Le conflit opposant l'armée et les islamistes en Egypte a scindé le monde musulman en deux groupes belligérants, a écrit, hier, le quotidien russe Kommersant. L'Arabie saoudite et ses partenaires du Golfe soutiennent les militaires qui ont renversé le président Mohamed Morsi et leur ont accordé une aide d'urgence de 12 milliards de dollars. Dans l'autre camp on retrouve les alliés proches de Morsi : le Qatar et la Turquie. Ces derniers considèrent son renversement comme un coup d'Etat et accusent l'armée d'avoir fusillé des manifestants pacifiques. Al-Qaïda et les talibans tiennent des propos similaires et estiment que le renversement de Morsi est un "crime contre l'islam". Le roi saoudien Abdallah et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se sont notamment affrontés dans un duel verbal au sujet de l'Egypte. Lors d'un rassemblement de soutien aux islamistes égyptiens, Erdogan a comparé Abdel Fattah al-Sissi, ministre de la Défense saoudien, au président syrien Bachar al-Assad. "Les deux ont perdu conscience et tuent des gens dans les mosquées", a-t-il lancé. Le roi saoudien Abdallah a déclaré à son tour qu'il soutenait l'armée égyptienne dans sa lutte "contre le terrorisme" et exigé des pays étranger qu'ils arrêtent de s'ingérer dans les affaires intérieures de l'Egypte. A première vue, il semble paradoxal que les wahhabites saoudiens se rangent du côté des militaires égyptiens, partisans du modèle laïc : ils sont bien plus proches idéologiquement de l'islamiste Mohamed Morsi. Mais les notions géopolitiques ont pris le dessus sur les motivations religieuses : les Frères musulmans égyptiens s'orientaient trop ouvertement vers le Qatar - un concurrent stratégique de l'Arabie saoudite qui prétend au leadership dans le monde arabe. Si le régime de Morsi subsistait principalement grâce à l'argent qatari, les militaires qui lui ont succédé sont entretenus financièrement par les Saoudiens et leurs alliés du Golfe. L'Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis ont accordé aux nouvelles autorités égyptiennes 12 milliards de dollars. Et après les affrontements sanglants entre l'armée et les islamistes la semaine dernière, Ryad a envoyé au Caire trois hôpitaux militaires mobiles. Le Qatar, au contraire, continue de considérer Morsi comme le dirigeant légitime de l'Egypte et la chaîne qatarie Al-Jazeera couvre les événements avec une sympathie ouverte pour les Frères musulmans. La position du premier ministre turc est tout aussi claire : Ankara et le Caire sont en guerre diplomatique. Les deux pays ont échangé des propos austères sans précédent, rappelé leurs ambassadeurs et annulé tous les exercices navals conjoints prévus pour octobre. De leur côté, la Turquie et la Qatar ont trouvé un allié inattendu dans la question égyptienne : les talibans. Dans un communiqué au nom de l'Emirat islamique d'Afghanistan, les talibans ont exigé le retour au pouvoir de "l'élu légitime du peuple, Mohamed Morsi" et ont accusé les militaires d'avoir utilisé la force contre des manifestants pacifiques. Al-Qaïda a également exprimé son soutien à plusieurs reprises aux Frères musulmans égyptiens. Ses combattants ont rejoint les manifestants du Caire il y a trois semaines en promettant de partager leur expérience des opérations militaires. Pour le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, la lutte contre les nouvelles autorités égyptiennes est devenue une affaire familiale. Le week-end dernier son frère Mohamed al-Zawahiri, qui dirige le jihad islamique égyptien, a été arrêté. A l'époque de Hosni Moubarak, le plus jeune des frères Zawahiri avait passé 14 ans en prison, condamné pour complicité dans l'assassinat du président Anouar el Sadate en 1981. Après le renversement de Moubarak il s'était fait remarquer devant l'ambassade de France au Caire en organisant une manifestation contre l'opération antiterroriste de Paris au Mali. Dans ce contexte, les déclarations des hommes politiques européens exigeant de libérer les islamistes arrêtés semblent très étranges. Aujourd'hui, les ministres des Affaires étrangères de l'UE doivent se réunir pour évoquer la situation. A l'issue de cette rencontre on saura à quel point les Européens sont déterminés et quelles mesures ils sont prêts à adopter contre les militaires qui violent les droits de Zawahiri et d'autres "représentants de la société civile égyptienne".
Téhéran appelle à un règlement pacifique Le nouveau ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a exhorté les autorités égyptiennes à surmonter l'instabilité qui touche le pays de manière pacifique, dans le respect des normes démocratiques, lit-on sur le site Web officiel de la diplomatie iranienne. Le ministre iranien s'est dit préoccupé par les "événements tragiques qui ont entraîné la mort de nombreux innocents" et a exhorté "les autorités égyptiennes à favoriser le règlement pacifique du conflit dans le cadre d'un processus démocratique afin de mettre un terme au meurtre de citoyens et à l'effusion de sang et ce pour éviter l'escalade ultérieure du conflit", indique la source. M. Zarif a antérieurement appelé l'Organisation de la coopération islamique (OCI) à agir d'urgence afin de juguler la montée des violences en Egypte.
Les groupes japonais évacuent leurs employés Les sociétés japonaises suspendent les activités de leurs filiales égyptiennes et entament l'évacuation de leurs employés, a rapporté, hier, la chaine de télévision japonaise NHK. Ainsi, les groupes automobiles Toyota et Suzuki ont suspendu le travail de leurs usines d'assemblage situées au Caire. Le géant électronique Sony a transféré ses employés d'un bureau se trouvant dans le centre de la capitale égyptienne vers des locaux temporaires à proximité de l'aéroport cairote. Dimanche 18 août, Tokyo a recommandé à ses ressortissants se trouvant en Egypte de quitter le pays et déconseillé tout voyage dans le pays.
36 détenus islamistes morts Les 36 détenus islamistes égyptiens morts la veille au cours d'une tentative d'évasion pendant leur transfert vers une prison près du Caire ont péri asphyxiés par les gaz lacrymogènes utilisés par les policiers, a annoncé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. Il s'agit de 36 Frères musulmans, la confrérie islamiste du président Mohamed Morsi destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet, avait auparavant indiqué le ministère. Les manifestations des pro-Morsi sont dispersées dans le sang depuis cinq jours et un millier d'islamistes ont été arrêtés. Le convoi transportait plus de 600 Frères musulmans et sympathisants du Caire vers une prison de la banlieue de la capitale égyptienne. Certains d'entre eux ont enlevé un officier de police en tentant de s'évader, selon le ministère. Trente-six sont morts asphyxiés ou écrasés après que la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour empêcher l'évasion, lit-on dans le communiqué.
Au moins 24 policiers tués dans une attaque au Sinaï Au moins 24 policiers ont été tués, hier, par une attaque à la roquette contre leur convoi dans le Sinaï, l'attentat le plus meurtrier contre les forces de l'ordre depuis des années en Egypte, ont annoncé des sources médicales et de sécurité. Les assaillants, soupçonnés d'appartenir à la mouvance radicale islamiste, ont attaqué les deux minibus de la police alors qu'ils se dirigeaient vers la ville de Rafah, où se trouve le point de passage vers la bande de Gaza, selon ces sources. Cette attaque, la plus meurtrière ayant visé les forces de l'ordre dans cette région depuis plusieurs années, intervient sur fond de grave crise politique en Egypte. Cette péninsule essentiellement désertique est majoritairement peuplée de bédouins aux relations difficiles avec le pouvoir central, et des groupes islamistes radicaux en ont fait une base arrière, tandis que des trafiquants en tous genres tentent de profiter de sa longue frontière avec Israël. En juillet, l'Egypte avait déployé des forces supplémentaires dans la péninsule pour lutter contre les groupes radicaux.
le Passage de Rafah fermé L'Egypte a fermé, hier, le poste de passage de Rafah vers la bande de Gaza, après la mort d'au moins 24 policiers au Sinaï dans l'attentat le plus meurtrier contre les forces de l'ordre depuis des années, a annoncé un responsable à la frontière. Le ministère égyptien de l'Intérieur a accusé des terroristes d'avoir mené l'attaque à la roquette qui a visé deux minibus de policiers se dirigeant vers la ville de Rafah. L'Egypte est secoué depuis plusieurs jours par des affrontements opposant les partisans du président déchu Mohamed Morsi à l'armée. Plus de 750 personnes sont mortes depuis le début des heurts. Un millier d'islamistes ont été arrêtés.