L'Union européenne se retrouve face à un nouveau casse-tête diplomatico-énergétique après l'annonce par la Russie de l'abandon du projet de gazoduc South Stream, impliquant sept Etats-membres et censé au départ sécuriser ses approvisionnements en gaz. La Commission européenne a réagi a minima, estimant que la décision russe confirmait l'urgence pour l'UE de couper le cordon gazier avec la Russie. La décision de la Russie d'arrêter South Stream et la manière dont cela a été décidé confirme combien la diversification des sources d'approvisionnements est importante pour l'Europe, a déclaré la vice-présidente de la Commission chargée du Budget, la Bulgare Kristalina Georgieva, au lendemain de l'annonce de l'abandon du projet par le président russe Vladimir Poutine. Cette décision prouve qu'il est urgent, non seulement de diversifier les routes, mais aussi les sources d'approvisionnements, a renchéri la représentante de la diplomatie européenne, l'Italienne Federica Mogherini, dont le pays est impliqué dans le projet, jugé vital pour son économie. La Commission a entrepris d'analyser les conséquences politiques et économiques de la décision russe. Le sujet sera discuté mardi prochain en marge du prochain conseil des ministres de l'Energie de l'UE avec les représentants des pays impliqués dans le projet, a annoncé le vice-président responsable de l'Energie, Maros Sefcovic. Mais aucune compensation n'est prévue pour les projets abandonnés, a d'emblée mis en garde sa porte-parole, Anna-Kaisa Itkonen. Vladimir Poutine a annoncé lundi à Ankara que la Russie était dans l'impossibilité de poursuivre le projet de gazoduc russo-italien à cause de l'opposition de Bruxelles. Lancé avant le conflit russo-ukrainien, le projet visait au départ à diversifier les routes du gaz russe, en contournant l'Ukraine par où transite actuellement près de la moitié des livraisons russes à l'UE. Cette dépendance avait valu à l'Europe de subir des coupures de gaz en 2006 et 2009, lors de précédentes disputes gazières entre Kiev et Moscou. Mais le projet avait été critiqué par l'ancien commissaire à l'Energie, l'Allemand Günther Oettinger, aujourd'hui responsable du numérique dans la Commission de Jean-Claude Juncker: en juin, il avait mis en garde les Etats contre les tentatives de diviser l'UE et leur avait demandé de ne pas toujours plier devant la Russie.
Pression de Poutine Initiative privée des groupes russe Gazprom et italien ENI d'un coût de 16 milliards d'euros, South Stream, dont le chantier a été officiellement lancé en décembre 2012, devait relier sur 3 600 kilomètres la Russie à la Bulgarie en passant sous la mer Noire, pour ensuite servir l'Italie et la Grèce, et, via la Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Hongrie et l'Autriche. Il devait avoir une capacité de 63 milliards de m3 par an, soit l'équivalent des achats européens de gaz russe transitant par l'Ukraine. La Commission européenne avait contesté le projet en décembre 2013, en réclamant qu'il respecte les règles de l'UE, notamment sur l'accès du gazoduc à d'autres fournisseurs que Gazprom. Le groupe russe ayant refusé de s'y plier, l'exécutif bruxellois a menacé de sanctions les sept Etats-membres impliqués dans le projet s'ils lançaient les chantiers. La décision est entre les mains de l'UE et de la Russie, soutient le président bulgare Rosen Plevneliev. C'est un mouvement tactique de Poutine pour mettre la pression sur l'UE, a pour sa part assuré le chef de la commission énergie du Parlement bulgare Martin Dimitrov. Mais Alexei Miller, le patron de Gazprom, a annoncé que le projet South Stream était fini et a dit ne plus vouloir négocier. Il a annoncé vouloir y substituer un nouveau gazoduc vers la Turquie d'une capacité de 63 milliards de m3. Ce durcissement russe inquiète les groupes européens qui ont investi dans le projet South Stream et les pays concernés par le projet. L'Italien ENI étudie la possibilité de se désengager du projet, avait indiqué début novembre un de ses dirigeants, Claudio Descalzi. Le groupe français EDF va étudier les actions à mettre en œuvre pour préserver ses intérêts dans le projet, a annoncé un de ses porte-parole. L'UE achète chaque année 300 milliards de m3 de gaz dont 125 milliards à Gazprom.