Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est rendu à Moscou pour tenter de convaincre les autorités russes de soutenir, au Conseil de sécurité des Nations unies, le projet français de résolution sur la Syrie, a écrit, hier, le quotidien Kommersant. Ce document devrait reposer sur les accords russo-américains pour le contrôle international des armes chimiques syriennes. La veille Paris, Washington et Londres ont annoncé qu'ils chercheraient à faire adopter la version sévère de la résolution, qui n'écarte pas l'éventualité d'utiliser la force contre Damas. Quant au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, il a annoncé que le document ne devait faire aucune référence à l'utilisation de la force en Syrie. A l'issue de son entretien avec Laurent Fabius, Sergueï Lavrov a déclaré que la Russie et la France voyaient différemment l'approche du règlement du conflit syrien : "Il n'y a pas de différends concernant l'objectif final - stopper l'effusion de sang et rétablir la paix en respectant la souveraineté du pays. Moscou et Paris sont d'accord sur cet objectif mais divergent sur les moyens d'y parvenir". Les nouveaux différends entre la Russie et la France résultent de la publication du rapport de l'Onu sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie. Fabius a déclaré que "le rapport des experts ne laisse aucun doute sur le fait que les autorités syriennes sont responsables de l'utilisation des armes chimiques". Sergueï Lavrov a contré son homologue en disant que ce rapport ne répondait pas à certaines questions - par exemple comment a été fabriqué le projectile : dans une usine d'Etat ou de manière artisanale. Lavrov a invité les inspecteurs de l'Onu à présenter un rapport définitif après l'enquête sur les nouveaux cas d'utilisation de l'arme chimique avant d'ajouter que l'attaque du 21 août à Ghouta aurait pu être une provocation. "Nous avons de sérieuses raisons de croire qu'il s'agit d'une provocation. Certains de nos partenaires ont affirmé que seul le régime a pu utiliser l'arme chimique mais la vérité doit être établie", a déclaré Sergueï Lavrov. La veille Paris, Londres et Washington ont affirmé que les autorités syriennes étaient responsables de l'utilisation des armes chimiques. Plus tôt, les trois pays avaient déclaré à maintes reprises qu'ils ne faisaient pas confiance au régime syrien concernant le placement des armes chimiques sous contrôle international, qui devra être mis en place conformément à l'entente convenue à Genève entre Lavrov et son homologue américain John Kerry. Ce pacte Lavrov-Kerry est destiné à poser les bases de la prochaine résolution du Conseil de sécurité de l'Onu sur la Syrie. La visite de Laurent Fabius à Moscou a mis en évidence qu'il existait déjà des différends significatifs entre la Russie et l'Occident sur le contenu de ce document. Les opposants de la Russie insistent sur l'inclusion du scénario militaire contre Damas dans le texte de la résolution - au cas où les autorités syriennes violaient les accords de Genève. Mais Lavrov a assuré que la résolution ne ferait pas référence au chapitre VII de la Charte de l'Onu portant sur l'utilisation de la force. "En cas de refus de coopérer, d'obstacles ou de communiqués sur l'utilisation de l'arme chimique par qui que ce soit, le Conseil de sécurité examinerait la situation et ensuite, seulement, nous pourrions prendre une décision", a déclaré Lavrov. Pour l'instant, le principal objectif consiste à réaliser le plan de destruction des armes chimiques. A l'issue de l'entretien avec Laurent Fabius, Lavrov a déclaré que la réunion russo-américaine de Genève avait permis d'améliorer l'atmosphère pour convoquer une conférence de paix sur la Syrie Genève-2. "Nous sommes prêts à fixer la date, même demain, même aujourd'hui. Le gouvernement syrien est déjà prêt à envoyer sa délégation", a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères.
Un vice-ministre russe reçu par le président Assad Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov s'est entretenu, hier, à Damas avec le président syrien Bachar el-Assad, a annoncé le porte-parole de l'ambassade russe en Syrie Timour Petchatkine. "Sergueï Riabkov a rencontré aujourd'hui Bachar el-Assad", a déclaré le diplomate sans donner plus de détails. Avant-hier, M. Riabkov a eu pendant plusieurs heures des négociations avec le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem. Les diplomates ont notamment évoqué le plan russo-américain de placement des armes chimiques syriennes sous contrôle international. Le vice-ministre russe a qualifié de constructives ces négociations, indiquant que Damas faisait preuve de responsabilité sur la question du transfert des données sur ses arsenaux chimiques à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Il a aussi fait savoir que les autorités syriennes avaient transmis à Moscou de nouvelles pièces à conviction attestant l'utilisation d'armes chimiques par l'opposition armée.
Un accord pouvoir - opposition nécessaire La destruction des arsenaux chimiques syriens est une tâche complexe, mais réalisable à condition que Damas et l'opposition se mettent à la table de négociations, considère Ake Sellstrom, chef de la mission d'enquête de l'Onu sur l'emploi d'armes chimiques en Syrie, cité par la BBC. "Ce travail sera bien sûr complexe", a indiqué M. Sellstrom avant d'ajouter que le rapport de l'ONU sur l'attaque chimique perpétrée le 21 août près de Damas aurait, apparemment, convaincu les autorités syriennes de placer leurs arsenaux d'armes non conventionnelles sous contrôle international. Le 14 septembre à Genève, les chefs de la diplomatie russe et américaine, Sergueï Lavrov et John Kerry, sont parvenus à une entente sur le dossier syrien. Les parties ont notamment prôné le règlement politique du conflit syrien et la non-intervention armée dans ce pays et se sont entendues sur la destruction complète des stocks d'armes chimiques de Damas d'ici le milieu de l'année 2014. Cette entente devrait servir de base pour l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.