Le géant gazier russe Gazprom a annoncé lundi la création de la société chargée de construire un nouveau gazoduc vers la Turquie, avec lequel elle espère remplacer le projet South Stream vers l'Europe abandonné la semaine dernière. La société sera enregistrée à Saint-Pétersbourg, les procédures nécessaires ont été entamées aujourd'hui lundi, a indiqué le porte-parole du groupe Sergueï Kouprianov dans un communiqué. L'entreprise sera baptisée Gazprom Rousskaïa, du nom de la station de compression de tête du gazoduc, Rousskaïa, a-t-il ajouté. Lors d'une visite en Turquie le 1er décembre, le président russe Vladimir Poutine avait annoncé la fin du projet South Stream actuellement en construction entre la Russie et l'Italie via la mer Noire et le sud de l'Europe. Ce gazoduc évalué à au moins 16 milliards d'euros se heurtait, notamment en Bulgarie, à l'Union européenne qui lui reprochait de ne pas respecter sa législation énergétique, un contentieux envenimé par la crise ukrainienne. A la place, la Russie compte construire un nouveau gazoduc vers la Turquie, qu'elle approvisionne déjà via la mer Noire par le gazoduc Blue Stream, et faire du pays un important pays de transit pour le gaz russe. Gazprom veut ainsi prolonger son gazoduc jusqu'à la frontière entre la Grèce et la Turquie en vue de livraisons vers l'Europe qui pourraient s'élever à 50 milliards de m3, contre une capacité de 63 milliards de m3 prévus pour South Stream. L'ambassadeur de Russie auprès de l'UE, Vladimir Tchijov, avait jugé que Moscou pourrait négocier avec la Serbie, la Hongrie et l'Autriche --pays qui devaient être alimentés par South Stream-- pour les alimenter vers ce nouveau hub gazier. Contrairement à South Stream, Gazprom ne compte pas transporter le gaz au-delà de la frontière de l'UE mais laisser les clients européens, très dépendants du gaz russe, venir le chercher à leur coût. La décision de mettre fin à South Stream constitue le début de la fin de notre modèle de travail sur le marché, qui consistait à livrer au consommateur final sur le marché européen, a souligné pendant le week-end le patron de Gazprom Alexeï Miller à la télévision publique russe. Au passage, le rôle de l'Ukraine comme pays de transit (environ 15% du gaz consommé en Europe passe par son territoire, ce qui constitue une source de revenus pour Kiev), déjà en baisse ces dernières années, sera réduit à zéro, a estimé M. Miller. De son côté, la Turquie deviendra un important pays de transit ce qui renforce son statut géopolitique dans la région, a-t-il précisé. En froid avec l'Europe, la Russie cherche à diversifier, notamment vers l'Asie, ses livraisons de gaz qui assurent une part vitale de ses revenus.