Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi a annoncé mercredi l'adoption d'un décret ouvrant la voie à une nationalisation provisoire de l'aciérie Ilva, accusée d'être l'une des plus polluantes d'Europe, afin de restructurer le site pour trouver un repreneur. L'Ilva passera sous administration extraordinaire en janvier, a annoncé M. Renzi à la presse à l'issue du Conseil des ministres qui a adopté le décret sur l'aciérie de Tarente (sud), située dans une région déshéritée et où plus de 14 000 personnes sont employées. Trois commissaires seront nommés pour gérer la relance du site, accompagnée d'investissements publics sur une période évaluée de 18 à 36 mois. L'investissement, qui comprendra des fonds européens, s'élèvera à quelque deux milliards d'euros, dont 800 millions pour les mesures indépendantes de l'Ilva : des aides culturelles, le développement du port et la création d'un centre de recherche sur les tumeurs d'enfants à l'hôpital de Tarente, a expliqué M. Renzi. Il y a des moments dans la vie d'un pays où une administration doit avoir le courage de prendre ses responsabilités. C'est fondamental pour sauver un pôle industriel qui est au cœur de l'industrie du Mezzogiorno (sud) et qui représente beaucoup plus, a-t-il insisté. Le sens des responsabilités nous appelle et nous y répondons en prenant sur nous de remédier aux erreurs faites dans le passé dans cette ville. Tarente mérite un grand investissement de la part de l'Etat italien, a insisté M. Renzi. Interrogé mardi à la radio sur un éventuel veto de Bruxelles au nom du respect de la concurrence, il avait répliqué : Si l'Europe veut empêcher que l'on sauve les enfants de Tarente, alors elle se trompe de chemin. Le site était déjà sous l'autorité d'un administrateur à la suite d'une série de graves problèmes de pollution et de poursuites judiciaires.
L'usine de la mort Selon la presse, la famille Riva, visée dans plusieurs enquêtes judiciaires mais détenant toujours 90% des parts du groupe, entend lutter devant les tribunaux contre toute forme de nationalisation. Le dossier, qui mêle environnement, social, justice et économie, est explosif, les autorités judiciaires locales réclamant la fermeture de l'aciérie. Le groupe avait reçu fin novembre une offre non-contraignante de reprise de la part du groupe sidérurgique ArcelorMittal, allié à son homologue italien Marcegaglia. Il avait un mois pour y répondre. L'Ilva a produit 5,7 millions de tonnes d'acier en 2013, soit un peu plus que la moitié de sa capacité maximale de 11 millions de tonnes, dont un quart est parti à l'exportation. A ses 14 000 salariés s'ajoutent 8 000 à 10 000 emplois indirects. Déjà lourdement endetté, il a de plus été sommé par les autorités européennes de procéder à des travaux évalués à 1,8 milliard d'euros pour limiter ses émissions polluantes et assainir le site. L'Ilva a été citée en novembre par l'Agence européenne de l'environnement parmi les 30 sites industriels européens les plus nuisibles pour la santé et l'environnement. A l'occasion des multiples poursuites contre l'usine et la famille Riva, le parquet a fait valoir que le taux de cancers du poumon autour de l'usine était supérieur de 30% à la moyenne nationale, et estimé que le site avait été responsable de 400 décès prématurés dans les années 1990 et 2000.