Les grandes manœuvres continuent sur le marché de la télévision payante aux Etats-Unis, avec la naissance annoncée d'un nouveau géant du secteur, issu de la fusion des opérateurs de télécoms AT&T et satellitaire DirecTV. La transaction en numéraire et en actions, validée dans la journée à l'unanimité par les conseils d'administration des deux groupes, prévoit qu'AT&T rachète DirecTV pour 95 dollars par titre, soit 48,5 milliards de dollars au total, selon un communiqué commun. Avec la reprise de dette, le montant arrive à 67,1 milliards. L'opération est une réponse à un autre mariage annoncé il y a trois mois et qui va rebattre les cartes sur le marché américain de la télévision payante: le premier câblo-opérateur du pays, Comcast, prévoit d'acquérir le numéro deux Time Warner Cable (TWC) pour 45,2 milliards de dollars (66,9 milliards avec la reprise de dette). AT&T est déjà, avec Verizon, l'un des deux poids lourds de la téléphonie mobile et fixe aux Etats-Unis. Il dispose aussi d'une offre de télévision, par fibre optique, mais reste jusqu'ici un assez petit acteur sur ce créneau avec seulement 5,7 millions d'abonnés revendiqués fin mars. Le rapprochement avec DirecTV lui donnerait une dimension vraiment nationale: il deviendrait numéro deux de la télévision payante aux Etats-Unis avec environ 26 millions de clients et un quart du marché, contre quelque 30 millions pour le nouvel ensemble Comcast-TWC. "C'est une opportunité unique, qui va redéfinir le secteur de la vidéo de divertissement et créer une entreprise capable de proposer de nouvelles offres combinées et d'apporter du contenu aux consommateurs sur de multiples écrans" tout en créant "de la valeur immédiatement et à long terme pour les actionnaires", fait valoir le P-DG d'AT&T, Randall Stephenson. AT&T s'attend à un effet positif sur son bénéfice par action dès la première année après le bouclage de la transaction, prévu d'ici douze mois, et chiffre les synergies à 1,6 milliards de dollars après trois ans.
Les consommateurs perdants ? Plusieurs associations de consommateurs se sont inquiétées dimanche soir de cette nouvelle fusion, réclamant un examen très attentif par les régulateurs américains. Les deux gros rapprochements successifs "pourraient être le début d'une vague de fusions qui devrait mettre les régulateurs fédéraux en alerte maximale", a notamment prévenu Delara Derakhshani, avocate de l'organisation Consumers Union, dénonçant le fait que "certains des plus gros acteurs du secteur se précipitent pour devenir encore plus gros" sur un marché où "les consommateurs sont déjà aux prises avec un mauvais service et des augmentations de prix". "Deux entreprises géantes ne se feront pas de concurrence, elles s'arrangeront l'une avec l'autre dans un secteur où les prix pour les consommateurs augmentent quatre fois plus vite que l'inflation. Préparez-vous à ouvrir vos portefeuilles", souligne aussi le site d'analyses 247wallst.com, qui ne voit "virtuellement aucune chance que les régulateurs américains rejettent les fusions". AT&T a été échaudé par le veto mis en 2011 par les autorités américaines à son projet pour racheter un plus petit concurrent dans la téléphonie mobile, T-Mobile USA (filiale de l'opérateur allemand Deutsche Telekom). Il a cette fois pris les devants. Pour amadouer les régulateurs américains, il annonce son intention d'utiliser les synergies permises par la fusion pour élargir son service d'accès internet à haut-débit à 15 millions de consommateurs, situés "essentiellement dans des zones rurales" n'y ayant actuellement pas accès. Il compte aussi céder sa participation dans l'opérateur de télécoms mexicain America Movil, propriété du magnat Carlos Slim, "pour faciliter la procédure d'approbation par les régulateurs en Amérique latine". Comcast et Time Warner avaient aussi pris leurs précautions: ils comptent rétrocéder 3,9 millions de clients à un autre câblo-opérateur plus petit, Charter Communications.