L'Irak a déposé une plainte auprès de la Chambre de commerce internationale contre la Turquie pour avoir commencé à livrer à l'étranger du pétrole du Kurdistan irakien sans l'autorisation de Bagdad, au risque d'envenimer les relations déjà tendues entre les deux pays. L'exportation de ce pétrole devrait également aggraver les différends entre les dirigeants de la région autonome kurde, dans le nord de l'Irak, et le gouvernement central irakien qui s'opposent sur le contrôle des exportations de brut: Bagdad estime que le pétrole appartient au pays tout entier, tandis qu'Erbil veut traiter directement avec des compagnies pétrolières. Ce dernier développement intervient au mauvais moment pour le Premier ministre irakien, le chiite Nouri al-Maliki, qui vise un troisième mandat. Son bloc est arrivé en tête aux législatives du 30 avril mais il aura vraisemblablement besoin d'un soutien des Kurdes pour rester au pouvoir. Le ministère du Pétrole de la République d'Irak a annoncé aujourd'hui qu'il a envoyé une demande d'arbitrage à la Chambre de commerce internationale (ICC à Paris) à l'encontre de la République de Turquie et de son opérateur (...) Botas, indique le ministère dans un communiqué. En transportant et stockant du brut du Kurdistan, et en le chargeant sur un tanker à Ceyhan, le tout sans l'autorisation du ministère irakien du Pétrole, la Turquie et Botas ont enfreint leurs obligations stipulées dans l'Accord sur l'oléoduc Irak-Turquie, ajoute-t-il. Le ministère a indiqué avoir demandé à l'ICC d'ordonner à la Turquie et au groupe public turc Botas de cesser tout chargement, tout transport et tout stockage non autorisé de brut, ajoutant qu'il souhaitait obtenir des dommages de plus de 250 millions de dollars. Plus tôt, le ministre turc de l'Energie Taner Yildiz avait indiqué que son pays avait commencé à livrer jeudi soir du pétrole pompé au Kurdistan et stocké dans le port méditerranéen de Ceyhan. C'est l'Irak qui vend et produit le pétrole et c'est l'Irak encore qui gérera les ventes futures, a cependant pris soin de souligner le ministre. Le gouvernement irakien insiste sur le fait qu'il est le seul habilité à exporter le pétrole, dont les recettes fournissent à l'Etat 95% de ses revenus. Un responsable turc, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a indiqué qu'Ankara n'avait pas été informé de la décision de Bagdad de déposer plainte auprès de l'ICC. Les relations entre l'Irak et la Turquie, qui ont connu une embellie depuis 2010, se sont ensuite nettement détériorées.
Prêts à négocier de 'bonne foi' Les deux pays ont notamment des vues divergentes au sujet du conflit en Syrie, Bagdad affichant sa neutralité et Ankara soutenant ouvertement les rebelles. Selon des diplomates, les dirigeants des deux pays entretiennent par ailleurs des relations personnelles tendues. L'exportation du pétrole du Kurdistan intervient malgré un engagement en mars de cette région d'exporter 100 000 barils de pétrole par jour à travers les oléoducs contrôlés par le gouvernement central, une mesure qui était destinée à apaiser les tensions. Les autorités kurdes, basées à Erbil, ont argué vendredi que les recettes des ventes seraient déposées dans la banque publique Halkbank, assurant qu'elles avaient agi de façon transparente. La région kurde continuera d'exercer ses droits d'exporter et de vendre du pétrole mais demeure engagée à négocier de bonne foi avec Bagdad pour parvenir à un accord complet sur le partage des réserves énergétiques, ont-elles indiqué. Bagdad et Erbil ont une série de sujets de désaccords, dont la question de savoir si des dirigeants kurdes sont habilités à signer des accords avec des compagnies pétrolières étrangères sans l'assentiment du gouvernement. Autre litige: la question de la souveraineté de la région de Kirkouk (nord), riche en pétrole, que les Kurdes voudraient incorporer à leur territoire.
Début des livraisons La Turquie a commencé à livrer le pétrole du Kurdistan irakien sur les marchés internationaux, a annoncé vendredi son ministre de l'Energie. Les livraisons ont débuté à 22H00 heure locale (19H00 GMT) hier (jeudi) depuis le port de Ceyhan (sud), a indiqué Taner Yildiz à la presse vendredi. C'est l'Irak qui vend et produit le pétrole et c'est l'Irak encore qui gérera les ventes futures, a souligné le ministre. Cette annonce intervient alors que les autorités kurdes et le gouvernement irakien se livrent depuis plusieurs mois une bataille sur le contrôle des exportations de brut: Bagdad estime que le pétrole appartient au pays tout entier, tandis qu'Erbil veut traiter directement avec des compagnies pétrolières. Les exportations via la Turquie, qui interviennent après les élections législatives du 30 avril en Irak à l'issue desquelles la coalition du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki est arrivée en tête, pourraient provoquer un regain de tensions entre les Kurdes et le gouvernement central de Bagdad. Les Etats-Unis se sont inquiétés jeudi d'une possible déstabilisation du pays. Notre position de longue date est de ne pas apporter notre soutien aux exportations si elles ne sont pas dûment approuvées par le gouvernement central irakien, et nous sommes inquiets de l'impact que pourraient avoir celles en cours, a déclaré la porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki, lors d'un briefing. Notre inquiétude la plus immédiate concerne la stabilité de l'Irak, a-t-elle ajouté. L'Irak fait face à la situation la plus difficile. Nous avons été clairs en disant qu'il est important pour toutes les parties d'agir pour aider le pays à avancer et éviter tout ce qui pourrait exacerber encore davantage les divisions et les tensions, a-t-elle insisté. Ankara a offert en 2013 de jouer le rôle d'intermédiaire indépendant en proposant que les revenus issus du pétrole irakien soient déposés sur un compte sous séquestre dans une banque publique turque. La Turquie a par le passé refusé de s'engager dans des contacts officiels avec les Kurdes irakiens, craignant que l'instauration d'un Etat kurde n'encourage les velléités de la communauté kurde sur son sol. Mais, avec le boom de l'économie et l'augmentation des besoins énergétiques du pays, la position du gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a évolué. Le Premier ministre truc a ainsi pour la première fois utilisé le terme Kurdistan, longtemps tabou en Turquie, pour faire référence à la région autonome du nord de l'Irak. Les réserves de pétrole et de gaz de l'Irak sont parmi les plus importantes au monde. En 2013, le pays a produit en moyenne 3 millions de barils par jour, selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE), fournissant à l'Etat 95% de ses revenus.