Pour Moscou, les sanctions économiques adoptées par les pays occidentaux contre la Russie en raison des événements en Ukraine cachent une tentative de faire changer le régime dans le pays, selon le quotidien russe Nezavissimaïa gazeta paru hier. Ce point de vue exprimé initialement par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a été développé lundi par son adjoint Sergueï Riabkov à la Douma (chambre basse du Parlement russe). La logique du diplomate est simple: les actions occidentales "laissent percevoir et ne cachent pratiquement pas l'objectif de créer les conditions socioéconomiques pour changer le pouvoir en Russie". En affaiblissant l'économie du pays, les sanctions détériorent le niveau de vie et sapent l'autorité du gouvernement - un contexte favorable à ceux qui voudraient faire éclater un "maïdan" en Russie. Le jour même, le porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis en Russie William Stevens a contesté ce point de vue. Dans une interview accordée à Interfax il a déclaré: "Les USA ne cherchent pas à provoquer un changement au sein du gouvernement russe, mais font pression pour faire changer sa politique". Il a expliqué que les sanctions seraient levées dès que la Russie remplirait ses engagements concernant l'Ukraine. Mais ses explications omettent le fait que les sanctions touchent la vie des Russes. Cet échange de vues n'est pas une simple querelle diplomatique. Il est question d'événements de premier plan dans les relations internationales. On se demande donc si une nouvelle guerre froide ne se profile pas à l'horizon. En effet, les sanctions économiques contre la Russie rappellent la confrontation économique entre l'Occident et l'URSS. Cependant, à cette époque, les méthodes de ce genre n'étaient pas nouvelles. Il suffit de rappeler l'attaque de la base navale américaine de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 par l'aviation japonaise. L'embargo pétrolier décrété par les USA contre le Japon était l'une des principales raisons de cette attaque, qui a déclenché la guerre dans le Pacifique. Les leviers de pression économique sont devenus plus diversifiés et sophistiqués. Les sanctions financières occupent une part plus importante dans la liste des mesures adoptées contre la Russie. Les sanctions s'attaquent aux banques publiques et aux compagnies russes (VEB, Vneshtorgbank, Rosselkhozbank, Rosneft et d'autres), à qui il est interdit d'obtenir des crédits sur les marchés financiers occidentaux. Au vu de leur dette extérieure élevée, selon l'idée des créateurs de ces sanctions, ces mesures devraient provoquer un défaut. Etant donné que les entreprises mentionnées sont essentiellement systémiques, tout laisse à penser qu'il s'agit d'une tentative de faire effondrer le système financier du pays. Les conséquences d'une telle action pourraient être extrêmement douloureuses pour la vie de la population. Dans ce sens, il est primordial de savoir comment les autorités russes contreront les tentatives d'ébranler l'économie du pays. Pourront-elles trouver les ressources nécessaires pour maintenir le niveau de vie de la population en gérant correctement les réserves? Dans le même temps, il faut faire en sorte de ne pas réduire les services indispensables pour la population, empêcher la hausse des prix du transport, de l'essence, du gaz et de l'électricité, car cela pourrait affecter la vie de la population. Les sanctions pourraient durer, il faut s'y préparer.
Moscou pour les sanctions anti-occidentales malgré la hausse des prix La majorité des Russes approuve l'embargo alimentaire décrété par leur gouvernement contre l'UE, les USA, l'Australie et la Norvège, selon la fondation Opinion publique (FOM). Les personnes interrogées sont persuadées que les sanctions russes affectent l'économie de ces pays mais constatent également que les prix des produits alimentaires ont augmenté en Russie et que les sanctions de l'UE et des USA ont eu un impact sur leur vie. Selon les sociologues, la population changerait d'avis si le rouble s'effondrait et si les prix montaient en flèche. La plupart des Russes (70%) sont convaincus que les sanctions occidentales affectent l'économie russe et seulement 13% pensent que ce n'est pas le cas. 54% reconnaissent que les sanctions les ont touchés personnellement. 36% pensent que ces mesures ont été adoptées à cause de la "position de la Russie vis-à-vis de l'Ukraine", 16% après la réunification entre la Russie et la Crimée. Selon 11% des personnes interrogées, les sanctions sont dues à la "position antirusse des Etats-Unis". Environ 25% ont hésité à répondre. 55% des répondants sont persuadés que l'embargo alimentaire décrété par la Russie contre l'UE, les USA, l'Australie et la Norvège a eu un impact négatif sur l'économie de ces pays. Le 7 août, le gouvernement russe a interdit les importations de fruits, légumes, poisson, lait et produits laitiers, porc, bœuf et volaille en provenance de ces pays après que ces derniers ont adopté des sanctions contre la Russie. Seulement 17% des personnes interrogées estiment que les sanctions alimentaires russes ont affecté "de manière minime" l'économie de l'UE, des USA, de l'Australie et de la Norvège. 11% pensent qu'elles n'ont été "aucunement" touchées. Les avis sont partagés quant à la manière dont l'embargo s'est répercuté sur l'économie russe. Selon 39% des personnes interrogées, son impact a été positif, 19% négatif et 20% pense qu'il n'a eu aucun impact (22% ont hésité à répondre). 74% ont remarqué une hausse des prix des produits alimentaires et seulement 17% disent n'avoir remarqué aucun changement. Toutefois, 59% des Russes approuvent l'adoption de l'embargo alimentaire. Selon eux, "il faut soutenir le producteur russe et développer notre propre production". 9% désapprouvent l'interdiction des importations de produits alimentaires en provenance de l'UE, des USA, de l'Australie et de la Norvège, essentiellement "parce que les prix continueront d'augmenter". "Il est difficile pour les gens de dire que l'embargo a eu un effet positif pour l'économie russe alors que les prix montent et que le rouble chute", déclare Lioudmila Presniakova de la FOM. Selon elle, les Russes préfèrent les produits locaux pour l'instant "satisfaits que la Russie prenne des contre-mesures contre l'Occident" et sont "prêts à patienter". La sociologue reconnaît que les Russes pourraient perdre patience, mais seulement si plusieurs facteurs étaient réunis: "Une hausse significative des prix, l'effondrement du rouble, la réduction des salaires et des emplois".