Les Européens ont exigé dimanche des explications sur le programme d'espionnage américain qui aurait également visé les institutions de l'UE, selon de dernières révélations dans cette affaire qui pourraient compliquer les relations transatlantiques. Le programme d'espionnage de la NSA américaine (Agence nationale de sécurité) a aussi visé l'Union européenne, a assuré le magazine allemand Der Spiegel dimanche, fondant ses accusations sur des documents confidentiels dont il a en partie pu avoir connaissance grâce à l'ancien consultant américain de la NSA, Edward Snowden, à l'origine des révélations sur ce programme baptisé Prism. "Nous avons pris contact immédiatement avec les autorités américains à Washington et à Bruxelles et les avons mis face aux informations de presse. Ils nous ont dit qu'ils vérifiaient l'exactitude des informations publiées hier et qu'ils reviendraient vers nous", a annoncé dimanche la Commission européenne dans un communiqué. A Berlin, la ministre de la Justice a aussi réclamé des comptes. "Il faut que du côté américain on nous explique immédiatement et en détail si ces informations de presse à propos d'écoutes clandestines totalement disproportionnées par les Etats Unis dans l'Union européenne sont exactes ou non", a déclaré Sabine Leutheusser-Schnarrenberger dans un communiqué. Dès samedi soir, le président du Parlement européen, Martin Schulz, avait estimé que "si cela se confirme, il s'agit d'un immense scandale". "Cela nuirait considérablement aux relations entre l'UE et les Etats-Unis". A Paris, le chef du Parti socialiste (PS, au pouvoir), Harlem Désir, a qualifié d'"inacceptable" un espionnage américain s'il était confirmé, tandis que le responsable du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon exigeait "l'arrêt immédiat des négociations" commerciales entre l'UE et les Etats-Unis, qui viennent d'être lancées. Depuis l'Afrique du Sud, où il accompagne le président américain Barack Obama, le conseiller adjoint à la Sécurité nationale, Ben Rhodes, s'est contenté de souligner que les Européens étaient des "parmi les alliés les plus proches" des Etats-Unis en matière de renseignement, se refusant à de plus amples commentaires. "Cibles à attaquer" Selon un document révélé par le Spiegel, daté de septembre 2010, classé "strictement confidentiel", la NSA décrit comment elle espionnait la représentation diplomatique de l'Union européenne à Washington. Il s'agissait non seulement de micros installés dans le bâtiment, mais aussi d'une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes. La représentation de l'UE à l'ONU était surveillée de la même manière, toujours selon ces documents, dans lesquels les Européens sont explicitement désignés comme des "cibles à attaquer". La NSA avait même étendu ses opérations jusqu'à Bruxelles. Il y a "plus de cinq ans", écrit Der Spiegel, les experts en sécurité de l'UE avaient découvert un système d'écoutes sur le réseau téléphonique et internet du bâtiment Justus-Lipsius, principal siège du Conseil de l'Union européenne, et qui remontait jusqu'au quartier général de l'Otan dans la banlieue de Bruxelles. En 2003, l'UE avait effectivement confirmé la découverte d'un système d'écoutes téléphoniques des bureaux de plusieurs pays, dont la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Autriche et l'Italie. Ces micros auraient été placés dans des cabines de traducteurs lors de la construction du bâtiment accueillant le Conseil des ministres de l'UE à Bruxelles, en 1993 et 94, et il est donc difficile de savoir s'il s'agit de cette affaire dont parle l'article du Spiegel. Dix ans plus tard, l'enquête menée par la justice belge n'a débouché sur aucun résultat concret. En 2011, le "Comité R", qui chapeaute les services de renseignement belges, avait dénoncé une enquête menée "de manière assez informelle et plutôt désordonnée" et relevé que "la hiérarchie du Conseil" européen de l'époque n'avait pas montré d'empressement à ce que l'affaire soit résolue. Auteur de révélations explosives sur les programmes de surveillance des télécommunications, l'ex collaborateur de l'Agence nationale de sécurité (NSA) est coincé depuis une semaine à l'aéroport de Moscou, en provenance de Hong Kong, son passeport étant annulé par les Etats-Unis qui réclament son extradition pour espionnage. L'Equateur a renvoyé samedi à la Russie la responsabilité d'un transfert d'Edward Snowden, qui a sollicité l'asile politique dans ce pays.