La Banque d'Angleterre (BoE) pourrait modifier début février la trajectoire donnée en août à sa politique monétaire afin de prendre en compte la baisse plus rapide que prévu du chômage, a laissé entrevoir son gouverneur Mark Carney. Dans un entretien accordé depuis Davos à BBC Newsnight, le Canadien a indiqué que la banque centrale britannique procèdera en février, à l'occasion de la publication de son rapport trimestriel sur l'inflation et la croissance, à un "examen" de l'objectif du taux de chômage à 7% annoncé en août comme le déclencheur d'une réflexion sur un éventuel resserrement monétaire. L'institution a déjà reconnu à plusieurs reprises depuis cet été que le chômage refluait plus vite que prévu et allait poursuivre cette tendance pour atteindre 7% avant le deuxième semestre 2016, comme elle l'estimait initialement. En novembre, la BoE avait ainsi déjà revu sa copie en ciblant un retour à 7% dès le troisième trimestre 2015. Mais selon des chiffres publiés mercredi, le taux de chômage au Royaume-Uni a encore fortement diminué à 7,1% fin novembre, grâce à la vigoureuse reprise économique, alors qu'il s'inscrivait encore à 7,4% fin octobre. "Il est évident que les orientations (stratégiques, "forward guidance" en anglais) ne peuvent pas être maintenues sous leur format actuel", a estimé James Knightley, économiste chez ING. D'ailleurs, de plus en plus d'observateurs s'attendent désormais à ce que la BoE tire tout simplement un trait sur le principe d'une trajectoire tant ses prévisions se sont avérées trop conservatrices. M. Carney reconnaît pour sa part la nécessité d'un changement. Il a en effet déclaré vendredi lors d'un discours en marge du Forum économique de Davos que le CPM (Comité de politique monétaire de la BoE) allait "prendre en considération un éventail d'options pour mettre à jour (ses) orientations". La Réserve fédérale américaine (Fed), qui a inspiré la publication au Royaume-Uni de projections monétaires de long terme détaillées, a procédé à des ajustements de ses objectifs intermédiaires depuis le gel fin 2008 des taux américains proche de zéro. M. Carney avait quelque peu ébranlé la "Vieille dame" de Threadneedle Street, comme est surnommée la banque centrale, à peine un mois après avoir remplacé à sa tête le plus traditionnel Mervyn King, en mettant en place des objectifs intermédiaires et une trajectoire pour l'évolution du taux d'intérêt directeur au Royaume-Uni. "La façon dont la Banque d'Angleterre va mettre à jour ses orientations n'est pas encore claire, mais il semble qu'une communication renforcée va jouer un rôle majeur dans les efforts de la Banque visant à limiter les attentes d'une hausse des taux", a estimé Howard Archer, économiste chez IHS Global Insight. Le fait est que depuis cet été la reprise de l'économie britannique a dépassé les attentes de la Banque. Du coup, l'institution se retrouve à devoir "tenter de se mettre à niveau" avec les attentes bien plus élevées du marché, a relevé Kathleen Brooks, analyste chez Forex.com. En effet, les bons indicateurs poussent les économistes comme les opérateurs à prévoir une hausse anticipée des taux au Royaume-Uni, dès le premier trimestre 2015. Dans ce contexte, les responsables de l'institution continuent de marteler la position de la BoE. Pas moins de trois des neufs membres du Comité en plus du gouverneur, ont pris la parole depuis mercredi pour faire passer un seul et même message : celui d'un taux qui devrait rester figé encore un certain temps à 0,50%, niveau historiquement bas auquel il est fixé depuis mars 2009. Cette position reste on ne peut plus claire pour M. Carney: "il n'y a dans l'immédiat aucune nécessité de relever les taux d'intérêt". De plus, "même si le chômage se replie plus vite que prévu, la reprise a encore du chemin à parcourir avant qu'il ne soit approprié de penser à s'éloigner de la politique monétaire d'urgence" ultra-accommodante actuellement en place, a tempéré le gouverneur.