Les attaques inédites contre des installations électriques dans l'Etat mexicain du Michoacan, qui ont privé de courant 420 000 personnes ce week-end, ont été une démonstration de force locale d'un groupe du crime organisé et un défi à l'Etat fédéral mexicain, selon des sources locales et des analystes. Dans cette région troublée, l'Etat a, depuis mai, déployé massivement l'armée et la police pour contenir la violence générée par l'affrontement entre le cartel des Chevaliers templiers et des groupes armés d'autodéfense créés pour résister à ce groupe. Dimanche à l'aube, des membres d'un groupe criminel, pour l'instant non identifié officiellement, ont attaqué avec des armes de gros calibre et des cocktails Molotov plusieurs installations électriques dans la zone de Terra Caliente, perturbant pendant plusieurs heures l'alimentation énergétique de 14 localités. Ils ont aussi incendié six stations d'essence, dont quatre à Morelia, capitale du Michoacan. Aucun groupe n'a revendiqué ces actions, mais indubitablement il s'agit du crime organisé, a dit avant-hier à Radio Formula le secrétaire du gouvernement du Michoacan, Jaime Mares, sans citer une organisation en particulier. Une source du gouvernement fédéral sous couvert d'anonymat, a estimé que l'action était le fait des Chevaliers Templiers, notamment à l'intention des groupes d'autodéfense. Cette organisation se finance notamment par le racket à l'encontre de certains secteurs de la population avec des méthodes violentes tout en délivrant un discours teinté de références religieuses. Ces attaques ont été une démonstration de force des Templiers pour démontrer qu'ils sont partout, a dit Jorge Vazquez, leader du groupe d'autodéfense d'Aguililla, une localité de 17 000 habitants, longtemps un bastion des narcotrafiquants et qui fut privée d'électricité pendant 14 heures. Ce sabotage massif est intervenu quelques heures seulement après que quelque 300 membres de groupes d'autodéfense ont pénétré à Apatzingan, une ville de 120 000 habitants, bastion des Templiers, avec l'intention d'en reprendre le contrôle. Apatzingan est une zone stratégique de commercialisation des produits, principalement le citron, pour les agriculteurs de la région, a expliqué Hiplotio Mora, leader de l'autodéfense de la Ruana, première localité du Michoacan à s'être dotée de groupes d'autodéfense contre les narcotrafiquants.
Tactiques terroristes Pour Raul Benitez Manaut, expert en sécurité nationale de l'Université nationale autonome du Mexique (Unam), on est face à des tactiques terroristes dans la mesure où il s'agit d'une stratégie dirigée contre l'Etat. Ça s'est passé de manière coordonnée dans plusieurs points de l'Etat. Ils ont un très fort contrôle sur les cellules criminelles, bien entraînées dans tout cet Etat, selon Benitez Manaut. Ce week-end violent a été marqué par d'autres affrontements armés dans plusieurs points du Michoacan, avec un bilan de 7 morts, selon les autorités judiciaires. Le climat d'ingouvernabilité a été aggravé récemment par l'absence pendant plusieurs mois pour cause de maladie du gouverneur de l'Etat, Fausto Vallejo, membre du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir au Mexique. Le gouverneur est revenu mais, malgré les renforts fédéraux, les groupes d'autodéfense ont proliféré. Le gouvernement fédéral soupçonne certains de ces groupes d'autodéfense de recevoir de l'aide d'autres groupes criminels, qui cherchent à disputer le territoire aux Chevaliers Templiers, en particulier le groupe Nouvelle génération, implanté dans l'Etat voisin du Jalisco, où est situé Guadalajara, la deuxième ville du Mexique. Le Michoacan a été le premier Etat à accueillir des militaires lorsque l'ancien président Felipe Calderon décida de déployer des dizaines de milliers de soldats dans le pays pour lutter contre les cartels de la drogue, en 2006. Cette stratégie s'est soldée par environ 77 000 morts, selon le gouvernement de son successeur Enrique Peña Nieto.