Les ministres du Commerce des 28 Etats-membres de l'Union européenne (UE) ont approuvé récemment, lors de la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UE, un mandat autorisant la Commission européenne à entamer des négociations en vue d'établir un accord bilatéral d'investissement avec la Chine prévoyant la protection des investissements comme une mesure donnant un meilleur accès au marché pour les investisseurs des deux parties. Ces négociations étaient au programme du Dialogue économique et commercial de haut niveau Chine-UE effectué le 24 octobre à Bruxelles. Et selon un communiqué de l'UE, ces négociations devaient être conclues "au plus tard deux ans et demi après leur lancement", qui est prévu lors du prochain sommet Chine-UE en novembre prochain.
Un accord d'investissement Chine-UE bénéfique aux deux parties Sur fond de paralysie dans le cycle de Doha de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant la libéralisation des échanges, diverses négociations sur le libre-échange et les investissements bilatéraux ou régionaux se sont intensifiées à travers le monde. Souffrant des impacts concrets de la crise financière mondiale depuis 2008 et de ceux de la crise de la dette dans la zone euro depuis 2010, l'UE, la plus grande communauté économique au monde, devrait déployer davantage d'efforts pour encourager les investissements étrangers et le commerce et promouvoir la création d'emplois et la croissance économique afin de rétablir la confiance des marchés et de relancer l'économie. L'immense marché qu'offre la Chine, la deuxième économie du monde et le deuxième partenaire commercial le plus important de l'UE, fournirait d'énormes opportunités en la matière. En parallèle, la Chine , le plus grand pays en voie de développement qui a connu un léger ralentissement de sa croissance en 2012 et une atténuation progressive des retombées découlant de son adhésion à l'OMC il y a presque 12 ans, a également besoin de s'impliquer davantage dans l'établissement de nouveaux critères, règles et structures dans le domaine du commerce international pour rendre son système plus juste, plus ouvert et plus inclusif, de manière à renforcer son statut sur la scène économique mondiale. Les relations entre la Chine et l'UE ne cessent de se développer dans le domaine de l'investissement, mais elles affichent encore un énorme potentiel. Selon des statistiques publiées sur le site de l'UE, les flux commerciaux entre la Chine et l'UE sont impressionnants, les biens et des services échangés chaque jour entre les deux partenaires dépassant le milliard d'euros. Néanmoins, selon la Commission européenne, 2% seulement de l'investissement direct à l'étranger (IDE) de l'UE sont destinés à la Chine continentale, contre 30% aux Etats-Unis, et 1% seulement de l'IDE chinois arrive en Europe, alors que 20% sont destinés aux Etats-Unis. "Le lancement des négociations sur l'accord bilatéral d'investissement entre l'UE et la Chine correspond aux intérêts de chacun. Les deux parties se sont déjà mises d'accord, lors du 14e Sommet Chine-UE en février 2012 à Beijing, pour lancer les négociations sur un accord d'investissement Chine-UE favorisant et facilitant les investissements dans les deux sens", a indiqué Wang Bijun, expert de la Direction des études sur l'investissement international de l'Institut d'économie et de politique mondiales à l'Académie chinoise des sciences sociales. Il a également observé que l'avancée majeure obtenue au cours des négociations sur le traité bilatéral d'investissement Chine-Etats-Unis en juillet dernier (lorsque la Chine a accepté de négocier avec les Etats-Unis sur la base des règles de traitement national au stade du pré établissement (TNPE) avec une "liste négative") donnera sans aucun doute une impulsion aux efforts de l'UE dans le lancement des négociations avec la Chine.
L'accès au marché sera au cœur des négociations "A travers les négociations sur l'accord bilatéral d'investissement, l'UE viserait à assurer un assouplissement accru des conditions d'accès au marché chinois pour les investisseurs européens, à renforcer la transparence juridique et à relever des défis auxquels font face ces entreprises européennes en Chine", a expliqué Han Bing, un expert chinois spécialisé dans l'investissement international à l'Académie chinoise des Sciences sociales. Selon les données fournies par le ministère chinois du Commerce, jusqu'à la fin 2012, les investissements des entreprises chinoises en Europe ont totalisé 31,5 milliards de dollars américains qui ont couvert tous les Etats membres de l'UE, avec l'implantation de près de 2 000 entreprises et la création de plus de 42 000 emplois dans l'UE. A mesure qu'un nombre croissant d'entreprises chinoises sortent du pays pour investir en Europe, la Chine appelle à réduire les obstacles, et les barrières commerciales que rencontrent ces entreprises chinoises, notamment certaines entreprises publiques et celles liées aux secteurs sensibles, afin d'augmenter les investissements chinois en Europe", a poursuivi Mme Han. En outre, elle a souligné que l'actuel système de protection des investissements sino-européens manque de cohérence, et que la plupart des accords d'investissement signés entre la Chine et les Etats membres de l'UE dans les années 1980 ou 1990, qui sont tous différents, ne s'adaptent plus aux nouvelles tendances du développement de l'investissement international. "Aujourd'hui, la Chine, qui est déjà devenue le troisième plus gros investisseur à l'étranger dans le monde, doit accorder plus d'attention dans les négociations à la défense de ses intérêts, non seulement en tant que pays recevant les investissements mais également en tant que pays source. Dans cette optique, il est nécessaire pour la Chine et l'UE de conclure de nouveau un traité global en matière d'investissement, en vue d'élever les investissements et la coopération commerciale et économique bilatéraux à un niveau supérieur", a ajouté Mme Han. Comparées aux négociations sur le traité bilatéral d'investissement entre la Chine et les Etats-Unis qui ont démarré en 2008, les nouvelles négociations entre la Chine et l'UE devraient être confrontées à moins d'obstacles, prévoit Wang Bijun avant d'ajouter qu'il y aura certainement un long chemin à parcourir avant d'aboutir à un accord. Mme Wang a fait savoir que, dans les négociations, les conditions d'accès au marché constituait le plus grand défi pour la Chine. "Il est très probable que l'UE demande les mêmes conditions que la Chine a accordées aux Etats-Unis, à savoir le traitement national en matière de pré-établissement (TNPE) et la liste négative", a-t-elle indiqué.
Vers une nouvelle structure d'investissement internationale "Sur le plan mondial, alors que l'OMC réglemente les activités commerciales entre les pays, il n'y a pas encore de structure internationale qui gère les investissements", a fait remarquer Mme Wang Bijun. Elle a rappelé que les Etats-Unis se sont engagés, suite à la crise financière de 2008, à promouvoir activement les négociations sur le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) et le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) et qu'aucune de ces deux structures n'inclut la Chine. "Afin de sortir d'une position passive dans un ordre mondial d'investissement dominé par les Etats-Unis, la Chine doit participer activement à de nouvelles négociations sur l'investissement et le commerce internationaux et promouvoir l'établissement d'une nouvelle structure internationale de gestion des investissements", a proposé Mme Wang. "L'établissement d'un accord bilatéral d'investissement entre la Chine et l'UE contribuerait à accélérer dans une certaine mesure les négociations entre la Chine et les Etats-Unis, ce qui favorisera la constitution d'une nouvelle structure internationale triangulaire UE-Chine-Etats-Unis", a-t-elle souligné. En outre, l'UE et les Etats-Unis ont adopté le 10 avril 2012 sept principes d'investissement communs fondés sur l'utilité économique, qui garantisse le développement durable et la création d'emplois en encourageant la concurrence et l'innovation. "Il est également nécessaire pour la Chine de présenter sa propre position sur l'investissement international par le biais d'une plateforme comme un accord bilatéral avec l'UE, permettant de lui donner davantage de poids dans l'établissement de la structure internationale d'investissement", a affirmé Mme Wang.