Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker espérait de l'argent sonnant et trébuchant des Etats pour abonder son fonds d'investissement, il est reparti bredouille après un sommet à Bruxelles, bien que fort du soutien politique des 28. Les conclusions (du sommet) disent que le fonds est ouvert pour des contributions directes des Etats (...). Le principe est ancré, a salué le Luxembourgeois, même s'il n'y a pas eu de véritable débat sur les contributions nationales entre les dirigeants. Vingt-quatre heures plus tôt, il réclamait devant le Parlement européen des propositions concrètes et pas seulement des +paroles, paroles+. J'ai besoin de +money, money+, avait-il lancé, en faisant référence à son plan d'investissement pour relancer la croissance et l'emploi, priorité de son mandat. Un appel auquel les Etats membres, réunis jeudi en sommet, sont restés sourds, préférant temporiser avant d'ouvrir leur portefeuille pour contribuer au plan. D'ici le prochain sommet en février, la Commission devra être très claire sur la gouvernance du plan d'investissement, sur les règles de fonctionnement. C'est à la lumière de cela que nous allons décider si et de combien nous allons contribuer, a prévenu Sandro Gozi, le ministre italien des Affaires européennes dans un entretien. Le plan Juncker s'appuie sur une partie du budget européen et sur la Banque européenne d'investissement (BEI), le bras financier de l'UE, pour mobiliser au total 315 milliards d'euros. Mais des contributions directes des Etats membres, directes ou via les banques nationales de développement, accentueraient considérablement sa force de frappe. De nombreux appels du pied ont été lancés aux pays bénéficiant de marges budgétaires, Allemagne en tête. Jusqu'ici sans succès. Pour encourager les Etats membres, la Commission européenne propose que les sommes versées ne soient pas comptabilisées dans le calcul de leur déficit. Il n'y a pratiquement aucune raison pour ne pas participer au financement, argue M. Juncker. Un argument que n'entendent pas les Etats qui veulent plus d'assurances. Je ne vais pas mettre d'argent sur la table sans savoir d'abord quelles sont les propositions concrètes pour faire fonctionner ce fonds, s'est justifié jeudi le Premier ministre belge Charles Michel, résumant l'état d'esprit ambiant. Je veux que ce fonds soit mobilisé surtout au départ d'argent privé, a-t-il insisté.
De bonnes intentions Conscient des réticences, la Commission présentera mi-janvier un texte législatif expliquant comment se fera le calcul des contributions nationales. Outre la question du déficit, les Etats souhaitent également avoir leur mot à dire sur la sélection des projets financés par le plan d'investissement, même si l'idée défendue à Bruxelles est de ne pas allouer de quota par Etat. Cette négociation sera difficile car il y a des intérêts à plusieurs niveaux, prédit une source européenne. L'ambition est en outre d'aller vite, pour que le fonds soit opérationnel d'ici juin. Pour ne pas perdre de temps, la BEI pourra préfinancer des projets dès le début de l'année 2015. En attendant, la chancelière allemande Angela Merkel s'est contentée jeudi d'un soutien a minima et a préféré insister sur la nécessité de poursuivre les réformes structurelles en Europe. Nous pouvons lancer le plan d'investissement (...) qui doit maintenant se remplir de projets concrets. Par ailleurs, il faut évidemment gagner la confiance, c'est à cela que répond la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance, a déclaré Mme Merkel, à son arrivée au sommet. La France, guère plus diserte, a marqué son intérêt pour ce plan pour que dans notre propre pays, il y ait davantage d'investissement et davantage de soutien à la croissance, a insisté le président François Hollande. Plutôt que de fournir des garanties directes au fonds, Paris marque une nette préférence pour des cofinancements qui serviraient directement ses projets. La présidente lituanienne Dalia Grybauskaite n'a pas caché son scepticisme en jugeant la structure du plan Juncker pour le moment créative. Au moins, les intentions sont bonnes, a-t-elle commenté laconiquement. Ces propos n'ont guère refroidi M. Juncker. Certains ont montré qu'ils sont prêts sous certaines conditions à augmenter la substance financière du paquet, a-t-il dit.