Le FMI s'est montré avant-hier moins optimiste pour l'économie mondiale qu'il y a trois mois en abaissant ses prévisions de croissance sur fond de tensions en Ukraine et de panne de confiance dans certains pays émergents. Après avoir gagné 3,0% en 2013, le produit intérieur brut (PIB) du globe devrait progresser de 3,6% en 2014 et de 3,9% en 2015, marquant dans les deux cas un léger repli de 0,1 point par rapport aux prévisions de janvier, selon les nouvelles projections du Fonds monétaire international. "Le renforcement de la reprise mondiale depuis la Grande Récession (en 2008, ndlr) est évident mais la croissance n'est pas encore solide à travers le monde et des risques continuent de peser sur les perspectives", résume l'institution. La crise actuelle en Ukraine et les tensions avec la Russie pourraient ainsi peser sur l'activité en alimentant "une nouvelle poussée d'aversion au risque" chez les investisseurs ou en occasionnant "d'importantes perturbations" dans l'acheminement et la production de gaz et de pétrole, relève le rapport. "Les risques géopolitiques ont augmenté même s'ils n'ont pas encore eu de répercussions macroéconomiques mondiales", a assuré le chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, lors d'une conférence de presse. La Russie, dont les prévisions de croissance sont déjà sabrées par le FMI (-0,6 point, à 1,3%.), risque de faire rapidement face à un "vaste mouvement de fuite de capitaux", a-t-il ajouté. Pour le reste, le Fonds salue la performance des Etats-Unis (2,8% de croissance attendus cette année) qui fournit "une impulsion majeure" à l'économie mondiale après avoir fait trembler la planète à la fin 2013 en raison de la paralysie budgétaire. Emergeant de la récession, la zone euro suscite elle aussi moins d'inquiétude et voit même ses prévisions relevées de 0,1 point en 2014 (1,2%) et 2015 (1,5%), tirées par l'Allemagne et, dans une moindre mesure, par la France. Selon le Fonds, les plans d'assainissement budgétaire - très contestés en Europe - devraient baisser de rythme, permettant de "porter" la croissance même si l'activité dans la région devrait rester "molle". "La déflation ou la faible inflation sont des sujets d'inquiétude pour la zone euro", a également noté M. Blanchard assurant que tout "devait être fait" pour l'éviter. Au risque d'irriter la Banque centrale européenne, le chef économiste du Fonds a ainsi appelé l'institution de Francfort à assouplir sa politique monétaire "dès qu'elle aura résolu ses problèmes techniques".
Fuite de capitaux Mais ce sont surtout les pays émergents qui concentrent les inquiétudes. Le Fonds craint de nouveaux reflux de capitaux hors de ces pays, après de violentes vagues en janvier et au printemps 2013 qui les ont déjà privés de sources de financement cruciales. "Les signes ne sont pas encore clairs mais il semblerait que le potentiel de croissance de plusieurs pays émergents ait diminué", a relevé M. Blanchard. L'enjeu est de taille: pays émergents et en développement comptent pour "plus des deux tiers" de la croissance économique mondiale, rappelle le FMI. "Beaucoup d'économies émergentes font face à un environnement externe bien moins clément", souligne le Fonds, ajoutant que ces tendances "pourraient s'intensifier" avec la perspective d'une normalisation progressive de la politique monétaire aux Etats-Unis. Deuxième économie mondiale, la Chine devrait en sortir relativement indemne, avec 7,5% de croissance toujours attendus cette année, marquant toutefois une légère décélération par rapport aux 7,7% atteints en 2013. "La probabilité d'un atterrissage difficile pour la Chine après un trop-plein d'investissement et le boom du crédit reste faible", explique le Fonds. Mais les autres pays émergents, qui sont déjà aux prises avec des "faiblesses et des vulnérabilités intérieures", devraient moins bien s'en sortir, selon le FMI. Le Brésil et l'Afrique du Sud voient ainsi leur prévision sabrée de 0,5 point cette année, respectivement à 1,8% et 2,3%. L'Afrique subsaharienne devrait, elle, voir sa croissance progresser de 5,4% cette année (contre 4,9% en 2013) portée par "une plus forte demande" des pays riches, même si l'expansion devrait être beaucoup moins forte que prévu (-0,7 point par rapport à janvier).