La Russie est entrée dans une période de stagnation économique, mais pas en récession, a estimé, avant-hier, le ministre du Développement économique, après la publication de chiffres de croissance très décevants. Il n'y a pas de récession. Et il n'y en aura pas, a déclaré Alexeï Oulioukaev dans un entretien publié par le quotidien Kommersant. Une stagnation, probablement, le terme est approprié, a-t-il ajouté, jugeant le rythme de la croissance très bas. Dans des déclarations à la presse, il s'est montré plus nuancé quant à la possibilité d'une récession: Ce risque existe, mais le travail de la politique économique, c'est de bien prendre en compte le risque. J'espère que nous apporterons cette réponse, a-t-il expliqué. Le produit intérieur brut du pays a augmenté de 1,2% au deuxième trimestre par rapport à la même période un an plus tôt, après 1,6% au premier, selon une première estimation publiée, vendredi dernier, par l'institut fédéral Rosstat. Il s'agit de la plus faible croissance enregistrée par la Russie depuis la récession de 2008-2009. Le gouvernement attendait au contraire une accélération à 1,9% et a indiqué, vendredi dernier, qu'il pourrait revoir à la baisse sa prévision pour l'année, actuellement à 2,4%, après 3,4% en 2012 et 4,3% en 2011. M. Oulioukaev a cependant jugé lundi, cité par les agences russes, qu'il ne voyait pas de raison de revoir cette prévision. Au second semestre, beaucoup de facteurs nous permettent de dire que les résultats seront meilleurs qu'au premier grâce à la production industrielle, a-t-il expliqué. Les analystes de Capital Economics ont jugé les statistiques du deuxième trimestre cohérentes avec une entrée de l'économie en récession au cours du premier semestre. Ils estiment en effet que ces faibles taux de croissance en glissement annuel correspondent à des taux négatifs d'un trimestre sur l'autre. A elles seules, les exportations de la Russie ne peuvent plus constituer un facteur important de croissance, mais elles peuvent complètement garantir pendant de nombreuses années des taux de croissances peu élevés, mais positifs, a relevé dans Kommersant Alexeï Oulioukaev. La plupart des économistes mettent le ralentissement actuel sur le compte de la crise en zone euro, où se trouvent les principaux partenaires commerciaux de la Russie, ainsi que sur la baisse des investissements. Le prédécesseur du ministre, Andreï Belooussov, qui a rejoint fin juin le Kremlin comme conseiller économique, avait brandi à plusieurs reprises le risque d'une récession d'ici à la fin de l'année, faute de mesures de relance. Depuis, Vladimir Poutine a annoncé fin juin un programme de grands travaux de plus de dix milliards d'euros, comprenant des lignes de chemin de fer à grande vitesse. Il a aussi décrété une amnistie des délits économiques et financiers pour encourager les investisseurs effrayés par le système judiciaire russe, souvent accusé d'être instrumentalisé. Pour les analystes de VTB Capital cependant, les chiffres publiés vendredi montrent que des mesures de relance auraient dû être adoptées au début de l'année pour empêcher la croissance de la demande intérieure de ralentir à un niveau inférieur à son potentiel. Ces économistes ont revu à la baisse leur prévision de croissance pour 2013 à 1,7% en raison des faibles performances du premier semestre ainsi qu'à la réticence de la banque centrale à assouplir sa politique monétaire et au retard pris dans les dépenses d'infrastructures. Vendredi, la banque centrale a annoncé le maintien de son principal taux directeur à 8,25%, niveau auquel il est fixé depuis septembre 2012. L'institution a relevé la détérioration de la situation économique mais a souligné vouloir garder la hausse des prix sous contrôle. Selon les économistes d'Alfa Bank, les pressions actuelles sur le rouble russe (au plus bas depuis quatre ans face à l'euro, autour de 44 roubles pour un euro, ndlr) constituent un argument en défaveur d'un assouplissement monétaire. En réduisant ses taux, la banque centrale risque de réduire encore l'attractivité du rouble et de lui faire perdre encore de la valeur, ce qui augmenterait les prix des produits importés.