Renault a signé cette semaine en Chine l'accord lançant sa coentreprise avec le constructeur Dongfeng, et entend prendre ainsi son essor sur "la nouvelle frontière" que représente pour lui le premier marché automobile du monde. La concrétisation de cette entreprise, attendue de longue date, intervient alors même que le rival de Renault, PSA Peugeot Citroën, a indiqué jeudi être en discussions avec Dongfeng, qui pourrait entrer au capital du français. Carlos Ghosn, P-DG de Renault, a vanté lundi "un rapprochement stratégique": Dongfeng a une incomparable connaissance du marché chinois", ce qui permettra à Renault d'"explorer de nouvelles frontières", a-t-il expliqué. Les deux groupes ont officialisé leur partenariat lors d'une cérémonie à Wuhan, capitale de la province centrale du Hubei, où la coentreprise sera basée. Les deux constructeurs avaient annoncé le 5 décembre avoir reçu pour leur projet le feu vert des autorités. Renault était le seul parmi les dix plus grands constructeurs automobiles du monde à ne pas assembler de véhicules en Chine. "Or, si vous ne produisez pas en Chine, vous n'avez aucune chance de dépasser le demi-point ou point de parts de marché, nous en avons fait l'expérience", a indiqué M. Ghosn dans un entretien. Les deux groupes posséderont chacun 50% des parts de la nouvelle entité, fruit d'un investissement commun de 7,76 milliards de yuans (932 millions d'euros). La production, qui débutera en 2016, devrait être initialement de 150 000 voitures par an. L'usine de Wuhan assemblera dans un premier temps des 4x4 urbains, dont Renault écoule déjà quelques dizaines de milliers d'unités chaque année sur le marché chinois. Mais à terme, les deux groupes, qui mettront en place un centre de recherche et développement, projettent de développer des nouvelles technologies pour des voitures électriques et hybrides, et d'en produire de concert. "La Chine a le plus gros potentiel de croissance (pour les ventes automobiles)", et "parmi les plus grosses opportunités, il y a le développement de véhicules à faibles émissions, créneau sur lequel Renault est leader en Europe", a souligné M. Ghosn, insistant sur la "volonté forte" des autorités dans ce domaine. Si le Français compte sur son partenaire pour lui ouvrir les portes de la Chine, Dongfeng entend lui profiter du savoir-faire technologique de Renault en matière de véhicule électrique ou hybride. Avec Dongfeng, la marque au losange s'offre un partenaire de poids: avec 3,08 millions de voitures vendus en 2012 (16% du marché), il s'agit du deuxième constructeur chinois. Surtout, Dongfeng possède déjà depuis dix ans une coentreprise avec Nissan -- l'allié japonais de Renault, qui en est l'actionnaire majoritaire. Dongfeng-Nissan a prospéré en Chine, y occupant jusqu'à près de 8% de parts du marché, et se hissant parmi les dix premières marques du marché, avec 773 000 voitures écoulées en 2012. "Nous espérons un succès similaire", a assuré Xu Ping, président de Dongfeng, assurant que la coentreprise entre le constructeur chinois et Nissan "avait jeté des bases solides". "Nous gagnerons en compétitivité, et cela nous aidera dans notre développement à l'étranger", s'est réjoui M. Xu, soulignant que les trois constructeurs profiteraient tous des "synergies" au sein de ce "triangle d'or". Evoquant brièvement PSA Peugeot Citroën, le patron de Dongfeng s'est borné à rappeler le succès de leur coentreprise existante, qui devrait dépasser cette année les 550 000 véhicules produits. La Chine, où les ventes de voitures connaissent une croissance insolente, est considérée comme un marché crucial pour les constructeurs étrangers confrontés à une demande morose dans le reste du monde. Sur les onze premiers mois de 2013, les ventes de voitures ont grimpé de 13,5% sur un an, pour atteindre un total de 19,86 millions d'unités. La nouvelle alliance avec Dongfeng sera mise en place via la restructuration d'une coentreprise précédente entre Renault et China Sanjiang Space Group, dont les activités avaient été suspendue en 2003 en raison de ventes décevantes.