Le scandale d'espionnage entre l'Allemagne et les Etats-Unis, qui a significativement sapé la confiance entre les deux alliés, vit un rebondissement inattendu, selon les médias. Jusqu'à présent, Berlin avait réagi aux écoutes américaines en accusant Washington "d'indécence morale". Mais il s'est avéré que les renseignements allemands écoutaient également leurs partenaires. Malgré tout, les experts pensent que cela ne détériorera pas les relations bilatérales. C'est en fin de semaine dernière que les médias allemands ont dévoilé une nouvelle facette du scandale d'espionnage: le Sueddeutsche Zeitung, puis le Spiegel, ont annoncé qu'en 2012 les renseignements allemands avaient écouté la conversation téléphonique de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et l'ex-secrétaire général de l'Onu Kofi Annan. Cette conversation a été interceptée soi-disant "par un malentendu" - en attendant "une autre conversation sur la même fréquence", et l'agent allemand en avait immédiatement informé ses supérieurs. Ensuite les services allemands ont également intercepté une conversation du secrétaire d'Etat John Kerry - un malentendu, une fois de plus. Les médias ont partagé de nouvelles informations samedi: cette fois plus sur des écoutes accidentelles mais les activités systématiques des renseignements allemands. La liste des pays suivis par Berlin inclut notamment la Turquie depuis 2009 - pays partenaire de l'Allemagne au sein de l'Otan. Contrairement à la déclaration faite plus tôt par la chancelière Angela Merkel selon laquelle l'Allemagne "n'espionnait pas ses amis", les autorités n'ont pas démenti cette information. Et une source du Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a déjà expliqué: "Nous n'avons jamais affirmé que cette approche était valable pour tous les pays de l'Otan". Ankara a déjà promis de mener une enquête mais, selon Berlin, ce suivi était "important pour la sécurité nationale allemande" et, par conséquent, justifié. De toute évidence, les journalistes ont obtenu cette information de la même source qui avait dévoilé l'agent double allemand Markus R., qui espionnait au profit des USA. Selon la presse, parmi les documents dont les copies ont été transmises aux Américains par l'agent double, se trouvait la liste des régions ciblées par les renseignements allemands, ainsi que le dossier sur la conversation interceptée d'Hillary Clinton. Ironiquement, c'est à cet agent qu'il avait été confié. Bien qu'après le scandale de juillet concernant l'arrestation d'espions américains à Berlin un haut diplomate américain ait été expulsé d'Allemagne (selon certaines informations il dirigeait l'antenne américaine locale), les experts ne sont pas prêts à parler d'une détérioration des relations entre Berlin et Washington. "Les deux parties sont conscientes que l'information dévoilée dans les médias ne change aucunement les relations de travail entre les institutions gouvernementales allemandes et américaines, alors que le renseignement et le contre-espionnage font naturellement partie de toute structure étatique responsable de la sécurité du pays. Les renseignements des deux pays ont probablement déjà échangé des notes appropriées. Or le public a obtenu un argument supplémentaire en faveur de la nécessité d'un contrôle social et civil des renseignements", a déclaré Vladislav Belov, directeur du Centre d'études germaniques de l'Institut de l'Europe à l'Académie des sciences de Russie.