Plus que jamais, l'Algérie est inondée de drogues provenant essentiellement du Maroc voisin. Les quantités annoncées par l'Office de lutte contre la drogue et la toxicomanie sont alarmants. De ce fait, plus de 23.000 personnes ont été condamnées en 2013 par la justice en Algérie pour des affaires liées à la détention, consommation ou commercialisation de la drogue, a-t-on appris auprès de l'Office de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT). "En 2013, le nombre de personnes condamnées pour des affaires liées à la drogue a atteint 23.487 dont 130 femmes", a indiqué le directeur général par intérim de l'ONLDT, Mohamed Benhalla. Parmi ce chiffre global, 17 398 individus, dont 81femmes, ont été condamnés pour des affaires liées à la détention et à la consommation de la drogue, alors que 6 089 autres, dont 49 femmes, pour des affaires liées au trafic et à la commercialisation. S'agissant de la tranche d'âge des personnes condamnées, le bilan fait ressortir qu'il s'agit d'une catégorie dont l'âge oscille entre 18 et 55 ans.
Plus de 95 tonnes de résine de cannabis saisies durant le 1er semestre 2014 Sur un autre sillage, l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT) a fait savoir que plus de 95 tonnes de résine de cannabis ont été saisies durant les six premiers mois de l'année 2014, soit une hausse de 25 tonnes de la quantité saisie durant la même période de l'année 2013. "Au total, 95 592,973 kg de résine de cannabis ont été saisis durant les six premiers mois de l'année en cours, contre 70 202,043 kg durant la même période de l'année 2013", a indiqué le directeur général par intérim de l'Office. Se référant à un bilan global des services de lutte contre la drogue, il a indiqué que "toute la quantité de résine de cannabis saisie vient du Maroc", soulignant que l'Algérie "a toujours soulevé ce problème". "La quantité saisie de résine de cannabis durant le premier semestre de l'année 2014 en comparaison avec la même période de 2013, a augmenté de 36%, a-t-il précisé. M. Benhalla a estimé, dans ce sens, que la situation "n'est pas étonnante, mais reste très inquiétante notamment pour la santé des Algériens et l'évolution de la criminalité". Il a fait remarquer que ce bilan englobe également 1191,126 grammes de cocaïne qui ont été saisis durant les six premiers mois de l'année 2014, contre 217,778 grammes à la même période de l'année 2013, ainsi que la découverte et l'éradication de 2.060 plantes de cannabis et 7.470 plantes d'opium. Les services de lutte ont également saisi 667 931 comprimés de substances psychotropes de différentes marques, contre 583 185 comprimés durant la même période de l'année 2013, soit une hausse de 14% des quantités saisies. "Les substances psychotropes saisies dénotent que les trafiquants de drogue font transiter ces substances par les frontières sud du pays, a relevé M. Benhalla. Il a expliqué qu'il s'agit d'"une importation illicite de laboratoires clandestins gérés par des trafiquants de drogue", ajoutant qu'il existe également "des médicaments fabriqués dans des laboratoires étrangers, mais qui sont parfois détournés vers les marchés illicites". Toutefois, il a estimé que les comprimés de substances psychotropes sont destinés surtout à la "consommation locale", contrairement aux résines de cannabis. Evoquant les mesures de lutte, il a indiqué que les quantités saisies "démontrent les efforts colossaux déployés par les services de lutte contre ce phénomène, ainsi que leur bonne maîtrise et leur professionnalisme en la matière". "L'Algérie fait énormément d'efforts en moyens humains et matériels dans ce domaine", a-t-il souligné, mettant l'accent notamment sur la coordination qui existe entre les différents services concernés par la lutte contre ce fléau. D'autre part, le même responsable a avancé le chiffre de 8 497 individus, dont 118 étrangers, interpellés par les services de lutte, durant la même période, pour des affaires liées à la détention, trafic ou commercialisation de la drogue. Par ailleurs, M. Benhalla a fait état de l'existence d'une "surveillance accrue" par les pays de la Méditerranée, à travers la mise en place de dispositifs maritimes visant à coordonner leurs efforts pour juguler le phénomène de trafic de drogue.
Les frontières ouest origines de tous les maux Avec une production de 38.000 tonnes de cannabis, le Maroc reste le principal pays exportateur de cette drogue au niveau mondial devançant l'Afghanistan, l'Ukraine et l'Azerbaïdjan, a révélé un rapport de l'ONU sur les drogues en 2014. Selon un rapport de l'Office des Nations unies pour la drogue et le crime (ONUDC) pour l'année 2014, la superficie consacrée à la culture de cannabis au Maroc est estimée à "57.000 hectares alors qu'elle avoisine 10.000 hectares en Afghanistan". Ces chiffres viennent conforter le rapport élaboré par l'Observatoire européen de toxicomanie et drogue pour l'année 2014 et publié à l'occasion de la Journée mondiale du lutte contre la drogue et le trafic illicite (26 juin). Selon le document, le Maroc a maintenu sa place en tant que principal pays exportateur de résine de cannabis (Hachich) vers les pays européens. Le Royaume du Maroc constitue au côté de l'Afghanistan le plus grand exportateur de cannabis dans le monde destiné notamment vers les marchés de l'Europe de l'ouest et centre à travers les canaux de l'Espagne et le Portugal, a fait ressortir le rapport qui a concerné 30 Etats européens. 78 millions d'Européens âgés entre 15 et 64 ans ont déjà consommé du cannabis au moment où les autorités européennes ont saisi près de 700 tonnes de cannabis provenant essentiellement du Maroc et l'Afghanistan. Pour ce qui est du volet consommation de drogue, le document a démontré une stabilité des moyennes de consommation de drogue à travers le monde soit un taux de 5% de la population mondiale (243 millions d'individus). Par ailleurs le nombre de toxicomanes s'élève à environ 27 millions d'individus soit 0,6% de la population adulte dans le monde (1 sur 200.000 personnes).
Ksentini appelle à la révision de la loi sur la lutte contre les stupéfiants Par ailleurs, le président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, a appelé à l'adoption d'une nouvelle approche pour faire face à la prolifération des stupéfiants en milieu de jeunes et qui repose sur la révision de la loi sur la lutte contre les stupéfiants qu'il a qualifiée de "dramatique" pour les jeunes consommateurs car prenant en otage leur avenir au lieu de leur prêter aide et assistance. Dans une déclaration à l'APS, M. Ksentini a insisté sur l'importance de réviser" la loi n° 04/18 relative à la prévention et à la répression de l'usage ou du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes qui compte "plusieurs lacunes". L'application de ses dispositions relatives aux jeunes consommateurs influe négativement sur leur avenir, a-t-il dit. "Est punie d'un emprisonnement de deux (02) mois à deux (02) ans et d'une amende de 5000 à 50000 DA, ou de l'une de ces deux peines, toute personne qui, d'une manière illicite, consomme ou détient à un usage de consommation personnelle des stupéfiants ou des substances psychotropes, stipule l'article 12 de la loi en question. Il est "inconcevable" de prendre en otage l'avenir d'un jeune qui était en possession de petites quantités de stupéfiants en le condamnant à une peine d'emprisonnement qui "est loin d'être la solution indiquée en pareil cas car provoquant l'effet inverse", estime Me Ksentini. La situation a atteint un tel degré de gravité dans le sens où le magistrat prononce, de façon systématique, des verdicts à l'encontre de personnes dont les noms sont cités dans des affaires liées aux stupéfiants même "en l'absence de preuve matérielles", a-t-il tenu à faire remarquer. A ce propos, le président de la CNCPPDH a précisé que le magistrat manifeste des "appréhensions à l'idée d'une relaxe en faveur de personnes impliquées même s'il s'agit de jeunes consommateurs". "Lors d'un seul procès, 10 à 15 affaires liées au trafic de drogues sont tranchées et l'on constate, par conséquent, que la moitié des prisonniers sont des accusés condamnés pour des affaires en rapport avec les stupéfiants", a-t-il poursuivi. Le collectif de défense "préfère, ainsi, prendre en charge des affaires de terrorisme au regard des conclusions préalablement établies". D'autre part, Me Ksentini a affirmé qu'il était important, outre la révision de la loi en question, de concentrer l'effort sur la protection et la sécurisation des frontières avec le Maroc, considéré comme un pays exportateur de cannabis à travers lequel il tente de "nuire à la jeunesse algérienne".