Trois jours avant la fin du délai imparti, les autorités syriennes ont présenté à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) une déclaration détaillée sur leurs sites chimiques et ont formulé des propositions pour la destruction de leurs arsenaux chimiques, a écrit hier le quotidien “Nezavissimaïa gazeta”. En dépit des problèmes de sécurité qui les ont empêchés de visiter tous les sites, les experts de l'ONU et de l'OIAC ont, pour leur part, pratiquement terminé la destruction des moyens de production des armes chimiques dans le pays. Quel pays va maintenant accepter de prendre en charge la destruction des produits toxiques ? Pour l'instant, les voisins proches de la Syrie et les pays européens s'y sont refusés. La situation est donc dans l'impasse aussi bien sur le plan territorial que financier. Damas avait déjà envoyé à l'OIAC un inventaire préliminaire de ses sites chimiques mais cette nouvelle version de 714 pages est plus complète et détaillée. Les autorités syriennes ont donc déclaré 23 sites de 41 bâtiments, qui abritent 18 usines de production d'armes chimiques, 12 dépôts et 8 complexes mobiles pour remplir les plateformes de lancement avec des produits chimiques. Le rapport qu'Ahmet Uzumcu, directeur général de l'OIAC, a présenté au Conseil de sécurité des Nations unies mentionne la présence de 1 290 tonnes de produits chimiques et de précurseurs dans le pays, ainsi que de 1 230 vecteurs non armés - des missiles et des mines. Damas a également présenté jeudi un "plan général de destruction" dont le Conseil de sécurité prendra connaissance avant le 15 novembre. “Le New York Times” rappelle qu'en septembre, Washington avait annoncé que la Syrie disposait de 45 sites chimiques. D'après le journal, cette différence avec les données du rapport syrien pourrait s'expliquer aussi bien par l'aspiration de Damas à consolider ses arsenaux chimiques que par des manques dans la liste fournie. Quoi qu'il en soit, le département d'Etat la trouve "réaliste". Sur les 23 sites dévoilés par les autorités syriennes les inspecteurs internationaux n'ont pu en visiter que 21. Le but de l'inspection consistait à détruire les capacités de production des armes chimiques : les équipements - notamment les appareils pour remplir les ogives avec du sarin et d'autres produits toxiques, ainsi que les ogives elles-mêmes - ont été détruits avec des masses, des tronçonneuses et des bulldozers. Les deux sites restants se trouvent dans les zones de conflit et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a promis au Conseil de sécurité que les experts les inspecteraient dès que possible. Selon les accords, tous les équipements de production des armes chimiques doivent être détruits avant le 1er novembre 2013 et les armes chimiques d'ici l'été 2014. Le second objectif - détruire les produits toxiques existants - est bien plus complexe. Les autorités étudient plusieurs méthodes, dont l'incinération. Mais au-delà du "comment", la question est surtout de savoir "où" seront détruites les armes chimiques, en Syrie ou en dehors ? La guerre civile complique la mise en œuvre des deux scénarios. Selon l'OIAC, la destruction des armes chimiques est impossible en Syrie, mais il est extrêmement dangereux de transporter ces arsenaux. Selon les experts, il ne faut pas compter sur Israël, le Liban ou la Libye. Quant aux pays européens, la Norvège a décliné la semaine dernière la requête des USA, se référant à des restrictions juridiques et techniques. L'Albanie, la Belgique et la France ont une expérience en la matière mais ces pays n'ont pas encore donné leur accord. "Je pense qu'il n'y a aucune chance pour que ces armes chimiques soient détruites en Europe", note Rouslan Poukhov, directeur du Centre d'analyse stratégique et technologique. Selon lui, les pays de la CEI comme l'Ukraine ou la Biélorussie pourraient en prendre la responsabilité. Les voisins les plus proches (la Turquie, la Jordanie, le Liban) sont l'alternative optimale mais ils refuseront certainement cette mission en raison de leurs problèmes politiques intérieurs, analyse Rouslan Poukhov. Le problème a également un aspect financier. "Malheureusement ce projet requiert une immense somme d'argent. Certains Etats ont annoncé qu'ils pourraient apporter leur contribution dans cette affaire mais d'autres pays ont refusé en raison de certains obstacles à cette opération", a déclaré l'ambassadeur de Syrie en Russie, Riad Haddad.