Le président soudanais, Omar el-Béchir, s'entretenait hier à Juba, avec son homologue sud-soudanais, Salva Kiir, des combats qui sévissent au Soudan du Sud depuis trois semaines, alors que tardent à s'ouvrir à Addis Abeba des pourparlers entre Juba et la rébellion sud-soudanaise. Le président Béchir a été accueilli lundi en fin de matinée à l'aéroport de la capitale sud-soudanaise par le vice-président sud-soudanais, James Wani Igga. Il n'a fait aucun commentaire à son arrivée et s'est rendu immédiatement au palais présidentiel. Le Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 du Soudan, est ravagé depuis le 15 décembre par des combats opposant les forces gouvernementales à une rébellion menée par l'ex-vice-président Riek Machar, limogé en juillet. M. Kiir accuse M. Machar de tentative de coup d'Etat. Le second nie et accuse le premier de vouloir éliminer ses rivaux. Les affrontements, qui se sont intensifiés dimanche, ont déjà fait des milliers de morts et près de 200 000 déplacés. Des massacres, meurtres, viols à caractère ethnique ont également été rapportés : le conflit revêt une dimension ethnique, les Dinka de M. Kiir contre les Nuer de M. Machar. La veille, le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères avait réaffirmé que son pays était soucieux de voir se poursuivre le processus politique visant à trouver une issue pacifique au conflit au Soudan du Sud. En décembre, M. Béchir avait déjà exprimé sa vive préoccupation face à la situation au Soudan du Sud. Son ministre de l'Information, Ahmed Bilal Osmane, avait affirmé que son pays redoutait que les champs pétroliers du Soudan du Sud soient touchés par les combats.
L'enjeu pétrolier Le Soudan du Sud a hérité de l'immense majorité des réserves pétrolières du Soudan d'avant sécession. Mais il reste entièrement dépendant du Soudan pour exporter et les taxes payées par Juba à Khartoum pour l'utilisation des oléoducs sont essentielles à l'économie soudanaise vacillante. Depuis l'accès à l'indépendance du Sud, les relations entre Juba et Khartoum ont elles-mêmes été source de nombreuses tensions. Elles ont mêmes débouché sur des affrontements frontaliers sporadiques en 2012 et 2013 dans des régions pétrolières disputées, qui ont fait craindre un retour d'une guerre à grande échelle entre les deux anciens ennemis. Avant la signature d'un accord de paix en 2005, suivi six ans plus tard par la partition du pays, une sanglante guerre civile a opposé Khartoum et une rébellion sudiste, désormais au pouvoir à Juba. Les relations entre les deux Soudans ont cependant connu une amélioration à la faveur d'une rencontre en septembre entre les présidents Kiir et Béchir, qui ont décidé de mettre en œuvre des accords sécuritaires et économiques. A Addis Abeba, des représentants du gouvernement de Juba et de la rébellion se sont rencontrés dimanche, avant l'ouverture attendue de négociations directes en vue d'un cessez-le-feu. Selon des diplomates, ces négociations devaient démarrer en milieu de journée dimanche, mais ont été retardées pour des questions de protocole. Dans la capitale éthiopienne, les pourparlers sont chapeautés par l'organisation régionale est-africaine Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement), qui multiplie les efforts diplomatiques pour tenter d'éviter à la jeune nation de sombrer dans la guerre civile. Comme preuve de bonne volonté, l'Igad a notamment demandé à Juba de libérer 11 détenus, alliés de Riek Machar et dont la plupart sont d'anciens hauts responsables du gouvernement. Sur le terrain, les combats se poursuivaient hier matin. L'armée soudanaise tente de reprendre aux rebelles la ville stratégique de Bor, capitale de l'Etat du Jonglei (est) qui a changé trois fois de mains depuis le début de la crise. Les forces pro-gouvernementales avançaient aussi vers Bentiu, capitale de l'Etat pétrolier d'Unité, également contrôlée par les rebelles.
Le président du CICR très préoccupé Le président du CICR Peter Maurer s'est déclaré hier très préoccupé par le sort de la population civile au Soudan du Sud en arrivant à Juba, la capitale. Il a affirmé que des dizaines de milliers de personnes continuent de fuir les combats. "Nous sommes très préoccupés par les conséquences des combats sur la population", a déclaré le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Juba. "Les besoins sont urgents dans plusieurs régions du pays. Nous sommes particulièrement alarmés par les violences visant des civils et des personnes ne participant plus aux hostilités", a-t-il ajouté, cité dans un communiqué publié à Genève. Le CICR lance un appel aux belligérants pour qu'ils épargnent les civils. Peter Maurer doit rencontrer jusqu'à jeudi des déplacés ainsi que les représentants des autorités et des organisations humanitaires.