Des responsables américains ont accusé les Emirats d'avoir mené secrètement des frappes aériennes contre des miliciens islamistes en Libye, où règne la confusion avec la perspective de la formation d'un gouvernement pro-islamiste rival de celui exilé dans l'extrême est du pays. Les déclarations américaines sont survenues lundi au moment où le pouvoir reconnu internationalement --le Parlement élu et l'exécutif provisoire-- était directement défié par les islamistes qui veulent former un gouvernement alternatif après avoir réussi, selon toute vraisemblance, à prendre l'aéroport stratégique de Tripoli à leurs adversaires nationalistes. Les Emirats arabes unis ont mené ces raids, ont indiqué deux responsables américains, après une information du New York Times qui recoupait les accusations de miliciens islamistes. Ces derniers ont pointé du doigt dès samedi les Emirats arabes unis et l'Egypte, les accusant d'avoir voulu par ces frappes alléger la pression militaire qu'ils exerçaient sur les miliciens nationalistes qui tenaient l'aéroport. Après avoir affirmé dimanche n'avoir mené aucune opération militaire en Libye, l'Egypte a démenti mardi toute implication directe dans ces raids. Les Emirats arabes unis continuaient mardi d'observer un mutisme total sur cette question. Les deux pays, alliés dans la lutte contre les islamistes, ont organisé cette année des manœuvres militaires conjointes aux Emirats. Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de l'armée égyptienne, avait assisté à cet exercice, avant son élection fin mai à la présidence.
L'Egypte dément à nouveau toute implication L'Egypte a démenti une nouvelle fois mardi toute implication directe dans les bombardements récents de positions de milices islamistes en Libye, comme des responsables américains en ont accusé. Les groupes armés islamistes visés par ces frappes aériennes la semaine dernière avaient accusé l'Egypte et les Emirats de les avoir perpétrées. Dimanche, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi avait démenti catégoriquement que son pays ait mené une quelconque opération militaire en territoire libyen. Nous n'avons aucun lien direct avec une quelconque opération militaire en Libye, a affirmé mardi devant la presse Sameh Choukri, le ministre égyptien des Affaires étrangères, ajoutant cependant: Nous aidons les forces armées libyennes en leur fournissant ce dont elles ont besoin ou dans leur entraînement. A une question sur la coopération évoquée par le New York Times entre les Emirats et l'Egypte dans les frappes aériennes près de l'aéroport de Tripoli, M. Choukri a répondu: Je n'ai vu aucune déclaration officielle des Etats-Unis à ce sujet, il y a certaines rumeurs dans les médias mais, avec tout le respect que j'ai pour ces derniers, les informations des médias ne sont pas toujours crédibles et précises. M. Choukri s'exprimait au Caire à l'occasion d'une visite de son homologue de l'exécutif provisoire libyen, Mohamed Abdelaziz, et du président du Parlement libyen nouvellement élu Aguila Salah Issa. L'autorité et la légitimité de ces deux institutions internationalement reconnues sont contestées par les milices islamistes qui contrôlent une partie du territoire libyen et soutiennent la formation d'un gouvernement rival. L'Egypte a profité de cette visite officielle pour renouveler son soutien au Parlement et à l'exécutif provisoire libyen, alors que l'assemblée sortante, le Conseil général national (CGN) a chargé lundi un pro-islamiste de former un gouvernement alternatif. Le soutien de l'Egypte va toujours à la légitimité, la légitimité représentée par le Parlement et le nouveau gouvernement qui va être formé, a précisé M. Choukri.
'Escalade' Lundi, les Etats-Unis et leurs alliés européens se sont alarmés d'une escalade du conflit en Libye, plongé dans le chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, renversé par une rébellion soutenue militairement par les pays occidentaux. Dans un communiqué commun, Washington, Paris, Londres, Berlin et Rome ont condamné les interférences extérieures en Libye qui exacerbent les divisions. Dénonçant l'escalade des combats et des violences, ils ont réclamé la poursuite de la transition démocratique. Capitalisant sur leur succès militaire à Tripoli, les miliciens islamistes de la coalition Fajr Libya (Aube de la Libye) ont obtenu une réunion lundi de l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN - à dominante islamiste), dont le mandat a théoriquement expiré avec l'élection le 25 juin d'un nouveau Parlement. Estimant que cette assemblée -dominée par les non-islamistes- et le gouvernement provisoire ont perdu toute légitimité après avoir appelé à une intervention étrangère pour l'aider à lutter contre les milices, le CGN a chargé une personnalité pro-islamiste, Omar al-Hassi, de former un gouvernement de salut national en l'espace d'une semaine. Le chef du gouvernement provisoire, Abdallah al-Theni, a aussitôt qualifié d'illégales la réunion du CGN et ses décisions. Il a dénoncé les exactions de miliciens islamistes à Tripoli, qui n'ont pas hésité selon lui à piller et incendier sa résidence dans la capitale. Pour se soustraire aux pressions des groupes armés, le Parlement et le gouvernement provisoire ont choisi de siéger à Tobrouk, à 1.600 km à l'est de Tripoli, mais leurs adversaires leur reprochent de se couper ainsi de la réalité du pays où les milices armées règnent en maîtres.
Les islamistes se démarquent des djihadistes Souvent accusés de collusion avec les djihadistes, les islamistes de Fajr Libya ont pris leurs distances avec le groupe Ansar Asharia qui rejette la démocratie comme modèle de gouvernement et souhaite appliquer la loi islamique dans le pays. Fajr Libya a affirmé, dans un communiqué, respecter la Constitution et l'alternance pacifique du pouvoir, après avoir été invité par Ansar Asharia à rejoindre ses rangs. Plus encore, il a proposé de collaborer avec les forces de sécurité pour sécuriser Tripoli et protéger les ressortissants étrangers. Ansar Asharia et Fajr Libya ont tous deux été qualifiés ce week-end de terroristes par le Parlement élu qui a annoncé son intention de renforcer l'armée pour les éradiquer. Ansar Asharia, classé groupe terroriste par les Etats-Unis, contrôle 80% de Benghazi, à 1 000 km à l'est de Tripoli, où il résiste à une offensive déclenchée contre lui par le général dissident Khalifa Haftar. Washington accuse Ansar Asharia d'avoir mené en 2012 une attaque contre sa mission diplomatique à Benghazi, qui avait coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens et à trois autres Américains.
L'aéroport de Tripoli sous contrôle des islamistes L'aéroport international de Tripoli est sous contrôle des miliciens islamistes de Fajr Libya (Aube de la Libye). Aucune activité militaire n'a été signalée dans le secteur lors de la visite organisée par le service de presse des miliciens islamistes. La salle d'embarcation a été totalement ravagée par un incendie mais la piste principale est intacte. Plus d'une dizaine d'avions de compagnies libyennes étaient alignés le long du terminal. L'un d'eux avait la queue arrachée par un obus, d'autres portaient des impacts de balles, mais certains semblaient n'avoir pas subi de dommage. Les miliciens islamistes ont annoncé avoir pris l'aéroport à l'issue de dix jours de violents combats avec des miliciens nationalistes de Zenten (ouest de Tripoli) qui tenaient cette installation depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. L'aéroport est fermé depuis le 13 juillet, date de l'intensification des combats entre les deux milices rivales.