour une période de 30 ans) ne représentera une "valeur ajoutée dans la communication" que si "elle ne menace pas notre crédibilité", a-t-il encore dit, mettant en garde contre une "politisation" des décisions de politique monétaire. Il a laissé entendre que les discussions ne seraient pas intégralement retranscrites. Tout cela suggère que "la BCE ne publiera pas de procès-verbaux attribuant certains propos ou votes individuellement", en conclut Holger Schmieding. Cela devrait rassurer le prédécesseur de M. Draghi à la tête de la BCE, Jean-Claude Trichet. Dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Die Zeit jeudi, ce dernier s'inquiète que la BCE ne parle plus "d'une seule voix".